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AQU

d’impertinent, parce qu’il ne s’étoit pas contenté de traduire les paroles ; mais qu’il avoit de plus exprimé l’étymologie ou la propriété des mots. Cette barbarie n’est pas si générale & si grande que M. Simon le fait entendre, & S. Jérôme loue souvent Aquila comme un Interprète exact & fidele ; & lorsqu’il s’agit de donner la propre & véritable signification des mots hébreux, il a recours à la version d’Aquila. Quand il l’a blâmée, c’est que pressé du reproche qu’on lui faisoit de n’avoir pas traduit l’Ecriture sainte avec assez d’exactitude, il répondit que cette façon de traduire si littéralement & selon la rigueur de la Grammaire, devoir être rejetée, & il donna pour exemple la version d’Aquila.

Origène témoigne que les Juifs préféroient la version d’Aquila à celle des Septante ; & c’est pour cette raison qu’ils s’en servoient ordinairement dans les disputes qu’ils avoient avec les Chrétiens. Les Chrétiens d’autre part la décrierent par la même raison, & la regarderent comme une version fausse, & faite par un de leurs plus grands ennemis. Quelques Peres même l’accuserent d’avoir falsifié l’Ecriture. Il est certain qu’Aquila ne toucha point au texte hébreu, & ne le changea point. Il ne l’est pas moins qu’en quelques endroits où les Peres lui reprochent d’avoir favorisé les Juifs, on ne voit pas trop quel avantage les Juifs en pouvoient tirer. Mais il faut aussi convenir qu’il affecta en quelques-uns d’interpréter le mot hébreu d’une manière qui ôtât sa force à l’argument que les Chrétiens en tiroient contre les Juifs. L’endroit le plus fort est celui que Saint Irenée lui reproche, L. III, c. 24. C’est le passage d’Isaïe, C. VII v. 4. Voilà qu’une Vierge enfantera. Il ne traduit point le mot hébreu עלמה, alma, pour celui de πάρθενος, une Vierge, comme les Septante, mais par νεανὶς, une jeune fille. En quoi il y a certainement de l’affectation, & du dessein d’ôter aux Chrétiens ce témoignage d’Isaïe, par lequel ils pressoient les Juifs.

Et ce qui marque encore mieux l’affectation d’Aquila : c’est que lui qui cherchoit avec soin le sens propre & primitif des mots hébreux, & qui par conséquent devoit traduire עלמה, par ἀποϰρυφη, abscondita, a évité même cette traduction, pour prendre νεανὶς, qui certainement ne répond point au mot hébreu. D’où peut venir une affectation si marquée, sinon du dessein d’ôter aux Chrétiens l’avantage qu’ils tiroient de cet endroit d’Isaïe contre les Juifs ?

Tant il est vrai que dans ces premiers siècles, ces siècles apostoliques, les Chrétiens entendoient par-là une Vierge proprement dite, & demeurant Vierge malgré l’enfantement, & qu’ils étoient bien éloignés de croire que le Prophète parlât de la femme & du fils qu’elle mit au monde, comme quelques Chrétiens l’ont prétendu de nos jours. Tant il est vrai que les Juifs sentoient toute la force de ce mot, & qu’ils ne pouvoient l’éluder que par des interprétations fausses & insoutenables.

Drusius, & le P. Montfaucon dans ses Hexaples, ont ramassé les fragmens de la version d’Aquila qui nous restent.

Aquila. Ville du royaume de Naples. Aquila. Elle est dans l’Abruzze ultérieure, sur le penchant d’une petite montagne, au pied de laquelle coule la rivière de Pescaire. Elle s’est agrandie des ruines d’Amiternum & de Forconium. Elle est capitale de l’Abruzze ultérieure.

☞ AQUILANO. Fort de l’île de Gilolo, dans la mer des Indes, un des trois que les Espagnols possédoient lorsque les Hollandois firent la conquête des Moluques.

AQUILÉE. s. f. Aquileia, ou Aquilegia. Vossius, dans ses notes sur Pomponius Mela, Liv. II, ch. 3, remarque, que tous les anciens manuscrits écrivent Aquilegia. Parmi les épigrammes & épitaphes que Gruter a tirées d’un vieux manuscrit de la Bibliothèque palatine, il y en a une p. MCLXIX, 6, où on lit aussi Aquilegia. Cependant les Poëtes, comme Silius Ital. Liv. VIII, v. 605. Mart. Liv. IV, ép. 25. Ausone, Cotal. clarar. urb. ep.7, ne le font que de quatre syllabes ; & toutes les inscriptions antiques, où il est parlé d’Aquilée, monumens incomparablement plus anciens & plus surs que les manuscrits, écrivent Aquileia. Gruter, p. CCCCXXXIII, 8. Patavii in ædibus Ranusiacis.

