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BOR

& condition de fournir le Maître de volailles & d’œufs. Il est probable que le même nom a été en usage en France, & que c’est de-là que vient à plusieurs familles leur nom de Bordier.

Borde. Terme de Marine. Commandement aux matelots rangés sur les écoutes des voiles, pour leur dire de border ou de tendre la voile au vent.

BORDÉ. s. m. Galon d’or, d’argent, ou de soie, qui sert à border des habits, des meubles, &c. Lacinia aurea, argentea, serica. Le bordé de cette veste n’est pas assez large.

BORDEAU. s. m. Lieu de débauche. Synonyme de bordel.

Et le plus saint d’entre eux, sauf le droit de cordeau
Vivoit au cabaret pour mourir au bordeau.

Ce mot est vieux : il vient de borde, parce que les femmes de mauvaise vie étoient logées dans de petites maisons. D’autres croient que ce mot vient de bord & eau, parce que ces maisons étoient autrefois le long de l’eau.

BORDEAUX. Voyez Bourdeaux.

BORDÉE, s. f. ☞ Terme de Marine, qui signifie la décharge de toutes les pièces de canon rangées d’un des côtés du vaisseau. Disposita in utroque navigii latere tonnenta. Ce Capitaine lâcha sa bordée contre l’ennemi. Tirer une bordée, c’est tirer tout le canon, d’un bord. Essuyer une bordée.

☞ On dit au figuré, dans le style familier, une bordée d’injures, ou simplement une bordée ; pour dire, une tirade de paroles injurieuses. Il lui a lâché une bordée d’injures, une bordée, une furieuse bordée.

Bordée, signifie aussi le cours d’un vaisseau depuis un revirement jusqu’à l’autre. La nuit, le vent étant à l’Est, j’ai continué ma bordée tirant à la côte d’Espagne. M. Le Comte de Toulouse. Ce vaisseau a fait son voyage tout d’une bordée sans revirer. Quand on est obligé de louvoyer, il faut courir plusieurs bordées, revirer souvent. Faire la grande bordée, c’est le terme dont on se sert dans une rade, lorsqu’on y veut faire le quart de mer. Faire la petite bordée, c’est lorsqu’on partage le quart en deux portions.

BORDEGER. v. n. Voyez Bordayer, c’est la même chose.

BORDEL. s. m. Lieu de débauche où les femmes se prostituent. Lustrum, lupanar. Les bordels publics ont été abolis du temps de François I. Ils ont subsisté à Madrid jusqu’à l’année 1627. Il y avoir autrefois à Paris plusieurs endroits assignés à la demeure des femmes de débauche, où elles étoient maintenues par autorité de Justice. Ainsi on disoit le bordel de Glatigni, du Heuleu, &c. On a appelé à Paris autrefois la porte bordel, celle qu’on nomme maintenant la porte S. Marcel. Il y a apparence qu’on a confondu ici la porte aujourd’hui nommée Porte-Baudet (tout à l’opposite de celle de S. Marcel,) que l’on nommoit autrefois la Porte-Baudel, du nom latin S. Baudilii.

Etienne Guichard dérive ce mot de l’hébreu פרד, parad, auquel il donne une signification qu’on ne lui trouve nulle part ; car il l’interprète scortari ut mulus, facere opus muli qui non generat, coire eo pacto ; parce que פרד, pered dérivé de parad, signifie un Mulet. Il prétend donc que de-là s’est fait bourdeau en françois, que l’on disoit apparemment de son temps, & burdel en espagnol, bordeel en flamand, bordello en italien, le פ ou p hébreu s’étant changé en b. Or, continue-t-il, comme du mot פרד, pered, exposé mulus, פרד, parad, a été exposé scortari, ainsi on a abusé en françois du mot qui se dit des chevaux au sens de coïre ; en quoi l’on reconnoît la conformité des langues, ès mots dérivés par mêmes similitudes. Ainsi les femmes de mauvaise vie étoient appelées πῶλοι Ἀφροδίτης, pulli Veneris, & du mot ἵππος, equus, a été fait ἱπποπόρνη, meretrix, ἱπποϐίνος, qui meretrico amore debacchatur ; & de פרד, parad, πόρνη, a pris son origine en grec, pour πόρδη, ד étant converti en ν.

