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BAR

Royaume ; & que c’est pour cela qu’on les appela Barbares, ou Barbarins, c’est-à-dire, Arabes, ou Arabesques. Les Macri prétendent que c’étoit une montagne fort commune en Sicile & en Sardaigne.

BARBARISER. v. n. Commettre un barbarisme, faire un faute contre la pureté du langage. In Grammaticæ leges peccare. Je ne sais où désormais on pourra se fournir de langage françois qui soit mettable partout, vû que de jour en jour les bons mots sont décriés entre ceux qui s’écoutant pindariser à la nouvelle mode, barbarisent aux oreilles de ceux qui suivent l’ancienne. Il est bien vrai que j’ai moi-même usé d’aucuns mots nouveaux en ce livre, mais ç’a été où les vieils défailloient : & puis ils sont tels, qu’on voit bien que je les ai forgés à plaisir, pour parler ridiculement des choses ridicules… Henri Etienne, à la fin du Disc. prémim. sur son Apologie pour Hérodote. Au reste voilà une peinture fidelle de ce qui est arrivé de nos jours. Quelques-uns de nos Ecrivains ont voulu se singulariser par des expressions hors d’usage, & par-là ont fourni la matière du Dictionnaire Néologique, dont l’Auteur, après s’être moqué des locutions étrangères, s’en sert lui-même dans son Eloge de Pantalon-Phœbus, pour en faire mieux sentir le ridicule. Barbariser n’est point usité.

BARBARISME, s. m. Terme de Grammaire. Expression dure ou qui n’est pas du bel usage ; faute dans le langage qui tient le milieu entre le solécisme, & l’impropriété. Barbarismus. Il se commet quand on se sert de quelque mot, ou phrase étrangère à la langue, & qui n’est pas naturelle, ou en oubliant des particules, des pronoms, & des prépositions dans les endroits où elles sont nécessaires. Vaug. Rem. On peut commetre un barbarisme, c’est-à-dire, parler barbarement, & hors des bons termes d’une langue, ou en une seule parole, ou en une phrase entières. Les barbarismes d’un seul mot sont aisés à éviter ; mais pour les barbarismes, de la phrase, il est facile d’y tomber, parce que tous les mots dont la phrase est composée, sont françois, & ainsi l’on ne s’apperçoit point de la faute ; au lieu qu’au barbarisme du mot, l’oreille qui n’y est pas accoutumée, le rebute, & ne s’y laisse pas surprendre. Mais au barbarisme de la phrase, l’oreille étant comme trahie par les mots qu’elle connoît, lui ouvre la porte, & la laisse passer dans l’esprit. Vaug. Mon esprit n’admet point un pompeux barbarisme. Boil. Barbarisme, selon Hesychius, Eusthatius & Suidas, ne se trouve que dans un seul mot, & non pas dans les phrases : lorsqu’on donne à un mot une terminaison, un accent, une mesure de quantité, ou une prononciation qu’il n’a pas, on fait, selon ces Auteurs, un barbarisme. On a pû étendre cette signification, & l’appliquer aux phrases entières, suivant la remarque de M. de Vaugelas.

☞ Le barbarisme est une élocution étrangère, au lieu que le solécisme est une faute contre la régularité de la construction d’une langue.

☞ Ainsi on fait un barbarisme, en disant un mot qui n’est pas de la langue, ou qui est pris dans un sens qui n’est pas autorisé par l’usage, & en usant de façons de parler qui ne sont en usage que dans une autre langue.

☞ Il y a deux sortes de barbarismes, dit Voltaire ; celui des mots é celui des phrases. Egaliser les fortunes, pour égaler les fortunes : au parfait, au lieu de parfaitement : éduquer, pour donner de l’éducation, élever : voilà des barbarismes de mots. Je crois de bien faire, au lieu de dire je crois bien faire : encenser aux Dieux, pour encenser les Dieux : je vous aime tout e qu’on peut aimer. Voilà des barbarismes de phrase.

☞ Ce mot vient de la signification que les Grecs & les Romains avoient attachée au mot barbare qui vouloit dire étranger. Ainsi tout mot étranger mêlé dans la phrase grecque ou latine étoit appelé barbarisme.

