Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/333

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— Pension bourgeoise de mistress Pawkins, répéta Mark. En route, Cicéron.

— C’est là son nom ? demanda Martin.

— Oui, monsieur, c’est son nom, » répondit Mark.

Et le nègre, faisant une grimace affirmative sous un portemanteau de cuir noir, dix fois moins noir que lui, descendit l’escalier en clopinant, avec une partie de leurs biens terrestres. Mark Tapley l’avait précédé déjà en portant aussi sa charge.

Martin et son ami les suivirent jusqu’en bas, et ils allaient continuer leur chemin quand ce dernier s’arrêta et demanda, non sans quelque hésitation, si l’on pouvait se fier à ce jeune homme.

« À Mark ? Oh ! certainement ! En quoi que ce soit.

— Vous ne me comprenez pas. Je pense qu’il vaudrait mieux qu’il vînt avec nous. C’est un honnête garçon, et il ne parle que trop franchement !

— Le fait est, dit Martin en souriant, que, n’étant pas accoutumé à une république libre, il a contracté cette habitude ailleurs.

— Je pense qu’il vaudrait mieux qu’il vînt avec nous. Autrement, il pourrait s’attirer quelque fâcheuse affaire. Nous ne sommes pas ici dans un État à esclaves ; mais j’ai honte d’avoir à vous avouer que, dans cette contrée, l’esprit de tolérance est moins commun que la forme. Nous sommes assez renommés pour user de grands ménagements les uns envers les autres quand nous différons d’avis ; mais avec les étrangers !… Non, réellement, je pense qu’il vaudrait mieux qu’il vînt avec nous. »

Aussitôt Martin invita Mark à les accompagner. Ainsi donc, Cicéron et le camion allèrent d’un côté, et les trois promeneurs de l’autre.

Ils parcoururent la ville durant deux ou trois heures, la contemplant aux meilleurs points de vue, et s’arrêtant dans les rues principales et devant les monuments publics que leur montrait M. Bevan. La nuit venant à grand pas, Martin proposa d’aller, pour se reposer, prendre le café chez mistress Pawkins ; mais il fut détourné de ce dessein par sa nouvelle connaissance, qui semblait s’être mis en tête de l’emmener, ne fût-ce que pour une heure, chez un de ses amis qui demeurait tout près de là. Bien que cette offre lui répugnât, fatigué comme il l’était, Martin, pensant qu’il serait de mauvais goût et peu