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BIE - BIF

del, & Courtois, parlent ainsi de la bière. La bière, dit Cornelius Tacitus, de Morib. Germ. cette triste boisson faite de houblon, d’orge ou de froment corrompu, & d’eau gâtée, souvent même tirée des marres, n’a pas été plutôt inventée, qu’elle a été condamnée par Dioscoride, Galie, & les autres Médecins, & par les hommes les plus éclairés. Tous l’accusent de nuire à la tête, aux nerfs & aux parties membraneuses, d’engendrer un très-mauvais suc, de causer une ivresse plus longue & plus fâcheuse que celle du vin, & tantôt la difficulté, la suppression d’urine, quelquefois aussi la ladrerie. D’autres Médecins la défendirent, & entr’autres Messieurs Perrault & Raissant, qui disent, entr’autres choses dans leurs avis : le bruit que la bière a d’être faite avec de l’arsenic, n’est fondé que sur une équivoque de la langue Flamande, dans laquelle Batten Bruick signifie tout ensemble la nourriture & le poison des rats ; c’est-à-dire, le grain dont on fait la bière, que les rats aiment, & l’arsenic qui les tue. Le houblon aussi n’est point une plante malfaisante ; au contraire, tous les Médecins le louent de la propriété qu’il a de purifier le sang, & d’ôter les obstructions ; c’est pourquoi il a été ajouté à la bière, pour corriger les vices dont on accusoit celle des anciens, qui étoit différente de la nôtre, parce qu’elle étoit sans houblon.

Dans les Coutumes de Flandre, on appelle ban de bière, un impôt qu’on leve sur la bière, ou bierbank, qui signifie aussi taverne.

Bière. On appelle bière de Mars, la bière brassée dans le mois de Mars. Acad. Fr.

On dit proverbialement d’un portail mal fait ou ridicule, que c’est une enseigne à bière. Les ivrognes disent aussi qu’ils ne veulent point mettre leurs corps en bière ; pour dire, boire de la bière au lieu de vin.

Ce mot vient de l’allemand bier, signifiant la même chose, que Vossius dérive du latin bibere. Plusieurs autres le dérivent de l’hébreu bar, qui signifie blé dont on le fait ; d’autre de bion, dont Pline fait mention en parlant de breuvage. Le P. Pezron dit que bière, est un mot celtique, dont vient l’allemand berie ou berrie, non pas bier.

☞ BIETALA. Ville de la grande Tartarie, sur les frontières du Royaume de Barantola. C’est la résidence ordinaire du grand Lama, ou Pontife des Tartares.

☞ BIETIGKHEIM. Ville d’Allemagne, en Suabe, dans le Wurtenberg.

☞ BIETTE. Petite rivière de France, dans l’Artois, qui perd son nom dans le Lis. M. de l’Isle la nomme Clarence, & Robec, après qu’elle est jointe à la Nave.

BIÈVRE. s. m. Espèce de loutre & de castor, qui vit dans l’eau & sur terre. Castor, fiber. Cet animal est couvert d’une peau pleine de poils mous & drus. il a la tête semblable à un rat. Ses yeux, sa langue & ses dents, ressemblent aux yeux, à la langue & aux dents, d’un cochon. Son museau ressemble à celui d’un barbet : ses pieds de devant sont semblables à ceux d’un singe, ses pieds de derrière à ceux d’une oie. Le bièvre a au-deçà & au-delà de ses parties naturelles deux tumeurs, de la liqueur desquelles on se sert en Médecine. On prend des bièvres dans la province de Batta, dans la basse-Ethiopie, & leur peau est si chère, qu’elle est du prix d’un esclave ; c’est pourquoi personne n’en porte que par la permission du Roi. Dapper.

Bièvre, est aussi un oiseau de rivière, gros comme une moyenne oie sauvage. Il a le bec long, menu, dentelé, crochu par le bout, & semblable à celui de la piette de mer. Il a une crête sur le cou, la tête grosse & de couleur fauve, & le dessus du dos cendré, tirant sur la couleur plombée. Son ventre est presque blanc, & ses pieds rougeâtres. Ses yeux ne sont pas grands, ses ailes petites, eu égard à la grosseur de son corps ; elles ont une ligne blanche qui les traverse : son bec est long de trois doigts, rouge par-dessous & brun par-dessus. L’on y voit deux trous qui servent à la respiration. Sa queue est ronde comme celle des oiseaux de rivière. Il fait son nid sur les arbres & parmi les rochers. Il a une cavité ou bourse dans le corps, composée de membranes. Elle sert à conserver l’air ; c’est une partie qui est particulière aux oiseaux qui plongent. L’on ne fait pas grand cas de la bonté & de la délicatesse de sa chair. On le nomme en latin mergorum maxima. On le nomme bièvre en françois, parce qu’il est du naturel de l’animal amphibie nommé bièvre, qui fait grand dégat de poisson.

