Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/74

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dont tout en parlant il ouvrait la porte. Olivier fut fouillé, et, après qu’on n’eut rien trouvé sur lui ; on le mit sous les verrous.

Cette cellule ressemblait assez à une cave ; elle était fort obscure et d’une saleté repoussante : car c’était un lundi matin et elle avait été occupée par six ivrognes qui y étaient restés sous clef depuis le samedi soir ; mais ce n’est là qu’un détail. Dans nos postes de police, hommes et femmes sont entassés chaque soir, sous les prétextes les plus frivoles, dans des cachots auprès desquels la prison de Newgate, séjour des plus grands criminels, condamnés comme tels et jugés dignes de mort, est un véritable palais. Si l’on en doute, on n’a qu’à s’y faire mettre pour vérifier la justesse de la comparaison.

Le vieux monsieur parut presque aussi consterné qu’Olivier quand la clef du geôlier tourna dans la serrure, et il jeta les yeux en soupirant sur le livre, cause innocente de tout ce bruit.

« Il y a dans la figure de cet enfant quelque chose qui me touche et m’intéresse, se disait le vieux monsieur en faisant quelques pas à l’écart et en se caressant le menton d’un air pensif avec la couverture du livre. Serait-il innocent ? Il ressemble… voyons donc, dit-il en s’arrêtant brusquement et en regardant en l’air ; mon Dieu ! où ai-je vu une figure comme celle-là ? »

Après quelques minutes de réflexion, le vieux monsieur, toujours pensif, entra dans une petite antichambre qui donnait sur la cour ; il s’assit dans un coin et passa en revue une foule de figures auxquelles il n’avait pas songé depuis bien des années. « Non, se dit-il en hochant la tête ; il faut que ce soit un rêve de mon imagination. »

Il se plongea de nouveau dans ses souvenirs. Toutes ces figures qu’il avait évoquées ; il n’était pas facile de les congédier si vite ; il revoyait des visages amis et ennemis, d’autres qui lui étaient presque inconnus, des visages de fraîches jeunes filles, maintenant vieilles et fanées ; d’autres qui étaient devenus la proie de la mort, mais que le souvenir, qui triomphe de la mort, lui retraçait dans tout l’éclat de leur beauté d’autrefois ; il les revoyait avec ces yeux si brillants, ces sourires charmants qui font pour ainsi dire rayonner l’âme hors de son enveloppe d’argile ; souvenirs qui nous font rêver à cette beauté qui survit à la mort, plus éclatante que la beauté terrestre ; visages charmants qui nous sont ravis pour aller éclairer d’une douce lumière la route qui mène au ciel.