L. MANILIVS L F.

ACIDINVS TRIV. VIR.
AQVILEIÆ COLONIÆ

DEDVCENDÆ

Voyez encore p. CCCI, & p. XXXVI. 12.

APOLLINI

BELENO
C. AQVILEIENS.
FELIX.

& p. CLII. 4.

IMP. CAES. INVICIT. AVG.

AQVILEIENSIVM RESTITVTOR
, &c.

Voyez encore p. CCCXLV. 10, pag. DCCLXXXVIII. 6, & DCCLVII, 4.

On voit donc que le véritable nom est Aquileia, C’est une ville d’Italie, dans le Frioul, sur le confluent de l’Ansa & du Torre. Quelques-uns disent qu’elle a pris son nom d’un certain Aquilus venu de Troye avec Antenor, qui en jeta les premiers fondemens. Vossius, qui veut que son premier nom soit Aquilegia, soutient à l’endroit que j’ai cité, qu’il vient à d’Aquilegium ; qui signifie une source, une fontaine & qu’elle fut ainsi appelée à cause de l’abondance des sources & des eaux qu’il y avoit au lieu où elle fut bâtie. Mais sa conjecture sur ce nom étant fausse & Aquilegia étant une mauvaise ortographe des siècles postérieurs, & des copistes, qui dans ces siècles ne prononçant le gi que comme un i, & ne faisant point sentir le gi comme les Grecs, qui ne le font point sentir non plus, ont mis gi où il ne falloit qu’un i, parce que ces deux sons n’étoient point, ou presque point différens ; ou bien que ce nom n’étant, comme prétend Cluvier, Liv. I, ch. 20, qu’une corruption du mot Aquileia, qui s’est introduite dans les siècles de la barbarie, Pline, Tite-Live, Cicéron, Tacite, & tous les autres, écrivant Aquileia, sans que j’y trouve de variante, quoi qu’en dise Vossius ; les Grecs, comme Strabon, Ptolomée, écrivant Ἀϰυληία & Denys, Ἀϰυλύνον, sans parler d’une médaille de Vespasien, citée par Goltzius, p. 237, & qui porte Col. Aquileia, mais que je ne voudrois pas garantir, parce que je ne la trouve citée par aucun autre Auteur ; tout cela, dis-je, étant certain, l’étymologie de Vossius tombe d’elle-même. L’Empereur Julien, dans sa seconde harangue sur les actions de Constancius, dit qu’elle fut appelée Aquilée, parce que, lorsqu’on la bâtit, un aigle, en latin aquila, parut du côté droit. Ce sentiment n’a de fondement que l’entêtement & la superstition de son auteur, & le fait n’est attesté d’aucun autre. Il est donc bien plus vraisemblable qu’Aquilée ne fut d’abord qu’un camp Romain, où les aigles Romaines furent arborées, & que de-là on le nomma Aquileia. En effet, dès le temps que les Gaulois vinrent s’établir près de-là, & y commencerent une ville, c’est-à-dire, l’an de Rome 566, ou 567, quatre ou cinq ans avant qu’on y conduisît une colonie, il y avoit déjà là un Préteur, & par conséquent des troupes romaines & un camp, comme il paroît par le 39e Livre de Tite-Live. Depuis Aquilée devint si riche & si considérable, qu’on la compara à Rome même, & qu’on lui en donna le nom. L’Eglise d’Aquilée, si l’on en croit la Tradition du pays, fut fondée par S. Marc. Elle a titre de Patriarchat, dont les Macri rapportent l’origine à l’an 570. Parce que l’air d'Aquilée étoit très-mal sain, les Patriarches transporterent le siège à Udine, qui devint la Nouvelle Aquilée, l’ancienne ayant été abandonnée. L’Empereur, qui est maître d’Aquilée, prétend nommer au patriarchat ; mais pour éviter les contestations, les Vénitiens donnent au titulaire résident à Udine dans les terres de la Seigneurie, le pouvoir