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rache se plaisoit à faire des portraits chargés, & y réussissoit fort bien. Pour qu’une chose soit chargée il n’est pas nécessaire que le Peintre ait eu intention de la rendre ridicule, il suffit qu’elle soit outrée. Tout ce qui est chargé est hors du vrai… cependant il y a des contours chargés qui plaisent, parce qu’ils sont éloignés de la bassesse du naturel ordinaire. De Piles. On ne peut s’empêcher de louer dans quelques grands ouvrages les choses chargées, quand une raisonnable distance d’où on les voit les adoucit à nos yeux. Idem. Les Peintres appellent un portrait chargé, lorsqu’on représente un visage avec des traits marqués avec excès, & de telle manière qu’avec trois ou quatre coups de crayon ou autrement on connoît une personne, quoique ce ne soit pas un véritable portrait, mais plutôt des défauts marqués. Félibien.

On dit que le temps est chargé, quand il est couvert de nuages & disposé à la pluie.

On dit qu’un homme a les yeux chargés, pour dire qu’ils sont enflés, remplis d’humeurs.

On appelle des dez chargés, de faux dez, des dez pipés, dont se servent ceux qui veulent tromper aux jeu.

Ce sont des dez, dans les trous desquels ils mettent du plomb d’un côté, afin de les faire tomber de ce côté.

On appelle une pièce chargée, celle qu’on a affaibli de son propre métal, & à laquelle on a ajouté un morceau de métal étranger pour la rendre de poids. Nummus aureus cui pars metalli alicujus adjecta est, ad compensandam ejusdem levitatem ; ou addito pondere factus legitimus.

CHARGEUR. s. m. Officier de ville qui est établi pour charger & arranger les bois dans les membrures sur les ports, afin que le bourgeois ne soit point trompé. On les appelle aussi Gagne-deniers.

Chargeur, est aussi un manœuvre qui sert dans les atteliers à charger les autres. Il y avoit tant de hotteurs & tant de chargeurs à faire cette terrasse. Dans les grosses forges c’est celui qui est chargé d’entretenir le fourneau toujours en fonte.

Chargeur, est aussi un Officier d’Artillerie commis pour charger le canon. Præfectus instruendis pulvere ac globo tormentis.

Pour un canon, il faut deux Canoniers, trois Chargeurs & trente Pionniers. De la Font.

Chargeur. Celui qui charge. On appelle Marchand Chargeur, celui à qui appartiennent les marchandises dont un vaisseau est chargé.

CHARGEURE. s. f. se dit en terme de Blason, des pièces qui en chargent d’autres. Partes scuti onusiæ. La chargeure ne diminue pas la noblesse des armes : comme fait la brisure.

CHARIAGE. s. m. Charroi, l’action de transporter dans une charette ou chariot. Vectura. Il signifie aussi la peine & le salaire du Voiturier. Vecturæ pretium ac merces, ou labor. Le chariage est fort difficile en cette saison. Il conte tant pour le chariage depuis là jusqu’ici. Il faudroit charriage, conformément à l’étymologie ; mais l’usage y est contraire,

CHARIEN. s. m. C’est le nom d’une plante dont la racine étant appliquée pendant quelque temps sur le nombril, fait sortir le fœtus qui est mort dans la matrice. Je ne saurois dire précisément quelle est cette plante. Quelques Auteurs prétendent que c’est le tithymalus characias. Χάριεν. Dict. de Jam.

☞ CHARIER. v. a. Voiturer dans une charrette ou chariot. Carro, plaustro vehere. Charier du vin, du blé, du bois. J’ai fais charier tous mes foins.

Charier, se dit aussi des choses liquides, qui dans leurs cours en emportent, en entraînent d’autres avec elles. Vehere, secum deferre. Cette rivière charie du sable, du gravier. Il y a des rivières qui charient de l’or. Aurifluus. Le sang charie des mauvaises humeurs. On le dit aussi, de l’urine, quand elle entraîne quelqu’autre matière avec elle. Urine qui charie une grande quantité de matières épaisses & grossières. Degori.

