Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/84

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saisir la ressemblance exacte aurait dû prévoir qu’il n’aurait pas de succès ; c’est trop sincère, voyez-vous, beaucoup trop, ajouta-t-elle en riant de sa malice.

— Est-ce que cela ressemble à quelqu’un, madame ? demanda Olivier.

— Oui, dit la vieille dame, en cessant un instant de regarder le bouillon ; c’est un portrait.

— De qui, madame ? demanda Olivier avec empressement.

— En vérité, je n’en sais rien, répondit gaiement la vieille dame ; ce n’est pas le portrait de quelqu’un que vous ou moi ayons connu, je suppose. Il semble vous occuper beaucoup, mon enfant.

— Il est si joli, si beau ! répondit Olivier.

— Il ne vous fait pas peur, j’espère, dit la vieille dame, observant avec surprise l’air de respect avec lequel l’enfant contemplait le portrait.

— Oh ! non, non, reprit vivement Olivier, mais ses yeux semblent si tristes, et ils ont l’air fixés sur moi. Le cœur me bat, ajouta Olivier à voix basse, comme si cette dame voulait me parler et ne le pouvait pas.

— Mon Dieu ! s’écria Mme Bedwin en tressaillant ; ne dites pas de ces choses-là, mon ami ; vous êtes faible et nerveux ; c’est l’effet de votre maladie. Laissez-moi tourner votre fauteuil de l’autre côté, que vous ne voyiez plus ce portrait ; tenez, dit-elle en joignant l’action à la parole, vous ne pouvez plus le voir, à présent. »

Olivier le voyait avec les yeux de l’âme aussi distinctement que s’il n’avait pas changé de position, mais il craignit d’importuner la bonne vieille dame ; il lui sourit gentiment quand elle le regarda, et Mme Bedwin, heureuse de le voir plus tranquille, sala son bouillon, dans lequel elle cassa de petits morceaux de pain grillé, avec tout le sérieux que comporte une telle opération. Olivier avala le bouillon avec un empressement remarquable, et il venait à peine de prendre la dernière cuillerée, quand on frappa doucement à la porte.

« Entrez, » dit la vieille dame, et M. Brownlow parut.

Il s’avança aussi lestement que possible ; mais il n’eut pas plutôt relevé ses lunettes sur son front, et croisé ses mains derrière son dos pour contempler longtemps et à son aise Olivier, que son visage se contracta et changea plusieurs fois d’expression. Épuisé par la maladie, Olivier, par respect pour son bienfaiteur, fit un effort inutile pour se lever, et retomba sur son