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BOI

vous pourrez prétendre. On dit ne savoir de quel bois faire flèche ; pour dire, être réduit au petit pied, être si misérable, qu’on ne sait où, ni comment subsister. On dit d’une chair dure, ou trop cuite, qu’elle est sèche, dure comme du bois, que c’est du bois. On dit bassement d’un visage pâle, défait, d’une mauvaise mine, que c’est un visage de bois flotté. Tu mets bien du bois au feu tout d’un coup, pour dire, tu proposes bien des choses, bien de la matière tout d’un coup. Mascur. Il ne faut pas mettre son doigt entre le bois & l’écorce ; pour dire, qu’il ne faut pas s’ingérer mal-à-propos dans les différens des personnes naturellement unies. Trouver visage de bois, pour dire, trouver la porte fermée, ne trouver personne. A gens de village trompette de bois, pour dire, qu’à des gens de peu ou de mauvais goût, il ne faut pas des choses bien délicates, bien exquises. On dit au propre, tout bois vaut bûche ; pour dire, qu’il n’importe pas si c’est du menu ou du gros, pourvu qu’on se chauffe. On le dit aussi au figuré, pour dire, que lorsqu’on n’a pas les choses propres, on y substitue ce que l’on peut & ce qu’on trouve.

Marot a dit proverbialement :

Non que ce soit de piquer ma coutume,
Mais il n’est bois si vert qui ne s’allume.

On dit dans le droit, le boi acquiert le plain. Loisel. M. Chaline explique ainsi cette espèce d’axiome, la terre qui est demeurée sans culture pendant l’espace de trente ans, appartient au Seigneur Haut-Justicier à cause de sa forêt banale y joignante, s’il n’y a séparation entre la forêt & le plain, par bornes, murs, fossés, ou autres marques.

Bois d’aigle. s. m. C’est un bois compact, dur, pesant, de couleur grise, brune ou noirâtre, résineux, rendant, quand on l’approche du feu, ou qu’on le brûle, une odeur suave. On le tire d’un arbre des Indes, semblable à un olivier, mais plus grand. Quelques-uns prétendent que c’est de ce même arbre dont on tire l’aloès, & que le bois d’aigle est le premier qu’on trouve sous l’écorce. Ces deux bois diffèrent pourtant fort en goût ; car le bois d’aloès est amer, & le bois d’aigle ne l’est point. Ce dernier a un goût assez insipide dans le commencement qu’on le mâche, mais on sent sur la fin une légère âcreté. Il est fort rare en Europe, parce que les Cochinchinois chez qui il croît, sont gens barbares & d’un très-difficile commerce. Ils l’emploient à faire des armes, & plusieurs autres petits ouvrages. Ils s’en servent aussi en Médecine contre les maladies contagieuses, pour fortifier le cerveau, le cœur & l’estomac. Ils le font brûler dans des lieux bien fermés, & en reçoivent la fumée bien précieusement, comme une fumigation salutaire pour tout le corps. Il les fait suer, & ramine leurs esprits.

Bois amer, espèce de bois qui vient dans les Îles, à qui l’on a donné ce nom, à cause de son amertume, qui est si grande, qu’elle se communique à tout ce qu’on fait cuire à son feu, soit dans la marmite, à la broche, ou sur le gril. Il y en a de plus de deux pieds de diamètre. Son écorne est brune, hachée & fort épaisse. Le bois est d’un jaune clair, qui devient presque blanc en séchant. Quoiqu’on puisse s’en servir à faire du feu, il est excellent à faire des lattes ou des planches minces pour clouer l’ardoise, parce qu’il est fort léger, & qu’il n’est jamais attaqué des insectes. Le P. Labat.

Bois caribe. Le bois caribe est un des arbres de l’Amérique dont on se sert à faire les grosses charpentes, comme les poutres, les solives, les sablières, les faîtes, les poinçons, &c. Il n’est pas des plus gros, à peine en voit-on atteindre quatorze pouces d’équarrissage ; mais il est fort & roide, & il faut qu’il plie beaucoup avant que de rompre. Sa feuille est presque ronde, rougeâtre & comme si elle étoit un peu brûlée, dure & cassante. Son écorce se lève par longs filets, comme des cordes. Elle est mince, paroît toujours sèche, & n’est nullement adhérente. Il est difficile de distinguer l’aubier du reste du bois. Ses fibres sont si longues, que d’une bille de cinq ou six pieds, on en peut tirer des filets de toute cette longueur. Ce bois est de couleur de chair, quand on le coupe, mais en séchant il devient blanchâtre. Cet arbres vient assez grand, mais il a peu de branches, qui ne viennent qu’au sommet, ensorte qu’on en voit de plus de quarante pieds de tige, & fort droits. Il ne fait, dit le P. Labat, se servir de ce bois qu’à couvert, parce qu’il s’échauffe facilement à l’air, & dure peu.

