Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/41

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poser en faveur du voyageur, qu’on faisait tout ce remue-ménage dans la chambre située derrière le dragon.

Le gentleman était réellement très-malade ; il souffrait d’une manière cruelle, d’autant plus peut-être que c’était un robuste et solide vieillard, doué d’une volonté de fer et d’une voix d’airain. Mais ni les craintes qu’il émettait tout haut, de temps en temps, pour sa vie, ni les tortures qu’il ressentait, ne diminuaient le moins du monde sa fermeté. Il défendait qu’on lui amenât qui que ce fût. Plus son état empirait, plus le vieillard paraissait roide et inflexible dans sa détermination. Il jurait que, si on voulait le faire soigner par quelqu’un, homme, femme ou enfant, il quitterait aussitôt la maison, dût-il partir à pied et mourir sur le seuil de la porte.

Il n’y avait dans le village aucun praticien en médecine, mais seulement un pauvre apothicaire qui joignait à sa spécialité l’épicerie et autres comestibles de toute sorte. Au début et dans le premier brouhaha de l’événement, l’hôtesse avait pris sous sa propre responsabilité d’envoyer chercher le dit apothicaire : naturellement, selon l’ordinaire, comme on avait besoin de lui, il était absent. Il était allé à quelques milles de distance, et on ne l’attendait que très-tard dans la soirée, si bien que l’hôtesse, hors d’elle-même, expédia en toute hâte le même messager chez M. Pecksniff, le savant homme à qui ses connaissances permettaient, selon elle, de prendre sans crainte une part active à sa responsabilité ; et qui de plus, en sa qualité d’homme moral, pourrait donner à une âme agitée un mot de consolation. Sous ce rapport, son hôte avait grandement besoin de secours efficaces ; on n’en pouvait douter, à l’entendre jeter fréquemment des paroles incohérentes, un peu trop mondaines pourtant pour annoncer une bonne préparation spirituelle.

Le messager chargé de cette mission secrète revint sans rapporter de meilleures nouvelles que la première fois : M. Pecksniff n’était pas au logis. Cependant on se passa de M. Pecksniff pour mettre au lit le patient, dont peu à peu, et dans un espace de deux heures, l’état s’améliora sensiblement : les intervalles des crises furent d’abord beaucoup plus longs, puis, petit à petit, il cessa entièrement de souffrir, bien que de temps en temps il parût plongé dans un épuisement presque aussi alarmant que les précédentes attaques.

Dans un de ces moments de rémission, il tourna de tous