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CAS

c’est-à-dire, s’il y a lieu. Selon l’exigence des cas ; selon le mérite des affaires.

Cas se dit aussi au Palais d’une certaine nature d’affaires de délits, de crimes. Les cas Royaux & Prévotaux, sont de certains crimes dont connoissent les Juges Royaux & Prévotaux, à l’exclusion des Juges subalternes, ou Juges non Royaux, comme fausse monnoie, rapt, port d’armes, infraction de sauve-garde, &c. En matière civile, comme le possessoire des bénéfices, le délit fait dans les forêts du Roi, les causes de son Domaine, les Eglises de sa fondation, &c. sont des cas Royaux. Les cas Prévotaux doivent être jugés prévotalement, c’est-à-dire, en dernier ressort, & sans appel ; mais les cas Royaux qui ne sont que Prévotaux, doivent être jugés par les Baillifs & Sénéchaux, à la charge de l’appel. Les cas Royaux ont beaucoup plus d’étendue que les cas Prévotaux : car tous les cas Prévotaux sont des cas Royaux ; mais tous les cas Royaux ne sint pas des cas Prévotaux. Voyez l’explication des cas Royaux & des cas Prévotaux, dans les Art. 11 & 12, T. I de l’Ordonnance de 1670.

On dit aussi à l’égard des Ecclésiastiques, le cas privilegié, pour opposer au délit commun. Casus juris præcipuus, singularis. L’Official juge le Prêtre pour le délit commun ; mais le Juge Royal connoît des cas privilégiés, c’est-à-dire, lorsqu’il y a quelque crime qui mérite peine corporelle (attendu que l’Eglise ne condamne point à peine afflictive.) Quelques-uns prétendent que l’adultère est un cas privilégié, & dont la connoissance est aussi attribuée au juge séculier, privativement au Juge ecclésiastique. Si un Ecclésiastique est surpris portant les armes, il ne peut point non plus demander son renvoi devant le Juge d’Eglise. On dit aussi des affaires qui se font extraordinairement en considération du mérite de quelque personne, ou de quelque circonstance importante, que c’est un cas privilégié, qu’il ne tire point à conséquence.

Cas, ou cas de conscience, en termes de Théologie, se dit des actions des hommes considerées par rapport à la conscience. ☞ Le cas de conscience est une difficulté sur ce que la Religion permet ou défend en certains cas. C’est une question relative aux devoirs de l’homme & du chrétien, dont il appartient au Théologien, nommé Casuiste, de peser la nature & les circonstances, & de décider selon la lumière de la raison, les loix de la société, les canons de l’Eglise & les maximes de l’Evangile. Casus conscientiæ ou simplement casus. Res ad conscientiam, ad mores pertinens. Ce Docteur est savant dans les cas de conscience. Il enseigne les cas.

Cas réservés, sont certains péchés considérables dont les Supérieurs Ecclésiastiques se réservent l’absolution, à eux-mêmes ou à leurs Vicaires. Dans les Communautés Religieuses il y a des cas réservés par les Chapitres, ou par les Supérieurs. Parmi les cas réservés, il y a des cas réservés au Pape, des cas reservés à l’Evêque, ou à ses Vicaires Généraux ; c’est-à-dire, qu’il n’y a que le Pape, ou ceux qu’il commet, ou bien qu’il n’y a que l’Evêque & ses Vicaires qui puissent en absoudre, excepté à l’article de la mort. Voyez sur les cas réservés le Concile de Trente, Sess. XIV., c.7 de Rés. & Can. 11.

☞ Les réservations sont différentes suivant l’usage des Diocèses. Le Pénitencier est établi principalement pour absoudre des cas réservés. Mais à l’article de la mort, tout Prêtre peut absoudre celui qui se trouve en cet état, de tous les cas, pourvu qu’il ait donné quelque signe de pénitence.