Bois de chandelle. Les habitans de l’Île de la Tortue font des flambeaux de bois de Santal jaune, qu’ils fendent par éclats. Ce bois rend une flamme fort claire, quoiqu’il soit vert. C’est pourquoi ils le nomment bois de chandelle. Oexm. On l’appelle aussi bois de citron à cause de son odeur, & bois de Jasmin, à cause des fleurs, qui ressemblent à celles de Jasmin.

Bois à euïvter. Espèce de bois dont les Insulaires de l’Amérique se servent pour enivrer les rivières, ou plutôt le poisson qui est dedans. Sa propriété lui a fait donner ce nom, & il n’en a point d’autre. Il n’a que cinq ou six pieds de hauteur, & l’on en voit peu qui aillent jusqu’à dix. Ce bois est assez dur, mais il est tortu & mal fait : son écorce est rude, brune & épaisse ; il est assez branchu & fort chargé de feuilles approchantes, pour la figure, de celles des pois communs ; elles sont épaisses, cotonnées & d’un vert foncé, & tiennent trois à trois, attachées à la même queue. On prend de l’écorce de cet arbre, & principalement de ses racines : on la pile avec ses feuilles & de la chaux, & voilà la composition dont on enivre le poisson, que l’on prend ensuite à la main.

Le bois de Fustet, ou Fustel, comme on dit ordinairement, est la racine & le tronc d’un arbrisseau qui vient en Provence & en Italie ; Pline l’appelle cotinus. Il est d’une couleur jaune, il sert à teindre en couleur de café & de feuille morte ; Les Ebénistes s’en servent aussi.

Le bois jaune, ou le bois d’Angleterre, ainsi appelé, parce que nous le tirons d’Angleterre, est un bois étranger de couleur qui sert aux Teinturiers & aux Ebénistes.

Bois lézard. s. m. On donne le nom de bois lézard dans les Îles à une espèce d’arbre de charpenterie, où le lézard se retire lorsqu’il est creux, ce qui arrive assez souvent. Sa feuille est petite & longuette, mince & fort adhérente, quand l’arbre est sur pied ; mais elle se détache facilement, & s’enroule quand l’arbre est abattu. Le bois en est brun, & plus on approche du cœur, & plus il se charge de couleur avec des teintes de différentes nuances. L’aubier en est gris & presque aussi bon que le cœur. Il a les fibres longues, fines & fort serrées. Il est fort, & ne se gâte ni dans l’eau, ni à l’air, ni dans la terre. On fait de l’aissis ou du bardeau de ses branches, qui dure plus de quarante ans. Il se travaille assez facilement avec la hache, mais on a plus de peine à le scier, à cause d’une matière gommeuse dont il est rempli, qui engorge la scie. C’est cette matière qui est amère, qui le préserve des vers & des poux de bois, jusquà ce qu’il ait servi plusieurs années. Cet arbre s’appelle à la Guadeloupe bois d’agouti, à cause que cet animal s’y retire quand il est creux, comme fait le lézard dans les autres Îles. Mes Paroissiens me fournissent chacun une quantité de palissades de bois lézard, pour faire la clôture de mon jardin. Le P. Labat.

Le bois de sainte Lucie vient de Lorraine : il est d’un gris rougeâtre, dur, & médiocrement pesant : son odeur agréable, qui augmente à mesure qu’il vieillit, le fait recherche pour les ouvrages de marqueterie. Voyez Cerisier.

Le bois de Calembouc est verdâtre, il a une très-bonne odeur ; on s’en sert pour plusieurs petits ouvrages : les Barbiers en font bouillir dans l’eau dont ils se servent quand ils font la barbe.

Le bois violet ne sert que pour les ouvrages de marqueterie. Il y en a de deux sortes ; celui qu’on connoît sous le nom de bois violet, & un autre qui est d’une couleur rougeâtre tirant sur le violet ; les Hollandois l’appellent letterhout.

Le bois d’ébène, si connu par les ouvrages qu’on en fait, & par quelques remèdes qu’on en tire, est de