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ANG

en allemand schopff. Si angar venoit de l’allemand, ce seroit de anhangen, qui signifie, tenir à quelque chose, être appuyé contre quelque chose ; mais je ne sache point qu’il se soit formé de-là que ahan, qui répond à ce que nous appelons accessoire, & au nom de parti, faction, adhérent, partisan, &c. Pour angar, il n’y a pas lieu de croire qu’il s’en soit formé. Le sentiment de M. Du Cange est bien plus vraisemblable. Voyez Hangart.

ANGARIES. s. f. pl. C’est le premier nom des Postes. Cyrus est le premier auteur des angaries ou postes. Angaria.

ANGARSKAYE. Ville de la grande Tartarie Anagarskaya. Elle est dans la province de Dauria, au levant du grand lac de Baycal, vers les sources de la rivière d’Amour ou d’Ouon. Carte de Vitsen.

ANGASMAIO. Rivière de l’Amérique méridionale. Angasmaius. Elle coule dans le Popayan, aux confins du Pérou.

ANGE. s. m. Substance spirituelle & intelligente, qui tient le premier rang entre les créatures de Dieu. Angelus. Ange n’est point proprement un nom de nature, ou qui signifie la nature, selon la remarque de Saint Hilaire, Liv. V. de la Trin. mais un nom d’office, qui signifie, Nuntius, Messager, celui dont on se sert pour porter ses ordres, pour expliquer ses volontés. C’est ce que Saint Paul a exprimé par ces paroles, Hébr. I, 14. Les Anges ne sont-ils pas tous des esprits qui lui servent, & qu’il envoie travailler au bien de ceux qui recevront l’héritage du salut ? C’est pour cela que ce nom se donne aux Prêtres dans Malachie II, 7, à Saint Jean-Baptiste, Malach. IIII, 1. Matt. XI, 10. Car, comme dit Tertullien, dans son ouvrage contre les Juifs, ch. 4. Dieu a coutume d’appeler Anges, ceux qu’il constitue les ministres de sa puissance. Jésus-Christ lui-même, Isaïe IX, 6, est appelé par les Septante, l’Ange du Grand Conseil ; nom, dit Tertullien, Liv. de carne Christi, C. 14, qui marque son emploi, & non pas sa nature. Le nom que l’Ecriture donne en hébreu aux Anges est aussi un nom d’office, & non pas un nom de nature, מלאך qui signifie, Legatus, Nuncius, un Légat, un Envoyé, un Ministre. Cependant l’usage a prévalu, & ce nom d’Ange se prend communément pour un nom de nature, même dans l’Ecole & dans l’Ecriture. Voyez Act. XXIII. Les Saducéens ont nié autrefois qu’il y eût des Anges ou des esprits. Ç’a été aussi l’erreur de quelques Philosophes, au rapport d’Aristote ; mais il n’est pas permis à un Chrétien d’en douter. L’Ecriture est formelle en cent endroits sur cet article ; & la tradition, les Peres, tout conspire à prouver cette vérité. Dans toutes les Religions on a cru l’existence des Anges. Les Samaritains mêmes & les Caraïtes, que les Juifs traitent de Saducéens, les reconnoissent. Abusaïde, de la secte des Samaritains, qui est l’auteur d’une version arabe du Pentateuque, en parle dans ses notes ; Aaron, Juif Caraïte, en fait aussi mention dans son Commentaire sur les cinq livres de Moyse. Ces deux ouvrages, qui sont fort rares, se trouvent en manuscrit dans la Bibliothèque du Roi. Il est souvent parlé des Anges dans l’Alcoran. Les Mahométans croient qu’ils sont les exécuteurs des commandemens de Dieu : qu’ils sont différens en dignité ; qu’ils sont destinés à de certains offices, tant dans le ciel que sur la terre, & qu’ils écrivent les actions des hommes. Ils attribuent une très-grande puissance à l’Ange Gabriel ; savoir, de descendre dans l’espace d’une heure du ciel en terre, & de renverser une montagne avec une seule plume de son aile. L’office de l’Ange Asrail est de prendre les ames de ceux qui meurent. Un autre Ange, nommé Esraphil, tient toujours à sa bouche une corne ou une trompette, pour en sonner au jour du jugement. En un mot, les Anges sont d’un grand secours aux Mahométans, dans toutes les fables dont leur Religion est remplie. Ils en ont emprunté une partie des Medrascim, ou livres allégoriques des Juifs. Voyez de Moni, au chap. 15 de l’Histoire de la créance, & des coutumes des nations du Levant. Les Philosophies & les Poëtes payens ont aussi reconnu des substances intelligentes supérieures à l’homme. Saint Cyprien le prouve, dans son Livre de la vanité des Idoles, par le témoignage de Platon, de Socrate, de Trismégiste, & des Poëtes. Les Energumènes & les opérations de la magie en sont des preuves convaincantes, dont Lactance se sert au Livre premier de ses Institutions, chap. 15. Voyez encore les raisons de S. Thomas, Liv. II contr. Gent. ch. 46.

