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que la Watertoast Association des United Sympathizers soit immédiatement dissoute.

— Oui, à bas l’association ! Oui, au diable ! Qu’on n’en parle plus ! brûlons ses archives ! Démolissons la salle ! Détruisons-en le souvenir !

— Mais, dit le général, songez, mes chers concitoyens, aux cotisations que nous possédons. Nous avons des fonds ; que ferons-nous de ces fonds ? »

On décida sur-le-champ qu’une pièce de vaisselle plate serait offerte à certain juge constitutionnel qui, du haut de son siège, avait laissé tomber ce noble principe : « que la canaille blanche pouvait toujours légalement tuer un nègre ; » et qu’une autre pièce d’argenterie, de même valeur, serait présentée à certain patriote qui avait déclaré, du haut de son banc de la législature, « que lui et ses amis croyaient pouvoir pendre, sans forme de procès, tout abolitionniste qui viendrait leur faire visite. » Pour le surplus, il fut entendu qu’il serait consacré à aider l’action de ces lois libérales et égalitaires, selon lesquelles il est infiniment plus criminel et plus dangereux d’enseigner à un nègre la lecture et l’écriture, que de le brûler tout vif en place publique. Tout étant réglé ainsi, le meeting se sépara dans le plus grand désordre.

Et voilà comment finit la Watertoast Sympathy.

Au moment où Martin remontait à sa chambre, son regard fut attiré par la bannière républicaine qui avait été descendue du haut du toit en l’honneur du meeting, et flottait à une fenêtre devant laquelle il passait.

« Fi ! dit-il. Vue à distance, tu fais un assez joli drapeau. Mais il n’y a qu’à s’approcher assez de toi pour regarder le jour au travers et considérer ton tissu, et tu n’es plus qu’un méchant lambeau de bouracan. »