Barbarisme, est une des quatre espèces de sectes, ou d’hérésies, d’où les autres se sont formées. Le barbarisme ne s’est trouvé que parmi les hommes qui ont vécu sans société, sans composer une Eglise, ni un corps politique. Voyez S. Jean Damascène, qui dit que le barbarisme a duré depuis Adam jusqu’à Noé, qui est le temps où les hommes ont vécu dans une entière indépendance & dans une pleine liberté ; c’est cet état d’indépendance & de liberté qui est marqué par le nom de barbarisme ; soit que ceux qui vivoient ainsi dans les premiers temps, & avant Noé, reconnussent & adorassent le vrai Dieu, soit qu’ils fussent idolâtres. D’autres disent que le barbarisme, qu’ils appellent aussi Scythisme, est l’athéisme, ou l’erreur de ceux qui, selon le Psalmiste, disent dans leur cœur, il n’y a point de Dieu. Quelques Anciens, selon S. Epiphane, disoient que le barbarisme avoit précédé le déluge, & que le Scythisme avoit regné depuis le déluge, jusqu’à Sarug, où l’Hellénisme avoit commencé. Mais 1°. Epiphane ne dit point que ces Barbares avant le déluge, & ces Scythes d’avant Sarug, n’eussent point de connoissance de Dieu. 2°. Toute la distinction de ces sectes est vaine. Elle n’a d’autre fondement que l’onzième verset du ch. 3, de l’Epître aux Colossiens, où S. Paul dit, où il n’y a point de Gentil & de Juif, de circoncis & d’incirconcis, de Barbare & de Scythe, d’esclave & de libre. Mais S. Paul ne prétend point par ces mots marquer différentes sectes, ou opinions de Dieu ; mais seulement nous apprendre que tout homme étoit également appelé & reçu, s’il vouloit, au christianisme, sans distinction de nation ou de condition, & que les Juifs n’avoient point de privilége en cela plus que le Gentil, le Barbare, le Scythe & le Grec, le libre plus que l’esclave.

☞ BARBATH. Ville de l’Arabie Heureuse, dans la petite province de Schagr ou de Hadramuth, dont elle est capitale. On la nomme aussi Marbat, Merbat & Mirbat.

☞ BARBATO, ou PUERTO BARBATO. Barbatar. Petite ville d’Espagne, en Andalousie, à l’embouchure de la rivière de Barbato qui se décharge dans la mer Atlantique.

BARBAZAN. Lieu dans les Pyrénées. Les Eaux thermales de Barbazan sont renommées. Voyez le Dict. de James au mot Thermes.

BARBE. s. f. Poil qui vient au menton ☞ & aux joues des hommes. Barba. La barbe lui vient. Faire la barbe à quelqu’un, le raser. Faire sa barbe, se faire la barbe, se faire faire la barbe. C’est un affront & une marque d’un mépris insigne, & d’ignominie, d’arracher ou de faire arracher la barbe à un homme. David déclara la guerre au Roi des Ammonites, pour venger l’affront qu’il avoit fait à ses Envoyés, de leur faire couper la moitié de la barbe. La plûpart des peuples sont différens en la manière de porter, de faire leur barbe. Les Américains furent fort surpris de voir les Espagnols qui avoient de la barbe. C’est une marque de deuil chez la plûpart des peuples, de laisser croître sa barbe, quoiqu’autrefois chez plusieurs nations ce fût une marque de tristesse de la couper. Plutarque dans Thésée, rapporte qu’Alexandre commanda à tous ses Capitaines de faire raser les barbes aux Macédoniens, de crainte de donner prise aux ennemis par leurs longues barbes. Jean Kinson dit que les Tartares sont en guerre avec les Persans, à cause qu’ils ne veulent pas couper les moustaches de leurs barbes comme font les Tartares ; & pour cela ils les appellent Infidelles, quoiqu’ils s’accordent avec eux dans plusieurs points de la Religion Mahométane. Comme les Chinois affectent en tout un air de gravité qui attire le respect, ils se sont imaginé qu’une longue barbe y pouvoit contribuer : ils la laissent croître, & s’il n’en ont pas beaucoup, ce n’est pas faute de la cultiver ; mais la nature en ce point les a très-mal partagés, & il n’y en a aucun qui ne porte envie aux Européens, qu’ils regardent en cette matière comme les plus grands hommes du monde. P. le Comte.

Les Grecs laissoient croître leur barbe. Ahénée remarque que ce ne fut que du temps d’Alexandre que l’on commença à se raser la barbe en Grèce, & que celui qui le premier se la fit couper à Athènes, fut appelé κόρσης tondu. Il y a néanmoins apparence qu’Athénéce, ou plutôt Chrysippe, de qui Athéné avoit pris ce qu’il dit à ce sujet dans son XIIIe Livre ; que Chry-