Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/102

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— Ce vieux Tom Pinch ! dit M. Pecksniff, le regardant avec sa gravité affectueuse. Il me semble que c’est hier encore que Thomas était un jeune garçon, tout frais émoulu de ses études scolaires. Cependant il s’est écoulé pas mal d’années, je pense, depuis que Thomas Pinch et moi nous avons fait notre premier pas ensemble dans ce monde ! »

M. Pinch ne put articuler une seule parole : il était trop ému ; mais il pressa la main de son maître et essaya de le remercier.

« Et Thomas Pinch et moi, ajouta M. Pecksniff en élevant la voix, nous continuerons de marcher ensemble dans notre confiance et notre amitié mutuelle ! Et s’il arrive qu’un de nous deux tombe en chemin dans un de ces passages difficiles qui viennent couper à la traverse la route de l’existence, l’autre le conduira à l’hôpital en compagnie de l’Espérance, avec la Bonté assise à son chevet. »

Il dit encore, en élevant davantage la voix et secouant ferme le coude de M. Pinch reconnaissant :

« Bien ! bien ! bien ! N’en parlons plus ! Martin, mon cher ami, puisque vous êtes ici chez vous, permettez-moi de vous montrer les êtres. Venez ! »

Il prit une chandelle allumée, et il se disposa à quitter la chambre, accompagné de son jeune parent. À la porte, il s’arrêta.

« Voulez-vous nous accompagner, Tom Pinch ? »

Oh ! oui, Tom l’eût suivi avec empressement, fût-ce à la mort, heureux de donner sa vie pour un tel homme !

« Voici, dit M. Pecksniff, ouvrant la porte d’un parloir en face, voici le petit salon de cérémonie dont je vous parlais. Mes filles en sont fières, Martin !… Voici (ouvrant une autre porte) la petite chambre dans laquelle mes ouvrages, mes modestes esquisses, ont été élaborés. Mon portrait par Spiller, mon buste par Spoker. Ce dernier est considéré comme d’une grande ressemblance, surtout le bas du nez à gauche, ce me semble. »

Martin fut d’avis que ce portrait offrait en effet beaucoup de ressemblance, mais qu’il y manquait de l’expression intellectuelle. M. Pecksniff fit observer que déjà, précédemment, l’on y avait trouvé le même défaut, et qu’il était remarquable que cette imperfection n’eût pas échappé à son jeune parent. Il était charmé de lui voir un coup d’œil artistique.

« Voyez ces divers livres, dit M. Pecksniff en étendant sa