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BEN

exemplaires grecs, fit des actions de grâces, & c’est la même chose quant au sens, parce que la prière de bénédiction ou consécration, s’appelle aussi action de graces. C’est en ce sens que S. Paul, dans la première Epître aux Corinthiens, ch. 10, où il passe de la liberté que les Chrétiens avoient de manger de tout, dit v. 30 : Si je mange avec actions de grâces, pourquoi serai-je accusé d’impiété pour une chose dont je fais des actions de grâces ? Les Chrétiens aussi bien que les Juifs, ne buvoient ni ne mangeoient jamais sans faire la prière, qui s’appeloit action de grâces, ou bénédiction. Jésus-Christ a fait exactement cette bénédiction, comme quand il bénit les cinq pains dans le désert, benedixit illis.

Bénir, selon plusieurs Interprètes, se prend dans l’Ecriture pour maudire, ou pour injurier, calomnier, parler mal de quelqu’un. Il y a trois endroits dans lesquels ils y donnent ce sens. Job I, 5, 11 & 3, Liv. des Lois XXI, 10. Quelques-uns disent que c’est une ironie ; d’autres une antiphrase. Ce n’est pas le seul verbe qui ait à la troisième conjugaison un sens contraire à celui des précédentes, comme l’a remarqué Codute sur Job, I, 5. Hottinger dans son Héxaméron & Drusius, Observ. XVI, 5. D’autres disent que les Hébreux avoient tant d’horreur du blasphème, (car c’est toujours de Dieu que bénir se prend en ce sens,) qu’ils ne l’appeloient point par ce nom, mais d’un nom tout contraire. Merccrus, Casaubon & Cocq, trouvent des vestiges du même usage dans les autres langues. Les Latins disoient rectè pour nihil, bona fortuna pour nemo, sacrum pour exécrable. D’autres croient que bénir en ces endroits signifie dire adieu, parce qu’en prenant congé de quelqu’un, on le bénissoit, & de même que nous avons transporté le terme de dire adieu à la signification de quitter, abandonner, renoncer, parce qu’on dit adieu en quittant les gens. Les Hébreux l’avoient fait de ברך, bénir. Ce sont les deux interprétations les plus raisonnables.

Celui qui bénit parmi les Juifs le Pain & le Vin, est ordinairement la personne la plus qualifiée de la compagnie. Notre Seigneur fit la cérémonie de la Pâque avec ses Disciples, en qualité de Maître & de Docteur. Saint Luc, qui a rapporté cette Histoire avec plus d’exactitude que saint Matthieu & saint Marc, fait mention de deux coupes, sur lesquelles Jésus-Christ prononça la bénédiction. En effet, quand les Juifs font encore aujourd’hui une espèce de Pâque, ils commencent d’abord par bénir la coupe qu’ils remplissent de vin, & ils appellent cette première bénédiction, la bénédiction de la coupe du manger. Ils prennent quatre coupes durant tout ce repas ; mais ils ne bénissent que la première & la dernière, au moins est-ce l’usage de presque tous les Juifs, à la réserve des Tudesques, qui bénissent toutes les coupes. Consultez les Rituels des Juifs.

Bénir, se dit aussi des cérémonies ecclésiastiques, & des prières que font les Prélats & les Prêtres sur les choses qu’ils consacrent au service & au culte de Dieu. Ainsi, on dit, bénir une Eglise, des Fonts, une pierre d’Autel, un Calice, un Amict, une Cloche. Consecrare. On dit aussi bénir un cierge, des drapeaux. Bénir un Abbé Régulier, une Abbesse. Bénir le lit des nouveaux mariés.

On appelle aussi, bénir la table, faire une prière avant le repas, qu’on appelle, Benedicite, avec un signe de croix sur les viandes. Mensam consecrare, consuetas ante cibum preces recitare.

Bénir se dit aussi en ces phrases proverbiales. Dieu vous bénisse. Adsit tibi Deus : ce qui se dit tant à ceux qui éternuent, qu’aux pauvres qu’on éconduit, & à ceux d’avec qui on sort mal content. On dit aussi, Dieu bénisse Chrétienté, Dieu bénisse qui a été cause de ce procès, pour faire une honnête imprécation. Dieu soit béni.

BÉNI, IE. part. & adj. Cette pieuse famille est bénie de Dieu. Fortunatus, beneficiis cumulatus. Autrefois on disoit toujours bénit : depuis, l’usage a adouci ce participe pour les choses ordinaires ; mais il est demeuré dans les choses de la Religion pour conserver tous les termes consacrés & accoutumés. Ainsi on dit à la Sainte Vierge : Tu es bénite entre toutes les femmes. Vaug. Chap.

