Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, I.djvu/301

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
277
AMB
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

bitumineux, & plein par conséquent d’exhalaisons bitumineuses répandues de tous côtés dans son sein ; la chaleur souterraine les rassemble & les réunit en gouttes. Ce terroir étant plein aussi, non-seulement de vitriol, mais encore d’alun de Mars, de nitre & d’autres sels, comme les lessives le démontrent, la chaleur naturelle pénétrant de même ces sels, elle entraîne des exhalaisons avec soi, & les mêle aux gouttes bitumineuses qu’elle a formées ; les pointes de ces sels mêlés au bitume, en fixent la fluidité. Et c’est ce mélange qui fait l’ambre, lequel est plus ou moins pur, brillant, & ferme, de bonne odeur, selon la pureté & la proportion de ces parties de bitume & de sels. L’ambre qui se trouve dans la mer se produit de la même manière dans les montagnes, ou collines de la mer, c’est-à dire, dans les bans & les grèves. La mer venant dans la suite à les bouleverser, elle en tire l’ambre, & le jette sur les côtes. Il se peut faire aussi qu’une partie du Karabé qui se ramasse sur la côte est tombée des falaises dans la mer, & qu’il en est rejetté ensuite par le mouvement de ses flots.

Pour tirer l’ambre de la terre, l’on a un louchet emmanché au bout d’un long bois. On l’enfonce dans la terre pour sonder les endroits où il y a quelques couches de bois ; quand on l’a senti, on racle ce bois, & l’on reçoit sur le louchet panché les morceaux d’ambre. Ce n’est que depuis l’Electeur Frédéric-Guillaume qu’on fouit les montagnes & les falaises pour suivre les veines que l’on trouve, quand la nature du terroir le permet ; comme en celles d’Eross, Gubuicken, Eckoss, Dirsschkeim, Warnicken, Strobschnec, & Palming. L’antiquité, si l’on en croit Hartman, n’a point su tirer l’ambre de la terre. Cependant Philémon dit qu’en deux endroits de Scythie, l’ambre se fouit en terre.

Les morceaux d’ambre prennent toutes sortes de figure dans la terre ; celle d’une poire, d’une amande, d’un oignon, d’un pois, &c. On y trouve des lettres marquées, & quelquefois même des caractères arabes, ou hébreux. M. Hartman en a une qui représente un vieillard tenant un enfant entre ses bras.

Il se trouve des morceaux de Karabé qui renferment des insectes, des feuilles, des morceaux de bois, &c. Ce ne peut être que parce que cette matière a pu être fluide, ou parce qu’étant exposée au soleil dans les falaises, elle s’y est amollie, & y est devenue comme une glu qui a enveloppé les herbes, les insectes, & autres corps sur lesquels elle a passé. M. Hartman croit que ces animaux s’étoient retirés pendant de mauvais temps dans de petits trous de falaises, ou des montagnes, dans lesquels la vapeur bitumineuse venant à pénétrer, elle les a enveloppés ; mais il remarque qu’il y en a beaucoup qui ont été mis dans des morceaux d’ambre après coup & par art. On les connoît en ce que ceux-ci sont au milieu de l’ambre, & les autres plus près de la superficie : outre cela, quand l’ambre où ils sont enclavés, est pur, solide, & sans fente, c’est un signe que c’est l’art & non la nature qui les y a placés. Les bois, les graines, les pailles, les feuilles, les fleurs, l’eau, &c. que l’ambre renferme souvent, se sont aussi trouvés dans ces petits trous, où l’exhalaison bitumineuse a été poussée, & s’est formée en ambre par le mélange des sels dont nous avons parlé.

Quoique l’ambre se tire de la terre, ce n’est point un minéral, car il n’est ni ductile, ni fusible. Il approche plus du bitume & du soufre. Sa dureté le fait mettre au rang des pierres, & son éclat au rang des pierres précieuses.