Cas signifie aussi, estime. Prætium estimatio. Faire cas de quelqu’un, c’est l’estimer, en penser favorablement. En faisant trop de cas de soi-même, on pêche contre la vraie modestie. On fait cas de cet Avocat, il a de beaux talens. On fait cas des gens heureux qui peuvent servir, & on méprise les misérables. Le Ch. de M.

Cas se dit populairement, pour excrémens. Faire son cas en quelque endroit.

Cas se prend aussi quelquefois pour chose. Res. Cas étrange, mais vrai pourtant. Voit.

L’ame est d’enhaut, & le corps inutile
N’est autre cas qu’une basse prison,
En qui languit l’ame noble & gentille. Marot.

Cas, en termes de Grammaire, se dit ☞ des différentes inflexions ou terminaisons des noms. L’on a regardé ces terminaisons comme autant de chûtes d’un même mot : Ainsi le mot cas se prend ici dans un sens figuré & métaphorique. Casus. Il y a six cas, le nominatif, le génitif, le datif, l’accusatif, le vocatif & l’ablatif. En françois, ils ne diffèrent que par l’apposition des articles ; en latin, par la terminaison. ☞ Le nominatif, c’est-à-dire, la première dénomination tombant, pour ainsi dire, en d’autres terminaisons, fait les autres cas, qu’on appelle obliques. Ces terminaisons sont aussi appellées désinances : mais cas est l’espèce qui ne se dit que des noms ; car les verbes ont aussi des terminaisons différentes. On dit communément que les Grecs n’ont que cinq cas. Ceux qui ont écrit sur les langues dans ces derniers siècles, ont presque toujours donné six cas aux noms de toutes les langues, parce qu’ils ont suivi les idées auxquelles ils étoient accoutumés. Le P. Galanus dit que la langue arménienne a dix cas, & qu’outre les six cas ordinaires, elle en a un pour marquer l’instrument dont on se sert pour quelque chose ; un qui sert aux narrations, & qui désigne le sujet dont on parle ; un qui marque qu’une chose est dans l’autre ; un enfin qui marque la relation qu’une chose a avec quelque autre. Il y a quelques Auteurs qui n’en donnent que trois à la langue arabe, parce qu’il n’y a que trois terminaisons différentes, qui sont on, in & an. Pour accorder les sentimens différens des Auteurs, il faut distinguer ; car si par le mot cas on entend seulement un changement qui arrive à un nom, il y aura autant de cas qu’il arrive de changemens aux noms dans le même nombre ; & il semble que c’est-là proprement ce qu’on entend par le mot cas, puisque ce mot dans son origine grecque ou latine, signifie chûte, ou terminaison, πτῶσις, casus : ce sera la même chose si le changement se fait au commencement du mot. Suivant ce principe, on voit qu’il n’y aura pas le même nombre de cas dans toutes les langues. Mais si par le mot cas on entend toutes les modifications différentes, & tous les rapports de la chose exprimée par un nom, il y aura autant de cas qu’on pourra imaginer de modifications & de rapports dans une chose : ce qui va à l’infini.

Il ne paroît pas que ce soit-là la notion que les Grammairiens ont donnée du mot cas ; mais ils n’en ont pas donné une notion claire qui en formât une idée juste ; ou ils se sont écartés de la notion qu’ils en avoient donnée : car ils ne laissent pas de compter cinq cas dans tous les nombres des noms de la langue grecque, & six dans tous les nombres de la langue latine, quoique plusieurs de ces cas soient semblables, comme le génitif & le datif sinçulier de la première déclinaison des latins, le datif & l’ablatif de la seconde, &c. le génitif & le datif du duel des noms grecs, &c. Il est plus conforme aux principes de sa Grammaire, qui ne considère les mots que matériellement, de marquer autant de cas différens qu’il arrive de changemens à la fin d’un non, dans le même nombre. En effet, c’est s’exprimer mal que de dire, par exemple, que du pere est le génitif du nom pere, & qu’au pere en est le datif ; car du & au ne font point partie du nom pere : ce ne sont point des chûtes, des terminaisons ; ce sont des articles