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CHA

tous les animaux ruminans, ont une cinquième poche d’une capacité assez considérable, qui ne le trouve point dans les autres : c’est dans cette espèce de réservoir qu’ils mettent une grande quantité d’eau qui s’y conserve sans se corrompre, parce que les autres liqueurs du corps ne peuvent s’y mêler. C’est de ce reservoir que le chameau, par la seule contraction des muscles fait remonter dans sa panse, & jusqu’à l’œsophage, une partie de cette eau, quand il en a besoin. C’est à cette conformation particulière qu’on doit attribuer la facilité qu’a le chameau de s’abstenir de boire pendant plusieurs jours.

Le chameau qui porte l’étendard d’or, que la Caravanne de Pélerins va offrir tous les ans sur le tombeau de Mahomet à la Mecque, est exemt de porter aucun fardeau pendant le reste de sa vie. La Croix. Ils prétendent même que cet heureux chameau ressuscitera, & jouira des félicités du Paradis. Chevr. Ils ont de l’aversion pour le cheval, le lion, & le thon. Ils vivent, selon quelques-uns, jusqu’à cinquante ans ; & selon quelques autres jusqu’à cent. Le lait de la femelle du chameau est un souverain remède pour guérir l’hydropisie. Il faut en boire tous les jours une pinte pendant trois semaines. Au printemps, tout le poil tombe au chameau en moins de trois jours ; la peau lui demeure toute nue, & les mouches l’importunent fort ; il n’y a point d’autre remède que de lui gaudronner le corps. Tavernier.

On dit chameau mâle, chameau femelle.

Sur les médailles, le chameau est le symbole de l’Arabie. P. Jobert. Et s’il se trouve sur les médailles de quelqu’autre peuple, comme sur celles de la famille Plautia, sur laquelle on voit une tête de femme avec une couronne murale, A Plautius aed. cvr. s. c. Et au revers dans le champ Ivdæus & dans l’exergue Bacchius, & pour type un homme à genoux qui tient de la main gauche un chameau par la bride, & qui tient de la droite une palme ; c’est une marque de société avec l’Arabie. Beger.

Ce mot vient de l’hébreu gamal, selon Nicot ; d’où l’on a formé κάμηλος en grec, camelus en latin, & ensuite chameau en françois. Mais selon Iso Magister, il vient du grec καμπύλον, qui signifie curvum, à cause des bosses qu’il a sur le dos. Charleton dit qu’il peut venir de κάμνω, je travaille, parce que cet animal porte de grands fardeaux ; mais cette étymologie est forcée.

Chameau moucheté. Autre espèce d’animal ressemblant au vrai chameau par la tête ; mais par le reste du corps, au cheval & au bœuf. Camelopardalis. Pomey.

On appelle aussi chameau, le poil de chameau filé en forme de laine fort déliée, du quel se servent les Ferrandiniers dans leurs ouvrages. Filus camelinus.

En termes de Blason, on appelle un chameau emmuselé, qui est représenté avec une muselière. Camelus os obstrictum habens, ou capistratus.

Il y a une herbe qu’on appelle pâture de chameau, à cause que les chameaux en sont fort friands. On l’appelle autrement juncus odoratus, ou scœnantum.

Chameau se dit d’un gros & grand bâtiment qu’on voit en Hollande, & qui n’a été inventé que vers la fin du siècle passé. Le chameau sert à enlever un vaisseau d’un lieu où il y a peu d’eau, & à le transporter dans un autre où il y en a davantage, par le moyen des machines dont est rempli le vaisseau qu’on appelle chameau.

☞ On a donné à cette machine le nom de chameau à cause de sa grandeur & de sa force.

CHAMELÆA TRICOCCOS. Arbrisseau branchu, qui s’élève à la hauteur d’environ un pié & demi, ou de deux ; & qui est toujours garni de feuilles assez semblables à celles de l’olivier, obtuses, charnues, fermes, d’un vert foncé en dessus, & teintes d’une couleur un peu plus claire en dessous. Ses fleurs naissent des aisselles des feuilles, & sont composées d’une seule pièce découpée en trois parties, d’un jaune verdâtre. Ses fleurs sont soutenues par un pédicule fort menu, long à peu près d’une ligne. Le pistile qui occupe leur centre devient un fruit verd à trois coques arrondies, dures, grosses comme des petits pois, qui renferment chacune une petite semence blanche. Cette plante est commune en Languedoc & en Espagne. Le suc de ses feuilles est hydragogue, & purge violemment. Ces mêmes feuilles appliquées sur le ventre des hydropiques, procurent souvent un flux d’urine considérable.