Ce qu’on ramasse de Karabé sur les côtes de la mer Baltique, dans les états du Roi de Prusse, fait à ce Prince un revenu considérable. La Prusse n’est pas le seul endroit où l’on trouve du Karabé : on en ramasse sur le bord du Pô, sur les côtes de Marseille, en Provence. M. Hartman, non-seulement révoque ce fait en doute, aussi-bien que tout ce que l’on a dit de l’ambre d’Asie, d’Afrique, & d’Amérique ; mais il le traite même de fable. Il soutient qu’on n’en trouve qu’en Pologne, en Silésie, en Bohème, mais rarement ; plus souvent en plusieurs endroits de l’Allemagne septentrionale, de Suède, de Danemarck, de Jutland, du Holstein ; plus encore sur les côtes de Samogitie, de Curlande, de Livonie, où il s’en trouve aussi dans la terre ; mais qu’en nul endroit, ni la mer, ni la terre, n’en fournissent tant qu’en Prusse, dans le pays appelé Sambie, depuis Nève Tiff jusqu’à Vrantz Vrug ; & après la Prusse, en Poméranie, sur-tout depuis Dantzic jusqu’à l’île de Rugen. Quoi qu’il en soit, les plus beaux morceaux viennent de la mer Baltique : le Roi de Prusse en a de très-belles pièces, & conserve plusieurs ouvrages faits de cette matière. On a vu à Paris un morceau d’ambre jaune d’un pied & demi de haut, taillé en crucifix avec les figures de la Sainte Vierge & de Saint Jean. Comme le Karabé est moins friable que les résines des arbres, on le tourne pour en faire des colliers, des pommes de canne ; on en fait aussi différentes figures, en y ajoutant à propos deux ou trois nuances de Karabé, afin que les parties que ces figures représentent puissent être distinguées les unes des autres. On colle si proprement ces pièces de rapport, qu’on auroit peine à les croire collées sans la diversité de leurs couleurs.

Les habitans des côtes où l’ambre se trouve en plus grande abondance, ont remarqué, que tous les animaux terrestres, volatiles & aquatiques, en sont fort friands. De-là vient qu’on en trouve très-souvent dans leurs excrémens, ou dans leurs corps quand on les ouvre.

Les propriétés de l’ambre sont d’attirer les corps étrangers ; ceux même, dit Hartman, avec lesquels les Anciens ont cru qu’il avoit de l’Antipathie, comme sont le Basilic, les corps huileux & humides, & les gouttes d’eau. Il attire même une petite sueur à la partie du corps où on l’applique. Rehault explique la cause de cette qualité attractive, Part. IIIe ch. 8, Phys. Hartman l’attribue à des particules huileuses qui sortent de l’ambre. Son odeur vient de la même cause ; elle est différente selon ses différentes couleurs.

Le Karabé est employé dans des suffumigations pour dissiper des fluxions, & en poudre comme un altérant, absorbant, adoucissant & astringent. Dans un temps de peste, les ouvriers qui travailloient l’ambre, Electrotorentæ, n’en furent point attaqués à Konisberg. Il chasse le mauvais air, & jamais on n’en sentit aux côtes de Sudavie, d’où on le tire en abondance. Pris en poudre, il est diurétique, il chasse la pierre, il excite les mois des femmes. Il a les mêmes effets, mais avec moins de force, quand on le prend en poudre dans le vin chaud où il a bouilli. En Médecine le blanc est le meilleur, parce qu’il a plus de sels. En pilules il est diurétique, & consume la pituite & les humeurs superflues. Il s’emploie avec succès dans les emplâtres céphaliques, diaphorétiques, & stomachiques, & sur-tout contre la paralysie, l’apoplexie, l’épilepsie & la gangrène.

On en tire une huile fœtide par la distillation, & un sel volatil, huileux & acide. Hartman ajoute, qu’il a trouvé un baume d’ambre qui a plutôt, plus sûrement & plus agréablement tous les mêmes effets que l’ambre, ou préparé, ou employé sans préparation. Il explique aussi les propriétés du bois vitriolique qui produit l’ambre dans la terre, & les épreuves chimiques auxquelles il l’a mis.

Kerkring a trouvé le moyen, sans ôter la transparence de l’ambre jaune, d’en faire une enveloppe, ou plutôt un cercueil pour les corps morts. Peut-être a-t-il pensé aux Ethiopiens, qui ensevelissoient leurs morts dans du verre. Un Ethiopien bien noir sous un beau cristal de venise, feroit un bel émail, & encore quelque chose de plus beau dans une enveloppe d’ambre jaune. De Vig. Mar.

Comme le Karabé est ordinairement jaune, on l’appelle Ambre jaune ; & sous ce nom l’on comprend les autres espèces, qui ont des nuances plus ou moins claires, ou plus ou moins foncées.

Il y a de l’ambre factice, tant de l’ambre jaune que du gris. On trouvera la composition de l’un & de l’autre dans le Dict. Œconomique, au mot Ambre.

Ce mot, ambre, vient de l’italien ambra, dérivé