Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/440

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influences délétères de la nuit. Sauf la petite quantité de grain dont il a été parlé, cette cabane était parfaitement dégarnie ; mais les voyageurs avaient laissé sur le débarcadère une caisse, et l’Édenien leur fournit une manière de torche en guise de chandelle. Mark la planta en terre, et déclarant alors que la résidence « paraissait très-confortable, » il emmena Martin bien vite pour l’aider à apporter la caisse. Dans les allées et venues du quai à la cabane, Mark parlait sans relâche, comme pour faire pénétrer au cœur de son associé l’idée assez peu vraisemblable qu’ils étaient arrivés sous les auspices les plus favorables qu’il fût possible d’imaginer.

Hélas ! il y a bien des hommes qui resteraient volontiers dans une maison délabrée, soutenus par la colère, et pour satisfaire des projets de vengeance, mais qui n’ont pas la force de voir tomber sous leurs yeux le château de leurs rêves. Lorsqu’ils furent revenus à la hutte de bois, Martin se laissa tomber à terre et sanglota.

« Que Dieu ait pitié de nous, monsieur ! s’écria Tapley avec terreur ; finissez donc ! finissez donc, monsieur ! Tout excepté cela ! ce moyen-là n’est bon à rien. Il n’y a ni homme, ni femme, ni enfant, que le découragement puisse aider à franchir la plus simple barrière. Outre que ça ne peut vous servir à rien, c’est encore bien pis pour moi : car rien que de vous entendre, je sens bien que je n’ai plus qu’à me coucher par terre. Je ne puis pas supporter cette vue. Tout excepté cela ! »

Sans nul doute il parlait franchement ; on le voyait bien à l’air d’alarme extraordinaire avec lequel il regardait Martin, en se mettant à genoux pour lui dire cela, tout en ouvrant le coffre.

« Je vous demande mille fois pardon, mon cher associé, dit Martin. Je n’aurais pas pu m’en empêcher sous peine de mort.

— Il me demande pardon ! dit Mark avec son enjouement habituel, tandis qu’il procédait à déballer le coffre. L’associé en chef qui demande pardon au Co ! Il faut donc qu’il y ait quelque chose de détraqué dans la raison de commerce. Je demande qu’on fasse examiner les livres et dresser immédiatement l’inventaire. En attendant, nous y voilà. Tout est bien à sa place. Voici le porc salé. Voici le biscuit. Voici le whiskey… et du bon, sentez plutôt. Voici le pot d’étain. Ce pot d’étain est toute une petite fortune ! Voici les couvertures. Voici la hache. Qui oserait dire que nous n’avons pas un assortiment du premier ordre ? Ne semble-t-il pas que je sois un