Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/105

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ment champêtre. La magnificence de ces préparatifs mit Tom Pinch hors de lui-même : car, bien que les nouveaux élèves fussent amenés tout doucement de la magnificence d’une bienvenue à la pratique la plus simple de la vie journalière, témoin le vin, par exemple, qui éprouvait de telles phases de décadence, qu’il n’était pas rare de voir un jeune élève aller quinze jours de suite chercher ses rafraîchissements à la pompe ; après tout, ceci était un festin, une sorte de dîner du lord-maire dans la vie privée, quelque chose qui méritait qu’on y pensât et qu’on en reparlât souvent.

M. Pecksniff invita la compagnie à faire amplement honneur à cette collation, qui, outre sa valeur intrinsèque, avait encore le mérite inappréciable de convenir parfaitement à un repas de nuit, étant à la fois fraîche et légère :

« Martin, dit-il, va s’asseoir entre vous deux, mes chères enfants, et M. Pinch se placera auprès de moi. Buvons à notre nouveau pensionnaire, et puissions-nous être heureux ensemble ! Martin, mon cher ami, à vous toute ma tendresse ! Monsieur Pinch, si vous ménagez la bouteille, nous nous fâcherons. »

Et s’efforçant, pour influencer le goût de ses convives, de ne pas laisser voir que le vin était sur en diable et le faisait clignoter malgré lui, M. Pecksniff fit honneur à son propre toast.

« Ceci, dit-il par allusion à la réunion et non au vin, comme on pourrait le croire, est un mélange heureux… de circonstances qui peut consoler de bien des mécomptes et des vexations. Allons, ne nous refusons rien. »

Ici il prit un biscuit de mer en disant :

« C’est un pauvre cœur que celui qui jamais ne se réjouit, et nos cœurs ne sont pas de ceux-là ! Non, non, Dieu merci ! »

Grâce à ces encouragements donnés à la gaieté générale, il fit passer le temps sans qu’on s’en aperçût, occupé de faire les honneurs de sa table, tandis que M. Pinch, peut-être pour s’assurer que tout ce qu’il voyait et entendait était bien une réalité de jour de fête et non le charme d’un rêve, mangeait de tout, et en particulier faisait fête aux minces sandwiches avec une surprenante activité. Il ne s’imposait pas de plus étroites limites dans ses libations : bien au contraire, se rappelant l’invitation de M. Pecksniff, il attaqua si vigoureusement la bouteille, que, chaque fois qu’il remplissait de nouveau son verre, miss Charity, en dépit de ses gracieuses