Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, II.djvu/512

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
504
CHE

tres, qui a deux petits aîlerons faits comme les manches d’une chemise.

On dit, qu’un homme n’a pas une chemise à mettre à son dos ; pour dire, qu’il est bien pauvre. On dit, qu’on l’a mis en chemise ; pour dire, qu’on l’a entièrement ruiné.

On dit aussi, qu’on mangera jusqu’à sa chemise à la poursuite d’une affaire ; pour dire, qu’on y dépensera jusqu’au dernier sol de son bien.

On dit, qu’on cacheroit, qu’on voudroit cacher un homme entre sa chair, entre sa peau & sa chemise, pour dire, qu’on emploieroit tous ses soins pour le mettre en sûreté.

On dit proverbialement, la chemise est plus proche que le pourpoint ; ce qui a été pris de Plaute mot pour mot. Tunica proprior pallio est.

On dit aussi, ma peau m’est plus proche que ma chemise, pour dire, qu’on doit préférer ses intérêts à ceux des autres, quelque liaison qu’on ait avec eux. Ac. Fr.

Chemise. Le peuple appela dans les commencemens les Chanoines Réguliers de Latran, les Freres de la Chemise. Frati della Camisia, à cause qu’ils portoient toujours des rochets sur leurs robes. P. Hélyot, T. II, p. 25.

Chemise, en termes de Fauconnerie, se dit du duvet de l’oiseau. Le duvet est la chemise de l’oiseau.

Chemise, se dit d’une feuille de papier blanc dans laquelle on met plusieurs papier qui concernent une même affaire, un même département, ou une même élection. On met ordinairement au dessus de la feuille de papier qui doit servir de chemise, un titre qui marque & qui explique la nature des pièces qu’elle renferme, & qui sert de renseignement pour les trouver lorsqu’on en a besoin.

☞ On appelle aussi, chemise, dans le commerce ; un morceau de toile qui enveloppe immédiatement quelques marchandises. Entre la chemise & la toile d’emballage on met de la paille, du papier, ou autres choses, pour garantir les marchandises.

Chemise, en termes d’Architecture militaire, c’est ce qui soutient le terre-plein d’un rempart, de crainte qu’il ne s’éboule. Il y a des chemises de pierre, ce sont les murailles dont un rempart est revêtu. Propugnaculum muro defensum, munitum. Il y a des chemises de gazon ou de fascines dans les lieux où la pierre est rare. La Fontaine, Devoirs des Offic. d’Artill. ch. X, enseigne la manière de les faire. Elever le rempart & sa chemise. Id. On dit mieux, un ouvrage revêtu.

☞ En Maçonnerie, on appelle encore chemise, certains ouvrages qui couvrent d’autres.

CHEMISETTE. s. f. Diminutif. Sorte de camisolle, ou partie du vêtement qui va jusqu’à la ceinture, & qui couvre les bras, le dos & l’estomac. Indusium. Les hommes portent sous le pourpoint des chemisettes de futaine, basin, ratine, chamois, ouatte, &c.

CHEMOSIS. s. f. Violente inflammation des yeux dans laquelle le blanc de l’œil s’éleve au-dessus du noir, & déborde de façon qu’il forme une espèce de bourlet ou d’hiatus, d’où cette maladie prend son nom. χήμωσις, de χαίνω, bâiller.

CHENAIE. s. f. Lieu rempli ou planté de chênes. Quercetum.

CHENAL. s. m. Courant d’eau, bordé des deux côtés de terres naturelles ou artificielles, où un vaisseau peut entrer. Alveus. Quand on ne peut avoir de Pilote d’un lieu où l’on n’a point été, & que c’est une nécessité d’y entrer, on mouille une ancre, s’il est possible, & l’on se tient sous voiles ; & l’on envoie la chaloupe & le canot, pour sonder le chenal jusqu’au mouillage. Bouguer.

CHENALER. v. n. Terme de Marine. C’est chercher un passage dans la mer en lieu où il y a un peu d’eau, en suivant ou rangeant les sinuosités d’un chenal, soit par le secours des balises, soit par celui de la sonde. Il y en a qui écrivent chenailler.

