Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/393

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et y furent réunies, il parut sur le seuil de la porte. C’était un merveilleux contraste : elles si animées, si bruyantes, si véhémentes ; lui si calme, si maître de lui-même, si froid, si rempli de mansuétude, que pas un cheveu de sa tête n’avait bougé.

« Mes enfants ! dit M. Pecksniff, étendant les mains en signe d’étonnement, mais ayant eu soin d’abord de fermer la porte et de s’y adosser ; mes filles ! mes enfants ! Qu’avez-vous donc ?…

— Le misérable ! l’apostat ! le menteur ! l’indigne ! l’infâme ! Il a devant moi, à mes yeux, demandé Mercy en mariage !… »

Telle fut la réponse de la sœur aînée.

« Qui a demandé Mercy en mariage ? dit M. Pecksniff.

Lui. Cet être. Ce Jonas qui est en bas.

— Jonas a demandé Mercy en mariage ?… dit M. Pecksniff. En vérité ?

— C’est là tout ce que vous trouvez à dire ? s’écria Charity. Est-ce que vous voulez me rendre folle, papa ? C’est Mercy, vous dis-je, et non pas moi, qu’il a demandée en mariage !…

— Oh ! fi !… quelle honte ! dit gravement M. Pecksniff. Oh ! quelle honte ! Le triomphe d’une sœur peut-il produire chez vous cette terrible colère, mon enfant ? Oh ! vraiment ceci est bien triste ! J’en suis pénétré de chagrin ; je suis aussi surpris que choqué de vous voir dans cet état. Mercy, ma chère, remettez-vous ! veillez sur elle. Ah ! envie, envie, que tu es donc une affreuse passion !… »

En prononçant cette apostrophe d’un ton triste et lamentable, M. Pecksniff sortit de la chambre (sans oublier de fermer la porte derrière lui), et il descendit au parloir. Là il trouva son futur gendre à qui il prit les deux mains.

« Jonas ! s’écria-t-il, Jonas ! le vœu le plus cher de mon cœur est maintenant exaucé !

— Très-bien, dit Jonas, je me réjouis de vous entendre parler ainsi. Ça ira. Mais, par exemple, Pecksniff, écoutez. Comme ce n’est pas celle que vous aimez le mieux, vous ferez bien de lâcher un autre millier de livres sterling, Pecksniff. Voyons ! il faut un compte rond. Cinq mille, c’est dit ? C’est bien le moins quand vous gardez votre trésor pour vous-même, vous comprenez. Vous vous en tirez ainsi à bon marché, et vous n’aurez pas de sacrifice à faire. »

La grimace railleuse dont il accompagna ses paroles re-