On n’a pas été si bien d’accord sur la nature des Anges que sur leur existence. Saint Clément d’Aléxandrie a cru que les Anges avoient un corps. C’étoit aussi l’opinion d’Origène, de Césarius, de Jean de Thessalonique, de Tertullien, & de quelques autres, à qui on l’attribue. Aujourd’hui on convient généralement que ce sont des Intelligences spirituelles. Le Concile de Latran, sous Innocent III. C. firmiter de sum. Trin. décide que Dieu est créateur des deux natures, la spirituelle & la corporelle ; c’est-à-dire, ainsi qu’il s’explique lui-même, des Anges & de ce monde. C’est aussi le sentiment général des Peres, Saint Athanase, Saint Basile, Saint Grégoire de Nice, Saint Jean Chrysostôme, &c. Enfin l’Ecriture appele les Anges, des esprits, & ne se sert du même mot, que dans elle parle de Dieu, & qu’elle dit que Dieu est esprit, pour marquer qu’il est immatériel. Voyez Act. XXIII, 8, & en Saint Luc, III, 36, VI, 18, VII, 21, VIII, 2, & souvent ailleurs elle nomme les Démons, Esprits immondes, Esprits malins, &c.

Saint Paul parle de cette sorte des Anges, au ch. I. de l’Epître aux Hébr. v. 7. L’Ecriture dit touchant les Anges : Dieu se sert des esprits pour en faire ses Ambassadeurs & ses Anges, & des flammes ardentes pour en faire ses Ministres. C’est ce qu’on lit dans la version de Port-R. M. Simon a traduit plus à sa lettre : à l’égard des Anges, Dieu dit qu’il fait les esprits ses Anges & ses Ministres, des flammes de feu. Puis il ajoute dans sa note : l’article qui est dans le grec devant le mot d’Anges insinue qu’il faudroit traduire à la lettre, que Dieu fait ses Anges des esprits ; mais le sens est, que les esprits lui servent d’Anges, c’est-à-dire, de ministres, ou envoyés, pour exécuter ses volontés.

Comme S. Paul cite en cet endroit le verset 4 du Pseaume 103, où le Prophète semble plutôt parler des vents que des Anges, M. Simon y fait cette remarque : le mot qui est dans l’hébreu est équivoque, signifiant également vent & esprit. La plûpart des Rabbins entendent ce passage du Pseaume, des vents & des tonnerres, dont Dieu se sert comme de ministres. Mais S. Paul a suivi le sens que lui présentoit la Version des Septante, & qui est même appuyée sur les plus anciens Rabbins. On pourroit aussi traduire à la lettre, en donnant au mot d’esprit la signification de vent ; qu’il fait ses Anges, comme des vents, c’est-à-dire, ses envoyés prompts comme le vent, étant certain que les Hébreux sous-entendent en une infinité d’endroits la particule comme.

Sur ces autres mots, & ses Ministres, des flammes de feu, M. Simon ajoute cette autre remarque : c’est ainsi qu’il faut traduire à la lettre, & cela signifie, que ceux dont Dieu se sert pour être ses Ministres, sont légers & actifs comme le feu. Selon l’interprétation des Rabbins, il faudroit traduire de cette manière les paroles du Pseaume, que les flammes ardentes lui servent de Ministres ; ce qui se voit par l’exemple de Sodome & de Gomorrhe.

L’Apôtre dit encore, parlant des Anges au même endroit, v. 14. Tous les Anges ne sont-ils pas des Esprits qui tiennent lieu de Serviteurs & de Ministres ? Version de Mons. Il y a dans la version de M. Simon : Ces Anges ne sont-ils pas tous des Esprits faisant les fonctions de Ministres : & dans la note : les Anges sont, à l’égard de Dieu, comme les Ministres d’un grand Roi, & Jésus-Christ, qui est le Fils unique de Dieu, est à l’égard des Anges, comme le fils de ce grand Roi, lequel fils est au-dessus de tous ces Ministres.