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d’acquitter les dettes de les legs d’un testateur. Un usufruitier est chargé d’acquitter les rentes annuelles dont le bien qu’il possède est tenu.

Charger, signifie aussi, mettre des impositions trop fortes. Tributum, vectigal imponere. On a trop chargé de tailles ce pauvre homme sur le rôle. Cette marchandise est trop chargée de douanes. On dit dans le même sens, charger une Election, une Province, &c.

Charger signifie encore, donner ordre, commission à quelqu’un de faire quelque chose. Dare rei alicujus provinciam, negotium. Cet homme a été chargé d’une négociation où il a bien réussi. Il ne devoit pas se charger de faire une telle harangue, puisqu’il n’étoit pas en état de parler. Cet Ambassadeur étoit expressément chargé par ses instructions, de faire instance sur la restitution d’une telle place. C’est un tel Avocat qui est chargé de ma cause, de mon sac, de mes mémoires.

Charger, d’ordinaire avec le pronom personnel, signifie, prendre sur soi, se rendre responsable. Aliquii in se recipere. Jesus-Christ s’est chargé de tous nos péchés & de toutes nos misères. Confiez-moi votre affaire, je me charge du succès. Cet Entrepreneur s’est chargé de venir à bout d’un tel dessein. Le Courier se charge de rendre ma lettre en main propre. Je ne me suis chargé que de ma propre conduite, & je ne répons qu’à moi-même de mes études & de mon loisir. Flech. Les Rois chargés du gouvernement, n’auront-ils que les inquiétudes & les fatigues ? & veut-on qu’ils tremblent devant la loi, qui est leur propre ouvrage ? Tourr.

De l’intérêt du ciel pourquoi vous chargez-vous ?
Pour punir le coupable a-t-il besoin de nous ? Mol.

Se charger, se dit aussi dans un sens propre, pour, mettre quelque fardeau sur sa tête, sur ses épaules, sur soi, sur son corps, de quelque manière que ce soit. Il n’a que faire d’aide, il se charge bien lui-même.

☞ On le dit aussi dans le commerce des marchandises de mauvais débit, & dans la vie civile, de ce qui nous est à charge. Onerare, gravare. Un Marchand intelligent ne se charge point de mauvaises marchandises, n’en prend point dans ses magasins.

☞ C’est quelquefois un malheur d’avoir des parens pauvres, dont on est obligé de se charger.

Charger, se dit aussi dans le commerce, pour, marquer sur son registre. Aliquam pecuniæ summam in rationem inducere, rationibus inferre. Il tant qu’un Marchand charge son registre des payemens qu’on lui fait. Le registre de ce Banquier est chargé de l’envoi d’une telle commission en Cour de Rome.

☞ On dit dans le même sens, charger un compte d’une dépense, d’une recette, pour dire qu’on a porté dans ce compte la recette & la dépense dont il s’agit.

Charger signifie, accuser quelqu’un en Justice, ou déposer contre celui qui est déjà accusé. Accusare, criminari. Ce prisonnier est chargé, est prévenu de plusieurs crimes, il y a divers témoins qui le chargent. Il a été chargé par le testament de mort d’un tel.

☞ On le dit dans le même sens dans les choses où il n’est pas question du criminel. Ils ne cessoient de le charger, tantôt d’avarice & tantôt de trahison. Vaug. Les vieillards louent le passé & blâment le présent, chargeant ainsi le monde du chagrin de leur âge. Il signifie ici rejeter, faire tomber sur. Transferre in, &c.

Ainsi l’antiquité, de cent crimes divers,
Osa charger les Dieux qu’adoroit l’Univers.