Charier, en termes de Fauconnerie, se dit quand l’oiseau emporte sa proie, & ne revient point lorsqu’on le réclame. Avolare cum præda. On dit aussi qu’un oiseau de proie charie un perdreau, quand il le poursuit & le pourchasse, Persequi, insequi.

☞ Ce verbe est quelquefois neutre, comme quand on dit charier droit, se conduire comme l’on doit, s’acquitter de son devoir. Officio fungi, parere, officium implere. Je vous apprendrai à charier droit.

☞ On dit par ellipse qu’une rivière charie, quand on voit plusieurs glaçons suivre le courant de la rivière.

☞ Ce mot vient de carrucare, qu’on a dit dans la basse latinité. Carruca, coche, carrosse.

Charié, ée. part.

Charié, ée. adj. Vieux mot : carié, vermoulu.

☞ CHARIOT. s. m. Voiture ordinairement à quatre roues, propre à transporter différentes choses. Carrus, currus. Il a amené deux chariots de bagage. On envoie chercher des provisions avec un chariot. Les enfans ont de petits chariots pour se divertir : ils sont faits d’osier : on s’en sert pour divertir & pour promener les enfans qu’on fait asseoir dedans.

Chariot, a signifié autrefois la même chose que char : & ainsi on a dit, le chariot du Soleil. Il y avoit des chariots de triomphe à ce carrousel. On couroit aux jeux olympiques avec des chariots. On combattoit sur des chariots armés de faulx, chez les anciens.

On appeloit autrefois dans les armées le chariot, & en italien, il caroccio, un grand chariot, couvert d’ais, & tapissé de fins draps mi-partis de blanc & de rouge, ou bien d’autres livrées, suivant le caprice du peuple qui s’en servoit. Au milieu de ce chariot il y avoit comme un mât de navire élevé, du haut duquel la bannière de la ville ou du peuple voltigeoit çà & là avec plusieurs cordons de soie, qui étoient gouvernés & tenus en état par autant de jeunes hommes forts & robustes, qui avoient aussi le soin de sonner les alarmes & les diverses factions de guerre, avec une cloche, qui étoit attachée au sommet ou à côté de l’arbre. Toute cette machine étoit ordinairement traînée par trois paires de bœufs houssés & caparaçonnés des mêmes couleurs que le chariot : huit trompettes la suivoient, comme aussi tous les Prêtres & Religieux de l’année ; & celui qui avoit charge de la conduire, étoit accompagne de grand nombre de soldats pour la défendre. Antonio Campo & Collenucio décrivent à peu près de cette façon il carrocio, dont les habitans de Milan & de Crémone se servoient pendant les guerres de l’Empereur Frédéric II. Chaque ville y ajoutoit ou diminuoit quelque chose. Celui des Florentins, au rapport de Giovan Villani, avoit deux arbres, étoit couvert de rouge, n’étoit tiré que par deux bœufs, & pour la cloche nommée par eux martinella, elle étoit portée sur un autre chariot. Les villes de Parme & de Boulogne avoient aussi chacune le leur, aux environs duquel on tenoit le Conseil de guerre, on rallioit les troupes, on retiroit les blessés, on gardoit les prisonniers, & l’on s’obstinoit furieusement au combat. Perdre cette machine c’étoit une infamie ; & la sauver en cas d’une déroute, c’étoit chose impossible, à cause de sa pésanteur, & de l’embarras qu’il y avoit tout à l’entour : aussi n’étoit-il non plus permis aux Lombards d’abandonner cette machine, que l’Aigle aux Romains, l’Oriflamme aux François, & le grand étendard à ceux de Gand. Mascur. Nous avions aussi dans nos armées un chariot semblable, sur lequel étoit portée la bannière de France. Voyez Bannière. Cette machine a duré jusqu’à l’invention de l’artillerie. Mascur.

Les Cordiers appellent chariot ou carrosse, une