Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, II.djvu/421

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
413
CHA

pointe d’un rocher, & d’abord qu’il apperçoit un homme, il avertit par un siflement aigu les autres de prendre garde à eux. Ainsi il est difficile d’en prendre de vivans, & plus encore de prendre des petits. Ces petits meurent d’abord qu’ils sont portés ailleurs. Un air plus doux est mortel pour eux. Ils diffèrent beaucoup des bouquetins : car ils semblent rouges en été, & gris en hiver. De plus ils n’ont que de petites cornes assez larges, & dont le bout est fort crochu. Leur vitesse & la rapidité avec laquelle ils s’élancent de rocher en rocher, ne cède point à celle des bouquetins : mais ils ont cet avantage, que souvent ils s’y attachent par le bout de leurs cornes, & demeurent ainsi long-temps suspendus en l’air jusqu’à ce qu’enfin ils s’en arrachent d’une force incroyable, & se jettent au lieu où ils veulent aller. Chorier. Hist. de Dauph. Liv. I, p. 64.

Ménage dérive ce mot de l’italien, camuccia ou camoccia ; mais Belon dit que ce nom vient du grec κεμὰς.

Chamois veut dire dans les Troupes, un homme qui ne quitte point son Régiment pour venir faire sa cour, & qui est uniquement appliqué à son métier… Ce nom vient de ce que les vieux Officiers de Cavalerie qui ne quittent point les Troupes, ont d’ordinaire une veste & des chaussés de chamois… Mots à la mode.

Chamois se prend aussi pour la peau de chamois. Pellis rupicapræ. Ainsi on dit, gants de chamois, caleçons de chamois.

Chamois est aussi une couleur tirant sur l’isabelle, dont les curieux de tulipes font grand cas. Melinus & subalbidus color.

CHAMOISERIE. s. f. Lieu où l’on prépare les peaux de chamois, ou d’autres peaux, qu’on veut faite passer pour telles, en les apprêtant & les passant en huile.

☞ Il se dit aussi de la marchandise même préparée par le Chamoiseur. Commerce de Chamoiserie.

CHAMOISEUR. s. m. Celui dont la profession est de préparer & passer en huile des peaux de chamois, ou de travailler à les imiter avec d’autres peaux.

CHAMOS. s. m. Terme de Mythologie. Nom d’une Idole des Ammonites & des Moabites, dont il est parlé au IIIe Liv. des Rois, XI, 7, 33, ; IVe Liv. des Rois, XXIII, 13 ; Jérém. XLVIII, 7, 13. Chamos. Saint Jérôme sur Isaie, Liv. V, dit qu’il étoit adoré sur le mont Nabo ou Nébo ; & il ajoûte que Chamos est le même Dieu que Béelphégor, parce que l’un & l’autre sont un Dieu des Moabites ; mais, dit le Père Kirker, il faudroit montrer que les Moabites n’avoient qu’une idole. Selden suit néanmoins ce sentiment, de Diis Syris Synt. I, c. 5, sur la fin. Vatable & Sanctius disent que c’étoit Priape, ce qui revient au même ; car, selon Selden, Béelphégor & Priape sont la même chose. Cornélius à Lapide, Tirin & Sanctius, sur la ressemblance de Chamos & Comus, prennent Chamos pour Comus, le Dieu de la Bonne-Chère & de l’ivresse. Pierre Martyr prétend que, parce que כמס, Camos, en hébreu signifie occultare, c’est-à-dire, cacher, il se pourroit bien faire que Chamos fût Pluton le Dieu des Enfers. Le Père Kirker croit que Chamos est le même qu’Osiris, ou le Bacchus Egyptien, & qu’il a été appelé Chamos, du mot hébreu כמס, recondere, abscondere, cacher ; ou bien d’une solennité que les Egyptiens faisoient tous les ans en l’honneur de Bacchus, en courant par réjouissance & en folâtrant de village en village : d’où cette fête avoit été nommée Comasia, de κῶμος, village. Enfin, le P. Kirker ne veut point qu’on méprise le sentiment qui dérive ce mot de כמס, & qui confond Chamos avec Pluton, parce qu’en effet on confond très-souvent Pluton, Dis, Osiris, Dionysius, Sérapis. Il consent même qu’on dise que c’est Béelphégor, pourvu qu’on tienne que Béelphégor est Priape adoré par les Egyptiens.