CHENAPAN. s. m. Vaurien, bandit. Expression populaire. Ce mot est tiré de l’allemand, où il signifie un brigand des montagnes noires. Voyez Schnapan.

CHÊNE. s. m. Quercus, ûs. Arbre dont on tire beaucoup d’utilité pour les arts. Sa hauteur varie selon son âge. Son tronc est gros, divisé en grosses branches, qui en jettent d’autres plus petites, garnies de feuilles oblongues, découpées, & comme ondées sur leurs bords, obtuses par leurs bouts, fermes, sèches, lisses,g labres, d’un vert-brun & luisant en dessus, pâle en dessous, & relevées en cet endroit d’une côte qui parcourt toute sa longueur. Ses fleurs sont des chatons longs de deux à trois pouces, composés de flocons d’étamines verdâtres, attachées par intervalle à un poinçon. Ces fleurs sont stériles. Les embryons naissent sur les mêmes piés de cet arbre, mais dans des endroits séparés. Cet embryon est terminé par quelques filets de pourpre, & devient ensuite un fruit qu’on nomme gland. Il est renfermé dans un calice qu’on appelle calotte, ou cupule, cupula ; il s’alonge & est couvert d’une enveloppe semblable à du parchemin. Ses feuilles sèchent & tombent toutes les années. Les différences des chênes se tirent sur-tout des variétés de leurs feuilles, de la grosseur ou petitesse de l’arbre, de même que du fruit, & enfin des pedicules de ces mêmes fruits ou de leurs calottes ou cupules. Daléchamp décrit une partie de ces variétés. Le chênes est assez commun en France. Son écorce est employée pour le tan des Tanneurs ; & comme son bois est plus dur qu’aucun autre que nous avons en Europe, c’est celui qui s’emploie le plus pour les gros ouvrages de menuiserie & de charpente. Le chêne se tourmente moins, & est moins sujet à la vermoulure que le noyer & le sapin. Les poutres, les solives, les portes & le parquetage se font ordinairement de ce bois : il est un de ceux qui résistent le plus long-temps aux injures de l’air, & qui se conservent le mieux dans l’eau. C’est pourquoi on le choisit préférablement à tout autre pour le pilotage & pour palissader. On prétend que nos premiers peres vivoient de glands : peut-être qu’ils choisissoient certaines espèces dont les semences étoient tendres & d’un goût supportable. Il y a encore certains endroits en Espagne où l’on mange des glands ; quoique depuis long-temps on ne les regarde que comme propres à engraisser les cochons. on dit cependant qu’il y a quelques endroits dans le Nord où les pauvres gens, dans les temps de disette, font encore du pain de gland.

Les noix de galle sont des excroissances qui se forment sur les chênes à l’occasion de la piquure de quelques insectes ; peut-être que les différences des noix de galle ne dependent que de la variété des espèces d’insectes ; & que comme les insectes d’un pays ne sont pas tous pareils à ceux d’un autre pays, quoique peu éloigné, il arrive aussi que sur la même espèce de chêne, on voit croître en Italie des galles fermes, grosses, solides ; pendant qu’en France elles sont molles, petites, & ne sont proprement que de fausses galles. On remarque que sur les chênes d’autres effets de piquure d’insectes : tantôt ce sont des pommes écailleuses, grosses comme de petites noix ; d’autrefois des pommes unies de couleur de chair, soutenues par un pédicule, & grosses comme une noix avec son brou ; & quelquefois les chatons étant piqués deviennent des grappes succulentes, & représentent assez bien des grappes de groseilles ; si ce n’est qu’elles ne sont pas si rouges, & qu’elles sont doucâtres. Enfin, on observe des pelotons velus & chargés d’une espèce de coton qui enveloppe souvent le vert qui a donné occasion à l’épanchement de la sève, & aux dérangemens des fibres de l’écorce de cet arbre.

M. Cassini