CHAMELIER. s. m. Celui qui panse & qui conduit des chameaux. Qui camelos curat, Camelarius. On appelle aussi chameliers, les Marchands qui font trafic de chameaux. Le premier métier de Mahomet fut d’être chamelier. Chamelier est appelé camelarius, dans la vie de Saint Macaire d’Egypte, & dans celle de Saint Alexandre l’Acœmete.

CHAMES. s. f. Voyez Chame & Came.

CHAMFRAIN. Voyez CHANFREIN.

CHAMFRAINER. Voyez Chanfreiner.

☞ CHEMFRER, Voyez Chamfrer.

CHAMICO. s. m. Sorte de semence du Pérou, semblable à celle des oignons, mais dont la propriété est telle, dit-on, que si l’on boit l’eau dans laquelle elle aura bouilli seule, ou avec du vin, elle provoque un sommeil de vingt-quatre heures ; & si quelqu’un l’a bue en riant ou en pleurant, il demeure fort long-temps dans ce même état. ☞ Ces propriétés paroissent trop singulières pour être crues légèrement. Attendons des observations plus exactes sur la nature du Chamico.

☞ CHAMLEMY, Petite ville de France en Nivernois à huit lieues de Nevers.

CHAMOIS. s. m. Animal quadrupède ruminant, espèce de chèvre sauvage qui habite sur le haut des rochers & des montagnes. Rupicapra. Le chamois a la queue longue de trois pouces, les oreilles de cinq. Il a de grands yeux, avec une paupière interne & rouge. Sa lèvre supérieure est fendue comme au lièvre. Ses cornes sortent au devant du front fort peu au dessus des yeux. Elles sont longues de neuf ou dix doigts, & sont noires, rondes, & rayées circulairement. Ce qui l’a fait appeler par Oppian στρεψίκερος, c’est à-dire, qui a les cornes tournées en arrière. Il a le pié fourché & creusé par dessous, & non rempli de chair comme la gazelle. Il marche sur ses ongles, & court fort vite. Il a trois ventricules pareils à ceux des bœufs. Ses intestins ont quarante piés de long. Il est plus grand, & a les jambes plus longues que la chèvre, mais le poil plus court, qui est pourtant de deux sortes. Le petit est fin, frisé & ondé, & caché sous le grand. Il y en a une partie de couleur de minime brun. Le reste est un blanc sale & roussâtre. Scaliger veut que le caprea des Anciens soit notre chamois, quoique Jonston veuille que ce soit le chevreuil. Pline dit que les chamois vivent de poisons comme les cailles ; ou qu’ils mangent le doronicum, qui est une espèce d’aconit. On trouve quelquefois dans le ventricule des chamois des pierres, qu’on appelle bézoard d’Allemagne. La peau en est fort estimée, parce qu’étant préparée, elle est chaude & douce sur la chair, & se peut savonner. Elle sert aussi à purifier le mercure qu’on fait passer par ses pores, qui sont fort étroits.

Le Chamois est un animal timide. Il y en a beaucoup dans les montagnes du Dauphiné. Leur principale retraite est la montagne de Donoluy, auprès de Rochecourbe, jusques à celle de Montziou, dans le Gapençois. Il en paroît souvent dans ces lieux des troupes de cinquante & plus. Ils marchent sous la conduite de l’un d’entre eux, qui est à leur tête. Les chasseurs lui font toujours essuyer les premiers coups. Quand ils le tuent les autres paroissent dans un si grand étonnement, qu’il est aisé aux moins adroits d’en abattre plusieurs. Ils aiment le sel, & l’on en répand aux lieux où l’on veut les attirer. Comme ils sont très-peureux, ils ne s’amusent pas à paître beaucoup. Ils ne choisissent jamais de pâturage abondant ni fertile, & se contentent de l’herbe qui croît dans le gravier, & parmi les cailloux. Pendant qu’ils paissent, l’un d’eux fait le guet à cent pas de-là, sur la