Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/410

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celui qui lui adressait cette question ; il fallut pourtant la lui répéter deux fois avant qu’il eût l’air de l’entendre, et alors il murmura à voix basse qu’il était… un vieillard… un vieillard… un vieillard… Il ne put dire autre chose et redevint silencieux.

Le juge se couvrit du bonnet noir ; le juif ne bougea pas ; il avait conservé la même indifférence apparente. Cette sinistre formalité arracha un cri à une femme de la galerie. Le juif regarda vivement de ce côté, comme s’il était fâché de cette interruption, et se pencha en avant d’un air encore plus attentif. Les paroles qu’on lui adressait étaient solennelles et émouvantes, la sentence horrible à entendre ; mais il restait immobile comme une statue, sans qu’un seul muscle de son visage se mît en jeu. L’œil hagard, il restait penché en avant, la mâchoire pendante, quand le geôlier lui toucha le bras et lui fit signe de le suivre. Il regarda un instant autour de lui d’un air hébété, et obéit.

On lui fit traverser une salle basse où quelques prisonniers attendaient leur tour de passer en jugement, tandis que d’autres causaient avec leurs amis, à travers la grille qui donnait sur la cour. Il n’y avait là personne pour lui parler, à lui, et, quand il passa, les prisonniers se reculèrent, pour que les gens qui s’étaient accrochés à la grille pussent mieux le voir. Ils l’accablèrent d’injures, se mirent à crier, à siffler ; il leur montrait le poing et leur aurait craché au visage, si ses gardiens ne l’eussent entraîné par un sombre couloir, à peine éclairé de quelques quinquets, jusqu’à l’intérieur de la prison.

Là, on le fouilla pour s’assurer qu’il n’avait rien sur lui qui lui permît de devancer son supplice ; puis on le mena dans une des cellules des condamnés à mort, et on l’y laissa… seul.

Il s’assit sur un banc de pierre placé en face de la porte et qui servait à la fois de siège et de lit ; puis, fixant à terre ses yeux injectés de sang, il essaya de rappeler ses souvenirs. Au bout de quelque temps, il parvint à recueillir quelques lambeaux de phrases de l’allocution que lui avait adressée le juge, phrases dont il avait cru, sur le moment, n’avoir pas entendu un mot. Peu à peu ses souvenirs se complétèrent, se coordonnèrent dans sa tête : « Condamné à être pendu par le cou jusqu’à ce que mort s’ensuive. » C’étaient bien là les derniers mots qu’on lui avait adressés : « condamné à être pendu par le cou jusqu’à ce que mort s’ensuive. » Comme il commençait à