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BAT

Battre, se dit en parlant de diverses choses sur lesquelles on touche fortement avec différens instrumens. Tundere. Battre une tapisserie pour la nettoyer. Batre des siéges. Battre du fer à la forge. Battre à chaud. Battre à froid. Battre du papier.

Battre des livres, c’est-à-dire, donner des coups de marteau sur les feuilles d’un livre pour les presser, afin que le papier en soit plus uni & le volume plus menu. On bat aussi le papier, le carton.

Battre de la poudre à carton, du poivre, du ciment, du plâtre. Pinsere.

☞ On dit aussi battre les métaux. Battre de l’or ou de l’argent c’est l’étendre en feuille. In laminas ducere. On bat ces métaux sur une pierre de marbre noir, d’un pied en carré, élevée de trois pieds de terre. On se sert de trois marteaux en manière de maillets de fer, dont l’un est de 3 à 4 livres pour chasser ; l’autre de 11 à 12 livres pour fermer, & le 3e de 14 à 15 livres pour étendre & achever. On se sert aussi de quatre moules de différentes grandeurs, dont nous parlerons au mot Moule. Battre, ou frapper carreaux, est la seconde des huit façons qu’on donne aux carreaux des monnoies, ce qui se fait par un habile ouvrier sur une clume oblongue, qui est sur son banc dans sa fournaise.

Battre la chaude, c’est étendre sur l’enclume les lames d’or & d’argent après qu’on les a fait recuire. Boizard.

Battre Monnoie, c’est faire & marquer de la monnoie. Cudere. Ce qui se dit non-seulement des ouvriers qui la battent, mais aussi de ceux qui ont droit de la foire battre. Battuere. Le Prince de Monaco bat monnoie.

Battre le fer, en termes d’Escrime, signifie s’exercer à tirer des armes chez les maîtres d’Escrime. Exercere se. En ce sens on dit figurément qu’un homme a long-temps battu le fer, quand il s’est long-temps exercé en quelque art ou profession que ce soit.

Battre, en termes de maître à danser, c’est faire un mouvement figuré avec le pied.

Battre le blé, battreen grange, &c. C’est faire sortir le grain des épis de blé en les frappant avec un fléau. Terere. Au reste battre en grange signifie quelque chose de plus que battre le blé simplement ; car on le bat en plusieurs endroits dans un aire, & alors c’est battre le blé, & non point battre en grange, qui ne se dit que lorsqu’on le bat dans une grange. Voyez les différentes manières de battre le blé au mot Battage.

Battre le fusil, c’est en tirer du feu en le frappant avec une pierre. Ex pyrite ignem excutere. Battre des pieux, c’est enfoncer des pieux avec un mouton. Defigere, deprimere, adigere. Battre la terre, battre une allée de jardin ; c’est la rendre ferme & plus unie, avec des maillets. Tundere malleis, ac complanare. Il est nécessaire de battre les allées de ce jardin, si on veut les rendre unies. Battez bien cette allée. Liger.

Battre, signifie quelquefois, mêler, brouiller. Miscere, subigere. Battre des œufs pour faire une omelette. Battre les cartes dont on joue pour les biens mêler. Battre le beurre, c’est agiter & brouiller tellement les parties de la crême, qu’elles s’épaississent en beurre. Agitare.

Battre, signifie aussi, fouler en marchant. Terere. Ainsi on dit, battre la semelle, battre la calabre ; pour dire, voyager à pied. Voyez au mot Calabre. Battre le pavé, marcher sans cesse dans une ville où l’on est sans occupation. Concursare.

Battre, signifie aussi, approcher de près, toucher légérement. Perstringere, alluere. Cette rivière bat au pied de la montagne, bat les murs de cette ville, pour dire, qu’elle en est proche.

Battre des mains, applaudir : ce qui se dit non-seulement du battement effectif des mains, qui est un témoignage de joie, ou d’approbation publique que donne le peuple, mais encore de tous les applaudissemens que les honnêtes gens donnent à quelque action, ou à quelque ouvrage public. Plaudere.

