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Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/139

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position désagréable. Croyez-vous que cela se puisse, monsieur ?

— Non certes, dit M. Pinch. Je ne vous donnerais pas ce conseil.

— Une famille d’envieux à la figure livide, poursuivit Mark ; ou une famille de querelleurs, ou une famille de médisants, ou même une bonne famille de chenapans, m’ouvrirait un champ d’action où je pourrais faire quelque chose. Ah ! l’homme de tous qui m’aurait le mieux convenu, c’était le vieux gentleman qui est arrivé ici malade : voilà un caractère difficile !… Enfin je vais voir comment la chance tournera, monsieur, et j’espère attraper ce qu’il y aura de pis.

— Alors vous êtes déterminé à partir ? dit M. Pinch.

— Ma malle est déjà en route sur la diligence, monsieur ; pour moi, je ferai un bout de chemin à pied demain matin, et je prendrai la diligence lorsqu’elle me rattrapera. Ainsi je vous souhaite le bonjour, monsieur Pinch, et à vous aussi, monsieur, et toutes sortes de chance et de bonheur !… »

Les deux jeunes gens lui rendirent en riant son salut et regagnèrent leur logis bras dessus bras dessous. Chemin faisant, M. Pinch communiqua à son nouvel ami de plus amples détails, connus de nos lecteurs, sur la bizarre aversion de Mark Tapley pour une vie paisible et tranquille.

Cependant Mark, se doutant que sa maîtresse était peinée de son départ, et craignant de ne pouvoir répondre des suites d’un tête-à-tête prolongé dans le comptoir, se tint obstinément hors de la présence de Mme Lupin toute l’après-midi, ainsi que toute la soirée. Dans cette tactique de général habile, il eut pour auxiliaire l’affluence considérable de gens qui se pressèrent dans le salon de l’auberge : car la nouvelle de sa résolution s’étant répandue au dehors, il y eut une foule toute la soirée ; on lui porta force santés, et le cliquetis des verres et des pots se prolongea sans interruption. Enfin, la nuit venue, on ferma la maison ; et Mark, ne trouvant plus de diversion, prit la meilleure contenance possible et alla bravement au comptoir.

« Si je la regarde, se dit Mark, je suis perdu. Je sens mon cœur battre.

— Vous voici donc enfin ! dit Mme Lupin.

— Oui, dit Mark, me voilà !

— Et vous êtes déterminé à nous quitter, Mark ? s’écria Mme Lupin.