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CAR

d’une figure humaine d’un tableau par le coloris. Il s’étend à toutes les parties d’un tableau en général qui représentent de la chair, qui sont nues & sans draperie. Nuda corporis cutis nativis coloribus expressa. Le Titien & le Corrège en Italie, & Rubens & Van Dyk en Flandres, ont excellé dans les carnations. Il faut remarquer sur ce mot de carnation, qu’il ne se dit point de chaque partie d’une figure considérée en particulier. Ce seroit mal parler, par exemple, que de dire, ce bras, cette cuisse est d’une telle carnation ; mais l’on diroit cette figure est d’une belle carnation ; ce peintre excelle dans les carnations : & quand il s’agit d’une partie seulement, quelques-uns disent : ce bras, cette cuisse est bien de chair ; mais comme cette façon de parler, bien de chair, exprime le tendre & la mollesse des chairs en général, & se dit également des mollesses de chair exprimées dans un dessein, c’est-à-dire, de toutes les parties nues d’une figure simplement dessinée, quoi qu’il n’y soit pas question de la beauté des carnations, on lui a substitue celle de belle chair. Ainsi l’on dit aujourd’hui, ce bras est de belle chair, d’une belle chair, & non pas, bien de chair.

Mais en parlant des parties plus délicates & plus colorées, comme les joues & la bouche, il faut dire : ces joues, cette bouche, sont d’une belle carnation, et non pas de belle chair. Dict. de Peint. et d’Arch.

On le dit aussi en termes de Blason, des parties nues du corps peintes au naturel : & particulièrement du visage, des mains & des pieds. D’argent, à la tête de carnation.

CARNAU. s. m. Nom que donnent les Matelots à sangle de la voile latine qui est vers la proue.

CARNAVAL. s. m. Temps de réjouissance qui se compte depuis les Rois jusqu’au Carême. Bacchanalia, geniales ante quadragenarium jejunium dies. Les bals, les festins, les mariages, se font principalement dans le Carnaval. On va de tous côtés à Venise pour y passer le Carnaval.

Ce mot vient de l’italien carnavale. Ménage. Mais Du Cange dit qu’il vient de car-à-val, parce que la chair s’en va ; ou plutôt de Carn-aval, parce qu’on mange alors beaucoup de viande, pour se dédommager de l’abstinence où l’on doit vivre ensuite. Il dit en conséquence que dans la basse latinité on l’a appellé carnelevamen, carnisprivium ; & les Espagnols, carnes tollendas.

CARNE. s. f. Angle ou pointe solide, composée de plusieurs superficies inclinées l’une vers l’autre. Angulus. Il s’est blessé contre la carne de cette table, de cette cheminée, de cette pierre.

CARNE ou CARNA ou CARDINEA. s. f. Terme de Mythologie. Nom d’une Déesse révérée chez les Romains. Carna. Elle présidoit aux gonds des portes, cardinibus, comme il paroît par le VIe Livre des Fastes d’Ovide, V. 101, & c’étoit la même qui se nommoit aussi Cardinea, Voyez ce mot. Elle est aussi nommée Cardea par S. Augustin ; mais il ne faut pas la confondre, comme on fait communément, avec Carda, ou Cardea, autre Déesse. Voyez ces mots. Plusieurs néanmoins les confondent, & appellent aussi Carna, ou Carne, la Déesse qui présidoit à la chair & aux parties nobles de l’homme. C’est ainsi que l’appelle Efossius, de Idol. Lib. IV, cap. p. 47. On ne lui sacrifioit point de poisson ; on ne lui offroit que de la bouillie faite de farine de fèves, & du lard. Voyez Cardan, & Vigénere sur Tite-Live, Tome I, p. 1166, où il dit qu’elle fut d’abord appelée crane, ce que je ne trouve point ailleurs ; que ce fut une Nymphe qui hantoit les forêts & les chasses ; corrompant tous les jeunes gens qui s’adressoient à elle ; que Janus pour récompense lui donna le privilège d’ouvrir & fermer, aussi-bien que lui, la commettant sur les gonds des portes, qui s’appellent en Latin cardines, dont elle avoit pris sa seconde dénomination.

CARNÉ. s. f. Fille d’Ebulus, fut une des maîtresses de Jupiter, dont elle eut Britomattis.

