Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, I.djvu/477

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
453
ARA

faits de la même manière dans toutes les espèces d’araignées. Dans quelques-unes elles ressemblent parfaitement aux autres jambes, & dans d’autres elles en sont tout-à-fait différentes.

Il y a autour de l’anus de toutes les araignées quatre petits mamelons musculeux, larges vers leurs bases, & pointus vers leurs extrémités. Ces mamelons ont un mouvement fort libre en tous sens. Du milieu d’entre ces mamelons, sort, comme par une filière, la liqueur gluante qui produit le fil dont elles font leurs toiles & leurs nids. Cette filière a un sphincter pour s’ouvrir & pour se resserrer, moyennant quoi elles peuvent filer plus gros & plus fin ; & l’araignée étant suspendue en l’air par ce fil, s’arrête lorsque la filière se resserre, & elle continue de descendre par son propre poids quand la filière s’ouvre.

Voici à peu près la manière dont les araignées fabriquent leurs toiles. Lorsqu’une araignée fait un ouvrage dans quelque coin d’une chambre, & qu’elle peut aller aisément en tous les endroits où elle veut attacher ses fils, elle écarte les quatre mamelons dont nous venons de parler, & en même tems il paroît à l’ouverture de la filière une très-petite goutte de cette liqueur gluante, qui est la matière de ses fils : elle presse avec effort cette petite goutte contre le mur, qui s’y attache par son gluten naturel, & l’araignée, en s’éloignant de cet endroit, laisse échapper par le trou de la filière le premier fil de la toile qu’elle veut faire. Etant arrivée à l’endroit du mur où elle veut terminer la grandeur de la toile, elle y presse avec son anus l’autre bout de ce fil, qui s’y colle de même, comme elle avoit attaché le premier bout. Puis elle s’éloigne environ l’espace d’une demi-ligne de ce premier fil tiré ; elle y attache un second fil, qu’elle tire parallèlement au premier. Etant arrivée à l’autre bout du premier fil, elle attache l’autre bout du second contre le mur, ce qu’elle continue de même pendant toute la largeur qu’elle veut donner à sa toile ; l’on pourroit appeler tous ces fils parallèles, la chaîne de cette toile. Après quoi elle traverse en croix ces rangs de fils parallèles par d’autre fils perpendiculaires sur ceux-ci, & parallèles entr’eux, qu’elle attache de même par les deux bouts. C’est comme la trame de sa toile ; & comme ces fils fraîchement filés se collent à tout ce qu’ils touchent, ils se collent les uns sur les autres, & c’est ce qui fait la fermeté de cette toile. Afin que les fils qui se croisent, se collent ensemble avec plus de fermeté, l’araignée manie avec les quatre mamelons de son anus, & comprime en différens sens tous les endroits où les fils se croisent à mesure qu’elle les couche les uns sur les autres. Elle triple ou quadruple les fils qui bordent la toile, pour les fortifier & les empêcher de se déchirer aisément.

Une araignée peut fournir deux ou trois fois de la matière pour faire une toile neuve, pourvû qu’elle n’en ait pas fait une trop grande la première fois. Après cela, si elle manque de toile, il faut qu’elle occupe par force la toile d’une autre araignée, ou qu’elle trouve quelque toile abandonnée : car les jeunes araignées abandonnent leurs premières toiles pour en faire de neuves, & si les vieilles araignées, c’est-à-dire les domestiques, n’en trouvent pas, il faut qu’elles périssent. Voilà pour les toiles qui se font dans les coins des chambres.

Pour les toiles des jardins, l’araignée se met en un temps calme au bout de quelque branche d’arbre, ou sur quelqu’autre corps qui s’avance en l’air : elle s’y tient ferme sur ses six pattes seulement, & avec les deux pattes de derrière elle tire de son anus peu à peu un fil de la longueur de deux ou trois aunes, ou plus, qu’elle laisse flotter en l’air, jusqu’à ce que le vent l’ait poussé contre quelque matière solide, où ce fil se colle promptement par son gluten naturel : l’araignée tire de temps en temps ce fil à soi, pour connoître si le bout qui flotte en l’air s’est attaché quelque part ; ce qu’elle connoît par la résistance qu’elle sent lorsqu’elle tire ce fil. Alors elle bande un peu ce fil, & l’attache avec les mamelons de son anus à l’endroit où elle se trouve. Elle double & quadruple ce fil, passant dessus comme sur un pont : puis se mettant au milieu, elle tire encore de son anus un autre fil, qu’elle laisse flotter & s’attacher de même que le premier, & de même un troisième, un quatrième, &c. de sorte que le milieu du premier fil devient le centre de ces rayons. Tous les rayons étant faits, elle attache un nouveau fil au centre, & le couche & l’attache en spirale sur les rayons, depuis le centre jusqu’à la grandeur qu’elle veut donner à sa toile. Cela étant fait, elle se niche dans le centre de sa toile, la tête toujours en bas. M. Homberg donne la cause de cette posture.

