Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/95

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offraient une vivacité dont le contraste fit faire à M. Pinch un retour sur lui-même et le rendit plus timide que jamais.

Il y avait dans la salle un cadran que l’étranger interrogeait fréquemment du regard. Tom le consultait souvent aussi, soit par une sympathie nerveuse avec son taciturne voisin, soit parce que le nouveau pensionnaire devait venir le demander à six heures et demie, et que les aiguilles n’en étaient pas loin. Chaque fois que l’étranger avait remarqué qu’il portait comme lui les yeux sur ce cadran. Tom éprouvait une sorte d’embarras, comme s’il était pris en flagrant délit, et c’est sans doute en le voyant si mal à l’aise que le jeune homme lui dit avec un sourire :

« Il paraît que nous avons tous deux un rendez-vous à heure fixe. Le fait est que je dois rencontrer ici un gentleman.

— Moi de même, dit Pinch.

— À six heures et demie, dit l’étranger.

— À six heures et demie, » répéta aussitôt Pinch.

Sur quoi, l’autre le considéra d’un air de surprise.

« Le jeune gentleman que j’attends, dit timidement Tom, devait à cette heure-là demander une personne du nom de Pinch.

— Tiens ! s’écria l’autre en bondissant. Et moi qui vous ai caché le feu tout le temps ! Je ne me doutais guère que vous fussiez M. Pinch. Je suis le M. Martin que vous veniez chercher. Excusez-moi, je vous prie. Comment vous portez-vous ? Oh ! approchez-vous donc du feu !

— Je vous remercie, dit Tom, je vous remercie. Je n’ai pas froid du tout, ce n’est pas comme vous ; et nous avons devant nous un voyage à faire qui ne laissera pas que d’être rude. Eh bien, soit, puisque vous le désirez. Je suis enchanté, ajouta Tom, avec cette franchise pleine d’embarras qui lui était particulière, et par laquelle il semblait confesser ses propres imperfections et en même temps invoquer aussi ingénument l’indulgence de son interlocuteur que s’il l’eût exprimée dans son langage simple et naïf, ou qu’il l’eût couchée par écrit. Je suis enchanté vraiment de voir en vous la personne que j’attendais. Il n’y a pas plus d’une minute que je me disais justement : Je voudrais bien que notre élève ressemblât à ce monsieur.

— Et moi, je me réjouis de vous entendre, répliqua Martin en lui donnant une poignée de main ; car, vous me croirez si vous voulez, mais je faisais à part moi la même réflexion :