CARNÉ, ÉE. adj. Terme de Fleuriste. Qui est de couleur de chair vive. Color ad nativam corporis cutem accedens. Anémone carnée. Fleur nuée de carné. La plupart de mes œillets sont carnés. Liger.

CARNEA GROSSA. s. f. Terme de Fleuriste. Anémone à peluche, toute de couleur de chair en incarnat ; sa peluche est assez large. Elle a été élevée en Italie. Morin.

CARNEAU. Voyez Creneau.

CARNÉEN ou CARNIEN. s. m. Carnius, Carneus, Κάρνειος (Karneios), en grec. Epithète que les Grecs donnoient à Apollon, sans qu’on sache trop pourquoi ; Hésichius dit que c’est peut-être à cause de Carnus, fils de Jupiter & d’Europe, (voyez plus bas Carniennes & Carnus) ou selon le Scholiaste de Pindare, απὸ τῶν Κὰρνων, ἤνᴕν ϖρόβατων (apo tôn Karnôn, ênoun probatôn), du mot grec Κὰρνος (Karnos), qui signifie brebis, peut-être parce qu’Apollon, pendant son exil du Ciel, eut soin des troupeaux d’Admète. Mais après tout ce n’est qu’une fable, & peut-être Καρνειος (Karneios), Carnien, ne signifie-t-il dans son origine autre chose que rayonnant, de l’hébreu ou du phénicien קרן, Keren, corne, qui se dit aussi des rayons, comme il est clair par ceux qui sortoient du front de Moïse. Cependant le sentiment commun & le plus probable est que ce fut à cause de Carnus, ou des fêtes Carniennes. Voyez ces mots.

CARNÉES. s. f. pl. Voyez Carniennes.

CARNEL. s. m. Vieux mot, qui veut dire créneau. De carnel, on a fait carneau, puis créneau.

CARNELE. s. f. Bordure d’espèce de monnoie paroissant autour du cordon qui ferme la légende. Conspicuus nummi limbus, eminens nummi margo.

CARNELER. v. a. Faire la carnèle. Nummum suo limbo circumcingere.

CARNELÉ. Terme de Blason. Linnatus.

CARNER. V. n. Terme de Fleuriste. Prendre une couleur de chair. Tirer sur la couleur de chair. Subrubrum colorem induere. Voilà un blanc qui carne trop. Liger. C’est un défaut dans l’œillet.

Ce terme vient de caro, carnis, chair.

CARNES. Terme de jeu de Tritrac. C’est la même chose que Carmes, qui est plus usité. Voyez ce mot. On écrit aussi Quarnes.

CARNET. s. m. Terme de Négoce. C’est un petit livre que tient un marchand de toutes ses dettes passives, & du jour qu’elles doivent être payées, qui est un extrait de son livre d’achat, afin de ne pas manquer d’argent dans les payemens, & au temps de la morte-vente. Commentariolum exigendi suis temporibus debiti, ou codex.

CARNIEN. Voyez Carnéen.

CARNIENNES. adj. f. Terme de Mythologie. Les Fêtes Carniennes. Carnia, carnea, en grec Καρνέια (Karneia). Sous le regne de Codrus les Héraclides marchant dans l’Ætolie contre les Athéniens d’Acarnanie, un devin nommé Carnus leur apparut, & leur prédit ce qui leur arriveroit. Ils le prirent pour un Magicien ; & Hippotès l’un d’eux, fils d’Alès, le perça d’une flèche & le tua. La peste se mit aussitôt dans leur armée ; on attribua ce malheur à la mort du devin Acarnanien. Hippotès s’exila : on résolut d’appaiser Carnus, & à ce dessein on institua les fêtes carniennes à l’honneur d’Apollon, lesquelles se célébroient chez les Lacédémoniens avec quelques cérémonies militaires, parce qu’elles furent instituées dans un camp. Ensuite pendant la XXVIe Olympiade, on y ajouta un prix de Musique. Pausanias, L. III. Apollodore, L. II. Eusèbe, de la Prépar. Liv. V, ch. 20.

CARNIES. s. pl. Carnia. Jeux institués en l’honneur d’Apollon. Athénée en parle. C’est la même chose que carniennes dont on vient de parler.

CARNIFICATION. s. f. Terme de Médecine. Changement des os en chair. La carnification, est plus rare que l’ossification : c’est-à-dire, qu’on voit bien plus souvent la chair se convertir en os, que les os