Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, I.djvu/813

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
789
BAS

sont pas bastans pour me nourrir. Ces raisons ne sont pas bastantes pour me persuader. Cette caution n’est pas bastante pour me contenter. Cela ne se dit guère que dans le style familier.

Ce mot vient de l’italien Bastante.

BASTARD. Voyez Bâtard.

BASTARDEAU. Voyez Bâtardeau.

BASTARDIÈRE. Voyez Bâtardière.

BASTARDISE. Voyez Bâtardise.

BASTE. s. f. Panier, ou mannequin qui s’attache au bât d’une bête de somme, pour mettre dedans ce que l’on veut porter. Benna dossuaria, Cista vectaria ; dans la basse latinité Basta. Le P. Mabillon, Acta SS. Bened. Sæc. III. Part. I. p. 581, dit que ce nom Baste se dit dans le Périgord.

Baste. On nomme ainsi dans la Flandre Autrichienne, l’étoffe d’écorce d’arbre qui vient des Indes Orientales & de la Chine.

BASTE. s. m. Terme du jeu d’Ombre, de Quadrille, qui signifie l’as de trèfle. Le baste me vient souvent, mais c’est un fourbe qui m’engage mal-à-propos, & qui me fait faire la bête. S. Evr. C’est le troisième des Matadors.

BASTELAGE. Voyez Bâtelage.

BASTELÉE. Voyez Bâtelée.

BASTELEUR. Voyez Bâteleur.

BASTER. Voyez Bâter.

BASTER. v. n. Être en bon état, réussir. Benè stare, procedere feliciter. Il ne se dit guère que des affaires. Son procès est sur le bureau, mais il baste mal pour lui, il y a apparence qu’il le perdra. Lambris qui voit des siens baster mal les affaires. Sar.

Du Cange dérive ce mot de benè stare.

Baster, signifioit autrefois suffire. Sufficere, satis esse. Et se dit encore en cette phrase proverbiale, Baste pour cela, ou absolument, Baste ; pour dire, Passe, j’en suis content.

Ce mot n’est venu en usage qu’au temps de la Reine Catherine de Médicis, comme remarque Borel. Les Italiens disent bastare dans ce sens.

☞ On dit bastir pour suffire, dans une Ordon. de François I. Août 1536. Dix ou douze mille combattans fidèles doivent bastir à un suffisant chef de guerre.

BASTERNE. s. f. Basterna. Espèce de voiture dont les Dames Romaines se servoient autrefois. Saumaise, sur le Livre de Tertullien De Pallio, dit que la basterne avoit succédé à la litière, & qu’elle en différoit peu, que la litière étoit portée sur les épaules des esclaves, au lieu que la basterne l’étoit par des bêtes. Casaubon, sur Lampridius dans la vie d’Elagabale, ch. 4, dit que les basternes avoient succédé à la voiture qu’on appeloit carpentus, & qui étoit, après celle qu’on nommoit pilentum, la plus honorable des voitures dont les Dames Romaines usoient ; qu’elle étoit portée par des mulets, des bidets, ou des mules. Il soutient qu’elles étoient toutes semblables à nos litières ; qu’en efet les Glossæ legales donnent λεκτίκιον & βλάστερνα pour synonymes ; qu’enfin la description qu’en fait une vieille épigramme, qui se trouve dans la collection de M. Pithou, le démontre. La voici.

Aurea Matronas claudis blasterna pudicas
Quæ radians patulum gestat utrumque latus.
Hanc geminus portat duplici sub robore bardo,
Provehit & modicè pendula septa gradu.