L’araignée ne se tient dans le centre de sa toile que pendant le jour. La nuit, ou quand il pleut, ou quand il fait grand vent, elle se retire dans une petite loge qu’elle s’est faite à l’extrémité de sa toile, sous la feuille d’un arbre ou d’une plante, ou en quelqu’autre endroit plus solide que sa toile. Elle choisit ordinairement cet endroit vers la partie la plus élevée de sa toile, apparemment pour s’y réfugier promptement dans la nécessité : car la plûpart des araignées montent fort aisément & bien plus vite qu’elles ne descendent.

Quand une mouche s’est prise dans sa toile, si elle est petite, elle la prend entre ses tenailles & l’emporte dans son nid pour s’en nourrir. Quand la mouche est un peu grosse, en comparaison de l’araignée, elle l’entoure de fils qu’elle tire de son anus & la garotte, puis l’emporte paisiblement. Si la mouche est trop forte & se défend, l’araignée la délivre, même en rompant sa toile, qu’elle refait incontinent après, ou elle en fait une neuve.

Toutes les araignées mâles sont plus petites que les araignées femelles. Cinq ou six araignées mâles ne pésent pas plus qu’une femelle : ce qui est assez commun dans la plûpart des insectes, tout au contraire des quadrupèdes.

Les araignées de toutes les espèces sont ovipares. Les unes, comme celles des jardins, & les faucheurs font une grande quantité d’œufs, & les autres en font fort peu, comme les domestiques, &c. Elles font leurs œufs sur une partie de leur toile, les lient ensemble dans un peloton, & les couvent dans leur nid. Quand on les chasse pendant qu’elles couvent, elles prennent ce peloton d’œufs dans leurs tenailles & l’emportent avec elles.

Aussitôt que les petits sont éclos, ils commencent à filer, & grossissent presque à vue d’œil, sans que j’aie pû découvrir qu’ils prennent de nourriture.

Il y a six principales espèces d’araignées, 1.o L’araignée domestique, c’est-à-dire celle qui fait sa toile sur les murs & dans les coins des appartemens. 2.o L’araignée des jardins, c’est-à-dire, celle qui fait une toile à l’air, d’un tissu plus serré, & qui se niche pendant le jour dans le centre de cette toile. 3.o L’araignée noire des caves, & qui demeure dans les trous des vieux murs. 4.o L’araignée vagabonde, ou qui ne se tient pas tranquillement dans un nid comme les autres. 5.o L’araignée des champs, appellée le Faucheur, qui a les jambes fort longues. 6.o L’araignée enragée, ou la fameuse Tarentule.

L’araignée domestique a huit yeux placés sur son front en ovale. Ils sont petits, & à peu près de même grandeur. Cette araignée fait une grande & large toile dans les coins & contre les murs des chambres. Ses bras ressemblent parfaitement à ses jambes, à la réserve qu’ils sont un peu plus courts, & qu’elle ne les pose jamais à terre. Cette espèce quitte sa dépouille tous les ans, ce que ne font pas les autres. Elle vit longtemps, grandissant peu de corps, mais beaucoup de jambes.

Dans les pays chauds il vient à cette araignée une maladie qui la fait paroître toute couverte d’écailles hérissées & pleines de petits animaux semblables aux poux, qu’elle fait tomber en se secouant & se remuant beaucoup.

L’araignée des jardins fait une toile ronde en l’air. Elle a quatre grands yeux, placés en carré au milieu du front, & deux plus petits à chaque côté de la tête. Les femelles de cette espèce ont les plus gros ventres que j’aie vu aux araignées. Les mâles en sont fort menus. Elles sont de différentes couleurs, ordinairement feuille morte, tachetées de blanc & de gris, quelque-