Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/435

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mer plus longtemps. Or, ces deux courants de résolution violente, se réunissant et balayant tout sur leur passage, acquirent une violence si impétueuse, que John Westlock et Mark Tapley, passablement énergiques pour leur propre part, eurent toutes les peines du monde à le suivre.

Dès son arrivée à Londres, Martin avait envoyé chercher John Westlock, qui lui fut amené par Tom Pinch. Comme le vieillard avait gardé le meilleur souvenir de Mark Tapley, il s’était assuré le concours immédiat de ce gentleman par l’entremise de John ; et c’est ainsi, comme nous l’avons vu, qu’ils s’étaient trouvés tous réunis dans la Cité. Mais Martin avait refusé de voir son petit-fils jusqu’au lendemain. Ce jour-là, selon ses instructions, M. Tapley fut chargé d’avertir le jeune homme de se rendre au Temple vers dix heures du matin. Martin ne voulut pas se servir de l’intermédiaire de Tom Pinch, de peur d’attirer sur lui des soupçons injustes ; cependant Tom avait assisté à toutes les conférences, et il resta avec ses amis jusqu’à une heure avancée de la nuit, après qu’ils eurent appris la mort de Jonas. Ensuite, il s’en revint au logis raconter à la petite Ruth tous ces merveilleux événements, et l’inviter à l’accompagner le lendemain matin au Temple, conformément aux instructions particulières de M. Chuzzlewit.

Un trait caractéristique du vieux Martin et de la façon dont il envisageait les choses qu’il se proposait de faire, c’est qu’il n’avait communiqué ses intentions à personne : elles n’avaient percé que dans quelques allusions aux représailles qu’il avait à tirer de M. Pecksniff, pour se venger du rôle qu’il lui avait fallu jouer dans sa maison ; on eût pu aussi les deviner un peu à l’éclat que jetaient les yeux de Martin quand le nom de Pecksniff était prononcé devant lui. John Westlock lui-même, en qui il avait évidemment une grande confiance (bien partagée du reste par tous les autres), n’avait pas reçu de lui plus ample confidence. Martin se borna à le prier de revenir le lendemain matin ; et, sans en savoir davantage, ils le quittèrent à une heure avancée de la nuit.

Une journée aussi chargée d’événements eût épuisé, de corps et d’esprit, un homme beaucoup plus jeune que Martin : cependant le vieillard se plongea dans une profonde et triste méditation, qui dura jusqu’à l’aube du jour. Et même alors, il ne demanda point au lit quelque temps de repos, mais il se borna à sommeiller un peu dans son fauteuil jusqu’à sept heures du matin. C’était le moment qu’il avait fixé pour la