Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/107

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Vous excuserez Thomas Pinch : il est un peu emprunté, Martin, dit M. Pecksniff avec le sourire protecteur de la pitié, dès que Tom fut sorti de la chambre ; mais il n’est pas méchant.

— C’est un excellent garçon, monsieur.

— Oh ! oui, dit M. Pecksniff, oui. Thomas Pinch n’est pas méchant : il est plein de reconnaissance. Jamais je n’ai regretté d’avoir traité Thomas Pinch comme je l’ai fait.

— Je le crois bien, monsieur ; jamais vous n’aurez à le regretter.

— Non, dit M. Pecksniff ; non, je l’espère. Le pauvre garçon ! il est toujours disposé à faire de son mieux ; mais il n’est pas doué. Vous voudrez bien vous servir de lui, s’il vous plaît, Martin. Si Thomas a un défaut, c’est d’être parfois un peu enclin à oublier sa position, mais on y a bientôt mis ordre. La bonne âme ! Vous verrez qu’il est facile à vivre. Bonne nuit !

— Bonne nuit, monsieur. »

Cependant M. Pinch était revenu avec les mouchettes.

« Et bonne nuit aussi à vous, monsieur Pinch, dit Pecksniff. Un bon sommeil à tous deux. Dieu vous bénisse ! Dieu vous bénisse ! »

Après avoir, avec une grande ferveur, appelé cette bénédiction sur la tête de ses jeunes amis, il se retira dans sa propre chambre, tandis que ceux-ci, fatigués comme ils l’étaient, ne tardèrent pas à s’endormir. Si Martin rêva, les pages suivantes de cette histoire pourront donner une idée de ses visions. Celles de Thomas Pinch roulèrent toutes sur des jours de fête, des orgues d’église et des Pecksniff séraphiques. Quant à M. Pecksniff, il n’était pas pressé d’aller chercher des rêves sur son oreiller, car il resta assis deux grandes heures devant le foyer de sa chambre, contemplant les charbons et profondément enseveli dans ses pensées. Pourtant, lui aussi il finit par s’endormir et rêver. Et c’est ainsi qu’aux heures paisibles de la nuit une seule maison renferme autant d’idées incohérentes et d’imaginations incongrues que le cerveau d’un aliéné.

Séparateur