Battre les oreilles à quelqu’un de quelque chose ; c’est la lui répéter souvent, l’en importuner à force de la redire inutilement. Verberare, obtundere.

☞ On dit en termes de chasse, battre le bois, battre la plaine, c’est-à-dire les parcourir en chassant ; battre les buissons, c’est chercher le gibier qui s’y est retiré. On dit proverbialement, il a battu les buissons, & un autre a pris les oiseaux ; c’est-à-dire, il a eu beaucoup de peine & un autre en a profité.

Battre le ruisseau, terme de pêche. C’est frapper l’eau à grands coups de perche pour épouventer le poisson, & le faire donner dans les filets.

On dit aussi, qu’un oiseau bat de l’aile, lorsqu’il agite fortement ses ailes pour se soutenir en l’air en se battant. Agitare. Et en ce sens on dit figurément & dans le style familier, qu’un homme ne bat plus que d’une aile, lorsque sa fortune ou sa santé, ont beaucoup diminué, & qu’il a peine à subsister.

Battre, joint au pronom réciproque cesse d’être verbe actif, & reçoit un sens neutre ; c’est-à-dire que ce pronom ne sert pas alors à marquer un objet où l’action se termine, mais que son service se borne uniquement à former conjointement avec le verbe la simple description de l’action, sans rapport à aucun objet distingué d’elle-même. Se battre ne signifie ni donner des coups à un autre, ni s’en donner à soi-même, il signifie simplement l’action personnelle dans le combat, ainsi que le mot s’enfuir. La Loi du Prince défend de se battre dans bien des occasions où celle de l’honneur l’ordonne, quel embarras pour ceux qui se trouvent malheureusement dans ce cas ! Le Docteur Boileau a écrit contre la pratique monacale de se frapper à coups de fouet, M. l’Abbé Girard. On voit par ce dernier exemple, que le verbe frapper joint au pronom réciproque, conserve toujours sa signification active, & qu’ainsi au lieu de dire, se battre dans le sens de se donner des coups à soi-même, on doit se frapper. On dit se battre en duel. Se battre à l’épée, au poignard, à coups de pistolet ; se battre en brave ; se battre pour avoir quelque chose. On se bat pour avoir du pain. Il y a une si grande foule d’acheteurs à cette vente, qu’on s’y bat.

Se Battre en retraite. Voyez Retraite.

☞ Ce mot se dit aussi de la guerre que se font les animaux & les élémens, par leurs qualités contraires. Pugnare, adversari. Les vents contraires se battent sur la mer. Les taureaux sont furieux quand ils se battent.

Se faire Battre, se faire donner des coups mal-à-propos, sans nécessité & lorsqu’il auroit été facile de les éviter. Ictus, plagas accercere. Ainsi on dit d’un général, qu’il se fit battre ; pour dire, qu’il s’engagea imprudemment dans un combat inégal, de quelque côté que l’inégalité vînt.

Se faire Battre, se dit aussi en termes de chasse, parlant des bêtes qui se font chasser long-temps dans un certain canton de pays. Salnove. Venatores longiùs morari.

Une heure là-dedans notre cerf se fait battre
J’appuie alors mes chiens & fais le diable à quatre. Mol.

En termes de Manége, on dit qu’un cheval bat la main, ou égaye ; quand un cheval n’a pas la tête ferme, leve le nez, branle & secoue la tête à tout moment en secouant sa bride. Agitare, movere, succutere. Les chevaux turcs & cravates sont sujets à battre la main, & il faut leur mettre une martingale.

On dit aussi qu’un cheval bat la poudre en poussière, lorsqu’il trépigne, qu’il fait un pas trop court, & qu’il avance peu. Terram quatere, tundere. On dit aussi, qu’un cheval bat du flanc, quand il commence à être poussif. Ilia ducere.

En termes de Musique, on appelle battre la mesure, donner un signal aux Musiciens en haussant & baissant la main, du temps qu’ils doivent employer à chaque cadence pour chanter & jouer tous ensemble. Musicum concentum moderari certâ quâdam manus agitatione.

Battre. Terme de jeu de Trictrac. Battre une dame,