Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/165

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ses filles et de Mme Todgers, se rendit d’un bon pas dans une citadine à un cheval. Après l’accomplissement des formalités préliminaires dont nous avons parlé, ils furent introduits dans la maison, et, de pièce en pièce, arrivèrent enfin à une petite chambre garnie de livres, où la sœur de M. Pinch était occupée en ce moment à donner la leçon à l’aînée de ses élèves, petite femme précoce de treize ans, qui était arrivée déjà à un tel degré d’embonpoint et d’éducation qu’il n’y avait plus rien d’enfantin chez elle, ce qui, pour ses parents et ses amis, était un grand sujet de joie.

« Des visiteurs pour miss Pinch ! » dit le valet de pied.

Ce devait être un garçon d’esprit, car il prononça ces mots d’une façon fort habile, avec une nuance distincte entre le froid respect qu’il eût mis à annoncer une visite pour la famille, et l’intérêt personnellement affectueux avec lequel il eût annoncé une visite pour le cuisinier.

« Des visiteurs pour miss Pinch ! »

Miss Pinch se leva en toute hâte. Son agitation prouvait clairement qu’elle n’était pas accoutumée à recevoir de nombreuses visites. En même temps, la jeune élève se redressa d’une manière alarmante et se disposa à prendre bonne note dans son esprit de tout ce qu’elle allait entendre et voir. Car la maîtresse de la maison était curieuse de savoir à fond l’histoire naturelle et les habitudes de l’animal nommé institutrice, et elle encourageait ses filles à lui fournir à cet égard des renseignements toutes les fois que l’occasion s’en présentait ; et certainement on ne peut nier que ce ne fût pour toutes les parties intéressées une chose louable, utile, et surtout amusante.

Il est triste d’avoir à dire, mais il faut que justice se fasse, que la sœur de M. Pinch n’était nullement laide. Au contraire, elle possédait une jolie figure, une figure douce et qui prévenait en sa faveur ; de plus, une taille délicate, fine, un peu courte, mais d’une perfection remarquable. Elle avait quelque chose, beaucoup même, de son frère, pour la naïveté de ses manières et son air de confiance timide ; mais elle était si loin d’être un monstre, ou une caricature, ou une horreur, ou quoi que ce soit de semblable, comme les deux demoiselles Pecksniff s’étaient plu à le prédire, que naturellement ces deux jeunes personnes l’envisagèrent avec une profonde indignation en s’apercevant que ce n’était point du tout là ce qu’elles étaient venues voir.