l’énigme de cette popularité léonine, et, au risque d’être laissé à terre, il revint d’une traite à l’hôtel.
Le capitaine Kedgick était assis sous le vestibule avec un verre de limonade posé sur ses genoux et un cigare à la bouche. Il reconnut Mark et dit :
« Eh bien ! qui diable vous ramène ici ?
— Je vais vous l’avouer franchement, capitaine, dit Mark. J’ai une question à vous faire.
— Tout homme a le droit de faire une question, répliqua Kedgick, laissant entendre par son air que tout homme avait aussi le droit de n’y pas répondre.
— Pourquoi s’est-on si fort occupé de M. Chuzzlewit ? demanda finement Mark. Voyons, dites-moi ça.
— Chez nous on aime les émotions, répondit Kedgick en suçant son cigare.
— Mais quelles émotions pouvait-il vous donner ? » demanda Mark.
Le capitaine le regarda comme un homme disposé à lui décocher une plaisanterie de premier ordre.
« Vous partez ? dit-il.
— Oui, je pars ! s’écria Mark. Les instants sont précieux.
— Notre population aime les émotions, lui dit à l’oreille le capitaine. Votre associé n’est pas un émigrant comme les autres, voyez-vous ; c’est ce qui a donné de l’émotion à nos concitoyens. »
Là-dessus, il cligna de l’œil et répéta avec un éclat de rire étouffé : « Voilà le secret de cette émotion. Scadder, poursuivit-il, est un garçon d’esprit, et… et… aucun de ceux qui vont à Éden n’en revient vivant ! »
Le quai était tout près, et, en ce moment, Mark put entendre qu’on l’appelait par son nom ; il put même distinguer la voix de Martin qui l’invitait à se hâter, de peur qu’ils ne fussent séparés. Il était trop tard pour remédier à la position et faire autre chose que contre fortune bon cœur. Mark donna en partant sa bénédiction au capitaine et s’élança comme un cheval de course.
« Mark ! Mark ! cria Martin.
— Me voici, monsieur ! répondit sur le même ton Mark Tapley en sautant, d’un seul bond, du quai sur le bâtiment. Jamais, monsieur, je ne fus aussi jovial. Tout va bien ! Marchons ! En avant ! »