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laissant aller l’autre main en bas. Celles qui portoient des paniers ou corbeilles se nommoient Caniferæ, Cistiferæ. Il y a des Caryatides qui finissent en gaines.

CARYATIS. s. f. Surnom de Diane, en l’honneur de laquelle les jeunes filles de la Laconie s’assembloient dans le temps de la récolte des noix, & célébroient une tête appelée Caryes.

CARYBDES & CARYBDIS, ou CHARYBDE & CHARYBDIS. Nom d’un gouffre du détroit de Messine, vis-à-vis du rocher appelé Scylla. Cluvier le décrit, Sicil. Ant. p. 64 & suiv. Ce lieu s’appelle aujourd’hui Capi di faro, ou Capo faro, à cause d’un phare qu’on a placé là. Les Poëtes feignent que Carybde étoit une femme, grande laronnesse, qui déroba les bœufs d’Hercule, & que Jupiter en punition de ce larcin frapa de la foudre, & changea en ce gouffre, qui attire encore & qui engloutit tout. Les eaux de ce gouffre tantôt bouillent comme les eaux sur le feu ; tantôt elles sont agitées violemment en tourbillon, & alors elles absorbent infailliblement les vaisseaux qui y passent. On s’en tire plus aisément quand elles ne font que bouillonner. Une longue expérience a appris que jamais les bouillonnemens ne sont plus violens que lorsque le nord-est souffle. Alors le gouffre pousse les eaux avec violence en l’air, & en forme de colonne. Frédéric, Roi de Sicile, fit descendre dans ce gouffre un fameux plongeur, que l’on nommoit Nicolas Pescecola ou poisson à cause de son habileté à nager & à plonger. Il rapporta 1° Qu’il avoit senti l’eau sortir du fond avec tant d’impétuosité, qu’il n’étoit pas possible à un homme d’y résister ; qu’ainsi il avoit été obligé de prendre des détours pour y arriver. 2°. Qu’il y avoit trouvé un grand nombre de rochers. 3°. Des Euripes ou des courans très-violens contraires les uns aux autres, & très-dangereux. 4°. De très-grands troupeaux de poissons appelés Polipes, plus grands que des hommes, & qui avoient de longs cheveux ou filamens dont ils auroient infailliblement tué un homme qu’ils en eussent entouré. 5°. Une infinité de grands chiens marins, carchariæ, qui avoient trois rangs de dents très-afilées qui les rendoient terribles. Ce Plongeur étant retourné une seconde fois dans ce gouffre, par l’espérance de la récompense que le Roi lui promit, il y périt, & ne reparut plus. Voyez le P. Kirker, Mundus subt. L. II, c. 15 & 16.

Les Poëtes ont beaucoup parlé de Scylla & de Carybdis ; & on dit en latin qu’un homme est tombé de Carybde en Scylla ; pour dire, qu’en voulant éviter un danger, il est tombé dans un plus grand.

Incidit in Scyllam cupiens vitare Carybdim.

C’est ainsi que le plus souvent,
Quand on pense sortir d’une mauvaise affaire,
On s’enfonce plus avant :
Témoin ce couple, & son salaire.
La Vielle au lieu du coq les fit tomber par là,
de Carybde en Scylla.

La Font. Fab. 6, liv. 5.

Bochart, dans son Chanaan, ou Liv. II de la Géographie sacrée, tire son origine de l’hébreu, ou phénicien, חור אבדן, hhor obdan ; c’est-à-dire, foramen perditionis, Trou ou gouffre de perdition, & veut par conséquent que ce soient les Phéniciens qui aient donné ce nom à cet endroit du détroit de Messine.

CARYE. s. f. Caria. Ville de la Laconie dans le Péloponèse, qui fut détruite par les Grecs, pour avoir pris le parti des Perses contre la Grèce. Etienne le Géog. Vitruve, Liv. I, c. 1.

CARYES. s. m. pl. Fêtes en l’honneur de Diane Caryatis.

CARYOCOSTINUM. s. m. Terme de Pharmacie. C’est un électuaire purgatif qui prend son nom des girofles, appelés en latin caryophilli, &c du costus, lesquels entrent dans sa composition. Il est bon pour les gouttes bilieuses.

CARYOPHYLLATA. s. f. Plante. Voyez Benoîte.

CAS.

CAS. s. m. Accident, événement fortuit. Casus. Personne n’est responsable des cas fortuits. Les orages, les tremblemens de terre, sont des cas fortuits que la prudence humaine ne peut prévoir, & auxquels on ne peut résister.

Ce mot vient du latin casus, de cado.

☞ Le Dict. de l’Acad. Fr. dit cas, accident, avanture, conjoncture, occasion. Ces mots ne doivent point être confondus, ni pris indifféremment l’un pour l’autre.

Occasion, selon M. l’Abbé Girard, se dit pour l’arrivée de quelque chose de nouveau, soit que cela se présente, ou qu’on le cherche, & dans un sens indéterminé, pour le temps comme pour l’objet. Occurrence se dit uniquement pour ce qui arrive sans qu’on le cherche, & avec un rapport fixé au temps présent. Conjoncture sert à marquer la situation qui provient d’un concours d’événemens, d’affaires ou d’intérêts. Cas s’emploie pour indiquer le fond de l’affaire, avec un rapport singulier à l’espèce & à la particularité de la chose. Circonstance ne porte que l’idée d’un accompagnement, ou d’une chose accessoire à une autre qui est la principale.

On connoît les gens dans l’occasion. Il faut se comporter selon l’occurrence des temps. Ce sont ordinairement les conjonctures qui déterminent au parti qu’on prend. Est-il des cas où la raison défend de consulter la vertu ? La diversité des circonstances fait que le même homme pense différemment sur la même chose.

Quoique tous ces mots s’unissent assez indifféremment avec les mêmes épithètes, il semble pourtant qu’ils en affectent quelques-unes en propre. On dit quelquefois avec choix, une belle occasion, une occurrence favorable, une conjoncture avantageuse, un cas pressant, une circonstance délicate ; & l’on ne diroit pas une occasion heureuse, une occurrence délicate, une belle conjoncture, un cas avantageux, une circonstance pressante.

Cas signifie aussi matière, fait, condition stipulée qui s’exécute, lorsqu’il arrive une chose qu’on prévoit qui peut arriver. Dans les contrats on se précautionne selon les divers cas, comme en cas de guerre, de perte, de stérilité : en cas de mort, en cas de récidive, le cas avenant qu’on soit dépossédé. Le dépôt volontaire ne se prouve par témoins qu’en trois cas, incendie, ruine, naufrage. On met indifféremment en cas, ou au cas, lorsqu’il est suivi d’un que : en cas, ou au cas qu’il meure. Mais quand il est suivi d’un substantif, l’on se sert toujours d’en cas, en cas de mort, Bouh.

Je fais des vers assez passablement :
Mais après tout je suis un pauvre Prêtre,
En cas d’amour.

Cas, signifie encore une chose qui convient à quelqu’un. N’allez pas chercher plus loin, c’est là votre cas, votre fait. Il est populaire.

Cas, en termes de Jurisprudence, c’est l’espèce d’une loi. Les loix sont bonnes en un cas, & ne le sont pas en l’autre. Ce n’est pas là le cas ; l’espèce de la loi que vous citez.

Cas se dit encore en style du Palais en plusieurs formules. On a observé les formes en tel cas requises & accoutumées. Il a été condamné pour les cas résultans du procès ; c’est-à-dire, pour plusieurs choses dont il y avoit preuve au procès. On met dans les lettres de Chancellerie, si le cas y échet,