Les Moabites sont appelés Peuples de Chamos, Nomb. XXI, 29, Jérém. XLVIII, 46. Vous êtes perdus, peuples de Chamos. Voyez Vossius, De idol. L. II, c. 8.

Ce nom est hébreu, כמוש, Chemos. Plusieurs Modernes l’écrivent & le prononcent ainsi selon l’hébreu. Les Septante & la Vulgate disent Chamos. Prononcez Camos.

CHAMP. s. m. du latin Campus. ☞ Espace plus ou moins grand de terre propre à être labourée : c’est proprement une certaine étendue de terre bornée par des limites naturelles ou artificielles, pour la distinguer des champs voisins. Ager. Champ cultivé. Cultus ager. Champ en friche. Ager incultus.

Hésiode à son tour, par d’utiles leçons,
Des champs trop paresseux vint hâter les moissons. Boil.

Champ. Terme d’Histoire ancienne. Campus. Nom donné par les Latins à certaines plaines de Rome, dans lesquelles il n’y avoit point de maisons, destinnées pour les spectacles, les assemblées du Peuple, & plusieurs autres usages, comme le Champ de Mars, Campus Martius. Le champ de Flore. Campus Floræ, &c.

Le champ de Mars étoit une place ainsi nommée à cause d’un temple du Dieu Mars qui y étoit : on y tenoit les assemblées appelées comices. Dans la suite, Tarquin le superbe prit cette place pour son usage particulier : mais après qu’il eut été chassé de Rome, les Consuls Brutus & Collatinus firent du champ de Mars le lieu des assemblées & des élections. Le champ de Mars n’étoit au commencement qu’un pré au bord du Tibre où l’on faisoit paître les chevaux, & où la jeunesse s’exerçoit à la guerre : on en fit depuis une place magnifique, qu’on orna d’une grande quantité de statues & d’une belle horloge enrichie d’or. Voyez Aulu-Gelle, Denys d’Halycarnasse, Strabon, Pline, Barthélemi Marlianus dans sa Topographie de l’ancienne Rome, &c. Le champ de Flore est une place à Rome où l’on fait la publication des Bulles, des Constitutions, &c. ☞ C’étoit autrefois un lieu consacré à cette Déesse, où se représentoient les jeux appelés Floralia, institués en son honneur.

Champ criminel. (le) Campus sceleratus. Place dans Rome, près de la porte Colline, où l’on enterroit toutes vives les Vestales qui n’avoient pas su conserver leur virginité.

Champ du Rire, (le) Campus Ridiculi. Place où Annibal avoit campé pendant le siège de Rome, qu’il eût pu prendre aisément, s’il n’eût point levé le siège, épouvanté par de vaines terreurs & de certains fantômes qui le troublèrent. Ce qui fut cause que les Romains, voyant Rome délivrée par la retraite d’Annibal, se mirent à faire de grands éclats de rire, & élevèrent là un temple au Dieu du Rire. Antiq. Grecq. & Rom.

On appeloit anciennement en France Champ de Mars, les assemblées de toute la nation, que le Roi convoquoit tous les ans, ou pour dresser de nouvelles loix, ou pour décider des grandes affaires du Royaume. On les nomma ainsi, soit parce qu’elles se tenoient d’ordinaire au mois de Mars, soit à l’imitation du champ de Mars qui étoit destiné à Rome pour de pareilles assemblées. On le nomma depuis le champ de Mai, parce qu’on transporta & qu’on tint ces assemblées au mois de Mai. Dans Grégoire de Tours il est appelé Campus Martius, dans Frédégaire, Part. IV, c. 125 & 130. Campus Madius, & dans les Annales de Metz, Campus Magius. C’est Pépin qui le fit nommer Campus Maius, d’où l’on a fait par erreur ou par corruption, Madius & Magius.

Le P. Daniel prend le Champ de Mars, non pas pour l’assemblée, mais pour le lieu où se faisoit la revue générale des Troupes ; & on le nommoit ainsi, dit cet Historien, non pas que ce fût le nom particulier de quelque champ ; ces revues se faisoient tantôt