☞ BENI SABIH ou MUCUBA. Ville d’Afrique, dans le Royaume de Darha, sur le bord du fleuve Parha.

☞ BENI SUAYD. Ville d’Egypte, sur le bord du Nil, à vingt lieues du Caire.

BENISTRE. v. a. Vieux mot. Bénir. Gloss sur Marot.

BENIT, ITE. adj. Qui a été bénit, consacré à Dieu. Une Abbesse bénite, de l’eau bénite, un pain bénit, des grains bénits.

Benit se dit encore en ces phrases proverbiales. Eau bénite de Cour, ce sont de grandes caresses, de belles protestations d’amitié de gens de Cour, qui sont simulées, & qui n’ont aucun effet. On dit que c’est pain bénit, que d’attraper un homme qui fait le fin, ou quand il arrive quelque infortune à un homme qui l’a bien mérité. C’est pain bénit, de vous montrer à tous tant que vous êtes de pédans, l’impertinence de vos citations, puisque vous en voulez tant faire. Mascur. C’est-à-dire, c’est un avantage, un plaisir, une joie. On dit autrement, c’est bien employé. On appelle aussi les Bédeaux des Paroisses, Ventres bénits, parce qu’ils vivent le plus souvent de pain bénit. On dit qu’un homme est réduit à la chandelle bénite, lorsqu’il est à l’extrémité, qu’il a reçu l’Extrême-Onction. On dit aussi d’un homme qui ne vient point après avoir été prié plusieurs fois de venir, qu’il faut avoir la croix & l’eau bénite pour l’avoir. On dit aussi changement de corbillon, appétit de pain bénit ; pour dire, que la diversité plaît en toutes choses.

BENIT-VŒU. Ce n’est point le nom d’un saint. C’est un nom de lieu. Adelberon II, Evêque de Mets, ayant fait bâtir en cette ville un Monastère proche celui de saint Pierre, pour y mettre une partie des Religieuses, & servir de Noviciat à celles qui y voudroient faire profession, y fit bâtir un Oratoire qu’il dédia à la sainte Vierge, & y fit mettre un Crucifix devant lequel les Novices faisoient leurs vœux solennels ; ce qui fit donner le nom de Benit-vœu à la rue où ce Monastère étoit situé : les gens simples appelèrent ce Crucifix Saint Benit-vœu, & ce nom lui est resté jusquà présent. P. Hélyot, T. VI, C. 52.

☞ BENI-TEUDI. Ville d’Afrique, dans la Province de Habad, royaume de Fez, sur le bord de la rivière d’Erguil.

BÉNITIER, ou BENETIER. s. m. Le premier est le meilleur. M. Ménage est pour benetier, mais il avoue que l’usage est pour bénitier. On disoit autrefois benoistier, & on prononçoit benaitier. Voyez Benoitier.

Un bénitier est un vaisseau où l’on met de l’eau bénite, & qui est placé à l’entrée des Eglises, ou attaché auprès d’un lit.

☞ Il y a aussi dans l’Eglise des Bénitiers portatifs. Aquæ sacra vas.

Mais la fièvre demain se rendant la plus forte,
Un Bénitier aux pieds, va l’étendre à la porte. Boil.

☞ Par rapport à l’Architecture, le bénitier est un vase rond, isolé, porté sur une espèce de balustre, ou une coquille sur quelque console, & attachée à un pilier à l’entrée d’une Eglise.

BENNE. s. f. Petit vaisseau qui sert à charger les bêtes de somme pour transporter des grains, de la chaux, la vendange, & autres choses. Il sert aussi de mesure dans la plupart des Provinces, & tient environ deux minots de Paris.

Ce mot vient de benna, qui étoit une espèce de charriot ou de tombereau des anciens Gaulois dont parle Festus, qu’on nommoit aussi benel, ou venel, donc Monstrelet fait aussi mention. Goropius dérive ce mot de benne, qui a signifié chez les Allemands panier plat, ou une corbeille. Et même Cluvier, Germ. ant. Lib.I. p. 70, remarque qu’encore à présent on appelle en Allemagne benne, une charrette à deux roues. Chorier dit qu’en Dauphiné on dit benna, parmi le bas peuple, & bannante parmi ceux qui parlent plus purement, & prétend que c’est un ancien mot Allobrogique. Voyez Banne.

BENNON. s. m. Nom d’homme. Benedictus Bennon, que nous appellerions Benoît en notre langue, si l’on en croit les Allemands, étoit fils d’un Gentil’homme de Saxe. Il vint au monde près de Goflar, l’an 1010. Bail.

BENOÎT, OÎTE, ad. Vieux mot, qui signifioit autrefois