Isidore, Orig. Liv. XX, ch. 12, en fait la même description. Servius en parle aussi sur le 666e vers du VIIIe Livre de l’Enéide. Le P. Daniel, dans son Histoire de France, T. I, p. 13, dit que c’étoit une espèce de charriot, & que cette voiture étoit tirée par des bœufs pour aller plus doucement. Et certainement Grégoire de Tours, Liv. III de l’Hist. de France, ch. 24, dit que Deuterie, femme de Théodebert I, Roi de Metz, voyant sa fille nubile, & craignant que le Roi n’en devînt amoureux & ne l’enlevât, la mit dans une basterne, & y fit atteler deux taureaux indomptés, qui la précipitèrent du haut du pont de Verdun ; mais après tout il ne paroît pas par cet endroit de Grégoire, que les bœufs fussent l’attelage ordinaire de la basterne : on n’y mit des taureaux indomptés cette fois-là que pour précipiter la jeune Princesse ; & l’Auteur de l’épigramme que j’ai rapportée, aussi bien qu’Isidore, ne parlent que de mulets, de mules & de bidets, ou chevaux gaulois, Bardones, mulæ, manni : & dans les Gloses d’Isidore & ailleurs elle est appelée Lectica mannalis ; car il faut lire mannalis, & non pas manualis : ce qui montre que les chevaux appelés ainsi en étoient l’attelage ordinaire. Au reste, c’est peut-être le P. Mabillon qui a trompé les autres, après s’être trompé lui-même ; car dans les Acta SS. Bened. sæc. V. p. 430, il prétend prouver par cet endroit de Grégoire de Tours, que les bœufs étoient l’attelage ordinaire des charriots des Grands & des Princes. Quoiqu’il en soit de ce fait, ce n’étoit pas celui de la basterne. Le dedans de cette voiture s’appeloit Cavea, c’est-à dire, Cage, &c. Acta S. Claudii, c. 2. Acta. Sanct. Febr. T. III. p. 62. Elle étoit garnie de cousins fort mous qu’on appeloit Lecti, les lits de la basterne. Les deux côtés étoient ornés de glaces, qui se faisoient d’une espèce de pierre transparente, comme on l’apprend de Pline, Liv. XXXVI. ch. 22, & de Sénèque dans son ép. 90, & dans son Livre de la Providence. C’est pour cela que le Poëte dont j’ai raporté l’épigramme, leur donne l’épithète de radians :

Quæ radians patulum gestat utrumque latus.


Ainsi ces ouvertures qu’on appeloit specularia, Juven. IV. 21. Martial, VII. 14, n’étoient point bouchées d’une étoffe transparente, comme l’a traduit l’Abbé de Villeloin à l’endroit de Juvenal que je viens de citer.

La mode des basternes passa d’Italie dans les Gaules, comme il paroît par l’endroit de Grégoire de Tours que j’ai cité, & par les circonstances du mariage de Clotilde avec Clovis. Gondebaud la fit partir dans une espèce de charriot qu’on appeloit basterne, escortée de quantité de François qui se trouvèrent alors à la Cour de Bourgogne. P. Dan. Les mieux montés allèrent assez vite pour atteindre la basterne, qu’ils investirent ; mais ils n’y trouvèrent plus Clotilde, & ils apprirent qu’elle étoit déjà en lieu d’assurance. Ils ne laisserent pas de se saisir de la basterne, &c. P. Dan.

Papias dit que Basterna se dit pour Vesterna : le P. Rosweid croit qu’il faut lire vix sterna, & qu’il a apris ceci d’Isidore, qui dit Basterna, quasi vix sterna. Le mot Basterna vient de βάζω, ou βάσκω, je porte, d’où se forme βάαυν, qui signifie tout ce qui est propre à porter quelque chose. Juret sur Symmaque, Liv. VI. ép. 15. M. Du Cange dans son Glossaire, Saumaise sur Lampridius, ch. 4, de la vie d’Elagabale, Hist. Aug. p. 189 & 190, le P. Rosweid, Jés. dans les vies des Pères, pag. 1015, 116, où il remarque encore que dans les Jurisconsultes Grecs, Basterna est pris pour transenna, & pour tecta, Acta Sanct. Feb. T. II, p. 775. Etienne Guichard prétend que ce mot vient de l’hébreu צב, tsab, pris à rebours, ou lû de gauche à droite, au contraire des Hébreux qui lisent de droite à gauche.

Je ne sais pourquoi nous appelons nos carrosses en latin, currus, & non pas basternæ ; ils n’ont aucun rapport à ce qu’on appeloit currus, & ressemblent entièrement aux basternes, ou plutôt ce sont de vraies basternes perfectionnées. Vigénère dit que le pilentum & la basterne sont la même chose, Annot. sur Tite-Live, Tom. I. p. 1610.

Basterne, est aussi un nom de peuple de la Thrace, ou de la Sarmatie d’Europe. Les Grecs les appellent Basternes, & les Latins Basternæ, de même qu’ils disent Alemanni, & les Grecs Ἀλάμαννοι. Voyez Pline, Liv. IV. c. 12 & 14, Ovid. II. Trist. v. 197. Vopiscus dans Probus, & Saumaise, Hist. Aug. p. 434. Denys le Géogr. Strabon, Liv. VII. Etienne de Bysance, Claudien sur le 4. Cons. d’Honorius, v. 450, & sur le premier de Stilicon, Liv. I. v. 95, & Cluvier, Germ. ant. Lib. III. ch. 43. Val. Flaccus a dit, Liv. VI. v. 95. Baternas, par licence poëtique, pour Bas-