Charger, en termes de Peinture, signifie, outrer une chose, ajouter à la vérité, faire une exagération burlesque des principaux traits qui contribuent à la ressemblance ; représenter avec exagération les traits qui rendent le visage d’un homme difforme & ridicule, sans le rendre méconnoissable. Rem aliquam pingendo exaggerare. Ce Peintre a chargé ce portrait, pour dire, il a bien fait un portrait qui ressemble en quelque chose ; mais dans lequel la vérité & la ressemblance exacte sont altérées par l’excès du ridicule. ☞ On le dit dans le même sens au figuré. Ce médisant a chargé l’histoire qu’il nous raconte, il y a ajoûte beaucoup de choses de son crû, il a exagéré avec malignité. Charger un portrait, un caractère ; exagérer avec malignité les défauts d’une personne.

☞ On le dit de même en Littérature, de la Prose & de la Poësie, Voyez Charge ; ainsi que des ornemens superflus du style. On reprochoit à Ciceron que son éloquence étoit chargée de paroles & de pensées superflues. Nicol. Les Commentateurs sont d’ordinaire chargés d’une vaine & fastueuse érudition. La Bruy. Charger une pièce d’incidens, mettre trop d’incidens dans une pièce de théâtre.

Charger un mot. Cette expression se dit des écritures sur lesquelles on met d’autres écritures, pour les corriger : ainsi un mot chargé, est un mot qu’il faut corriger ; & au lieu de l’effacer, on écrit sur ce même mot un autre mot : ce qui fait bien souvent qu’on ne peut lire ni l’un ni l’autre. Cela est défendu ; & dans des procédures criminelles, il ne faut point charger les mots, mais raturer & remettre le véritable mot à la marge avec renvoi.

Charger est aussi un terme de Jardinage. On dit qu’un arbre charge peu ou beaucoup, pour dire qu’il donne peu ou beaucoup de fruit. L’épargne charge beaucoup tous les ans ; Ferax est, multis pomis se se induit. Le petit rousselet charge peu, prend peu de boutons à fruit. Dans cette acception ce verbe est neutre. Les Vocabulistes auroient dû le dire.

Charger, se dit proverbialement en ces phrases. Il a été bien chargé d’appointement, pour dire, il a été bien battu à coups de poing. Il est revenu chargé comme un mulet, pour dire, il en avoit autant qu’il en pouvoit porter. On dit d’un homme qui n’a point d’argent, qu’il est chargé d’argent comme un crapaut de plumes. Tout cela est bien bas.

CHARGÉ, ÉE. part. Il a les significations de son verbe. On dit au figuré, un homme chargé de famille, d’enfans, de dettes, de crimes. Un Héros chargé de gloire. Ces deux premiers Ministres chargés des intérêts & du destin des deux nations, faisoient valoir leur habileté à disputer les droits des couronnes. Flech.

On appelle une couleur chargée, lorsqu’elle est forte, & tire vers le plus obscur de la même nuance. Color adstrictus, nubilus & prestus, austerus, satur. On dit aussi, une écriture trop chargée, quand il y a trop d’encre. Une feuille d’impression trop chargée, lorsqu’elle est trop pleine & trop grande.

☞ On dit populairement d’un homme fort gras, qu’il est chargé de cuisine ; de celui qui a de grosses mâchoires, qu’il est chargé de ganache : ce qui se dit figurément d’un homme épais de corps avec un esprit matériel. Chargé d’années, quand il est fort vieux. Gravis ætate, annis. En termes de Maréchallerie & de Manège. Un cheval chargé d’encolure, chargé de tête, c’est-à-dire, qu’il y a quelque chose de trop dans les parties du cheval que l’on nomme la tête, l’encolure, qu’elles sont trop grosses, trop épaisses.

Chargé, en termes de Blason, se dit quand sur le chef, sa croix, le pal, & sur toutes les autres pièces honorables de l’écu, il y a quelqu’autre figure, & quand sur cette dernière on y en a mis quelqu’autre, on dit surchargé. Onustus. Il porte d’or à la croix de gueule chargée de cinq coquilles d’argent.

Chargé, ée, se dit aussi en Peinture de ce qui est trop marqué, exagéré. Exaggeratus. Annibal Ca-