Menage dérive ce mot de bebrus, que les Latin des bas siècles ont dit pour fiber, aussi-bien que baver & beveron. Les Anglois & les Allemands l’appellent bever, les Anglo-Saxons befer. Voyez Castor.

BIÈVRE. Bivara. Petite rivière qui passe à Paris, & qui y sert aux belles teintures de la manufacture des Gobelins. Les eaux de la Bièvre ont des qualités singulières pour les teintures, sur-tout pour celle de l’écarlate. Cette rivière a été nommée Gobelin, d’un Jean Gobelin qui demeuroit sur ses bords. T. Corn. On la nomme aujourd’hui communément la rivière des Gobelins, ☞ & de Gentilly. Après avoir coulé dans les terres de chevreuse, elle passe au Pant-Antoni, Arcueil, à Gentilly, aux fauxbourgs de la porte S. Bernard. Elle entroit autrefois par des canaux dans la ville, & passoit sous la rue de Bièvre. Elle est sujette à des inondations qui ont fait quelquefois de grands ravages.

BIEZ. s. m. Canal qui renferme & conduit des eaux pour les faire tomber sur la roue d’un moulin, & les arrière-biez font les biez qui sont au-delà en remontant. Le biez d’un moulin. On disoit autrefois bier : ce qui a fait croire à quelques-uns que ce mot venoit de bière, parce que le biez en a la figure.

Du Cange dérive ce nom de bedale, qu’on a dit dans la basse latinité en la même signification. Je crois qu’il vient de via aquæ, comme étant un conduit d’eau, en lui donnant la prononciation gasconne.

BIF.

BIFFAGE. s. m. Vieux mot, qui veut dire examen : il se dit des comptes. Biffage des comptes. Examen rationum.

☞ BIFFERÆ PLANTÆ, en Botanique, sont celles qui fleurissent & fructifient deux fois chaque année.

BIFFE. s. f. Fausse apparence. Il voit que ce n’est que biffe & piperie. Ce mot signifie proprement une pierre fausse selon Nicot. Montagne, liv. I de ses Essais, chap. 42, & M. Coste, notes 12 & 13 sur ce ch. Je ne sais pas dans quelle édition de Nicot M. Coste a trouvé biffe : il n’est point dans celle de Paris in-fol 1606, c’est apparemment dans le Nicot augmenté par de Brosse, & publié pour la première fois en 1614, le même qu’il cite en sa 14e note sur le 2e chap. du 3e liv. au sujet de macheure, tache, contusion, meurtrissure. Ce n’est pas macheure, (on a mis macule dans l’édit. de Paris in-12, 1659, to. III, p. 47.) c’est plutôt, dit Montagne, une teinture universelle qu’une tache. La Noue, dans son Dictionnaire des rimes, p. 46, col. 2, explique aussi biffe au propre par hapelourde, faux diamant. Cotgrave dit de même, que biffe est une pierre précieuse contrefaite.

☞ v. a. Rayer, effacer une écriture, en sorte qu’on ne la puisse plus lire. delere. C’est particulièrement un terme de Palais. L’arrêt porte que telles paroles seront biffées d’un tel écrit. Biffer une clause d’un testament. Quand les emprisonnemens sont déclarés injurieux, on ordonne que l’écrou sera rayé & biffé.

Biffer, se dit aussi en matière de comptes. Biffer un article. On le dit aussi métaphoriquement de quelque ouvrage que l’on défait, que l’on rompt, que l’on déchire. Ainsi un poëte a dit d’un ouvrage de tapisserie, ou de broderie :

Coups de ciseaux au travers de l’ouvrage,
De mon labeur effacèrent les traits ;

Point ni resta, qi ne reçût outrage ;
Tout fut biffé. Jugez de mes regrets.

Nouv. choix d. p. d. p.

BIFFÉ, ÉE. part. Écriture biffée, écrou rayé & biffé. Deletus.