Ce nom est composé, selon quelques-autres, du nom bord, & de celui d’eau, à cause que les femmes débauchées étoient autrefois placées proches des fleuves. Selon d’autres, il vient du saxon bord que les François avoient conservé, & qui signifioit loge, ou maisonnette, de même que les Romains nommoient ces lieux fornices, petites voûtes, parce qu’en effet c’étoit leur véritable forme. De la Mare.

☞ Au reste ce terme grossier n’est pas tolérable. Regnier & beaucoup d’autres l’ont employé sans scrupule. Corneille l’employa dans un rondeau qu’il fit dans le temps d’un différent qu’il eut avec Scuderi, au sujet des observations sur le Cid. Boileau même, dans le siècle des bienséances, souilla son chef-d’œuvre de l’art poétique par ces deux vers dans lesquels il caractérisoit Régnier, & tomboit lui-même dans le défaut qu’il lui reprochoit.

Heureux, si moins hardi dans ses vers pleins de sel,
Il n’eût jamais mené les Muses au bordel.

☞ M. Arnaud l’obligea de réformer ces deux vers, auxquels il substitua ces deux vers excellens:

Heureux si ses discours craints du chaste Lecteur,
Ne se sentoient des lieux que fréquentoit l’Auteur.

Aujourd’hui on n’oseroit ni l’écrire ni le prononcer.

BORDELAGE. s. m. Voyez Bourdelage.

BORDELIER. s. m. Débauché, qui hante les femmes de mauvaise vie. Ganeo, scortator. Il est vieux.

Bordelier, est aussi le nom qu’on donne à un Seigneur à qui on paye le droit de bordelage. Voyez Bourdelage.

BORDELIÈRE. s. f. C’est le nom d’un petit poisson de rivière ou de lac, qu’Aldrovandus nomme en latin, Ballerus. Sa tête est courte, il n’a ni dents, ni langue ; mais les os de sa mâchoire sont durs. Son corps est couvert de petites écailles minces, de couleur noirâtre. Il se tient toujours au bord de l’eau, ce qui lui a fait donner le nom de Bordelière. La Bordelière est bonne à manger. Lémery.

BORDEMENT. s. m. Terme de Peinture en émail. Il le dit de la manière d’employer les émaux clairs, en les couchant à plat, bordés du même métal sur lequel on les applique. Les ouvrages sans bordement sont ceux qui sont tout en champ d’émail.

BORDER. v. a. Mettre un bord, garnir l’extrémité d’une chose, d’un habillement, d’un meuble, &c. en y cousant un ruban, un galon ou quelqu’autre chose. Prætexere, circumdare. Border une jupe d’un ruban. On borde un chapeau d’un galon d’or. Border un mantelet d’hermines. Border un filet, c’est attacher avec du fil de trois ou quatre pouces une corde autour du filet, pour le rendre plus fort.

Border, se dit par extension de ce qui s’étend le long de certaines choses, & leur sert comme de bord. Une rivière est bordée d’arbres. Les chemins sont bordés de monde. Les quais bordent la rivière. Un lieu est bordé de précipices, pour dire, qu’il en est entouré.

☞ On dit en termes de Jardinage, border une allée ; pour dire, planter une bordure de buis, ou de quelqu’autre chose de cette nature, dans un parterre, pour séparer la planche, ou plate-bande des carreaux, d’avec l’allée.

☞ On dit aussi border une planche, une plate-bande. C’est relever un peu la terre au bord d’une planche, ou y mettre une bordure.

Border. Terme de peinture. C’est coucher une couleur plus claire ou plus brune sur le fond du tableau, autour des figures ou autres objets, pour en détacher les contours.

Border la haie. Terme de l’Art Militaire. Disposer plusieurs rangs ou files, sur une ou plusieurs lignes droites marquées.

Border, en termes de Marine, a plusieurs acceptions. On le dit dans le sens de côtoyer, marcher le long des Côtes. Notre Vaisseau ne fit que border la Côte. Oram legere.

On dit border un Vaisseau ennemi, pour dire, le