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CHE

Chevalier qui ne se choisit une Maîtresse, dont il vouloit mériter l’estime par quelque action héroïque. Le Duc d’Albe lui-même, tout grave & tout sévère qu’il étoit, avoit dévoué la conquête du Portugal à une jeune beauté, auprès de qui il prétendoit que ses exploits guerriers lui tiendroient lieu de jeunesse.

Chevalier de la Table-Ronde. Voyez Table.

Chevalier ès Loix. C’étoit autrefois un titre honorable qui ne s’accordoit qu’aux Chanceliers & aux premiers Présidens du Parlement de Paris : cependant Charles IX l’accorda à un premier Président de Normandie.

On appelle burlesquement, Chevalier de l’industrie, un escroc, un filou, un parasite qui n’a point de bien, & qui ne subsiste que par son adresse aux dépens des autres. Fur, latro, parasitus. L’aventurier Buscon de Quévédo est le premier qui a été appelé Chevalier de l’industrie. Regnier parle d’un autre Chevalier burlesque :

L’un étoit de suivans de Madame Lappée,
Et l’autre Chevalier de la petite Epée.

Chevalier de l’Arquebuse. C’est celui qui est reçu dans la Compagnie de ceux qui tirent réglement, & à certains jours, au jeu de l’arquebuse. Eques sclopetarius.

Chevalier de la coupe, se dit, dans le style comique & burlesque, de celui qui aime l’honnête débauche de vin. Potator liberalis.

Reçois-nous dans l’heureuse troupe
Des francs Chevaliers de la Coupe. S. Amant.

Chevalier du lièvre. Nom donné par définition à quelques Gentilshommes campagnards. Voyez Lièvre.

Chevalier, pièce du jeu des échecs. On dit cavalier. Voyez ce mot.

Chevalier. Oiseau aquatique un peu plus gros qu’un pigeon. Il a le bec long, & les jambes si hautes, qu’il est comme à cheval, & c’est pour cela qu’on l’appelle Chevalier. Il y a de deux sortes d’oiseaux Chevaliers. Celui qu’on appelle Chevalier rouge, & l’autre Chevalier noir. Le Chevalier rouge, equus rufus, est de la grosseurs d’un pigeon. Son bec & ses jambes sont longues, & de couleur rouge, le dessus du bec est noirâtre. Sa tête, son cou, ses aîles & sa queue sont de couleur cendrée ; il a le ventre blanc. Ses plumes sont noires à la racine. Il a deux taches noires aux côtés des tempes, qui servent d’ombre aux sourcils, sur lesquels il y en a une blanche. Il a les piés fendus comme la pie de mer. Cet oiseau court très-légèrement, il fréquente les prairies & le bord des rivières & des étangs. Il se met à l’eau jusques aux cuisses. Sa chair est très-délicate, & ne sent pas la sauvagine. Il y a quantité de ces oiseaux en basse Normandie.

Le Chevalier noir, equus niger, dès sa naissance, a les jambes & le bec noir, à l’exception du dessus, qui est rougeâtre. Belon dit que si l’on ne considère point la tête, les jambes & les aîles du Chevalier noir, on trouvera qu’en tout le reste, il ressemble beaucoup au pigeon ramier, qui est entre cendré & noir. Il fait ses petits au mois d’Avril, & Belon dit qu’en ce temps-là il a beaucoup de ressemblance par le champ de son pennage au râle ; mais on n’en voit pas beaucoup en autre saison qu’en hiver. Il fréquente aussi les lieux marécageux, & vit comme le rouge. On croit que ces deux Chevaliers pouroient bien être le mâle & la femelle de la même espèce.

On a appelé Chevaliers les louis d’or de 25 au marc, dont la fabrication fut ordonnée en 1718. Ce nom leur est venu de la croix de Chevalier, qui étoit au revers.

CHEVALIÈRE. s. f. Eques femina. L’Ordre de S. Jacques de l’Epée, en Espagne & en Portugal, a des Religieuses qu’on appelle Religieuses Chevalières de S. Jacques de l’Epée. Voyez Jacques.

Les Chanoinesses de Nivelle, le jour de leur réception, qui se fait avec beaucoup de pompe & de magnificence, sont aussi reçues Chevalières de S. Georges. On leur présente un carreau de velours sur lequel elles s’agenouillent pendant la messe. A l’Evangile, elles tiennent à la main une épée nue, & à la fin de la messe, un Gentilhomme, après leur avoir donné l’accolade, leur donne trois coups du plat de l’épée sur le dos, & les reçoit ainsi Chevalières de S. George. P. Héliot, Tom. VI, c. 54.

Il y a en France des Chevalières de Malte dans trois cantons, à Toulouse, à Beaulieu en Quercy, & en Provence, près de Fréjus.

CHEVALINE. s. f. Vieux mot, qui ne se dit plus qu’à la campagne, de la nourriture ou du trafic des chevaux. Equorum commercium, pabulum. Ce pays est abondant en prairies, on y fait grande nourriture de chevaline, il y a bien des haras. Les paysans trafiquent en chevaline.

On dit encore bête chevaline, pour signifier un cheval ou une cavalle, & en ce sens-là il est adjectif & du style de pratique.

CHEVANCE. s. f. Vieux mot & hors d’usage, qui signifioit autrefois le bien d’une personne, tout ce qu’on possède. Bona, fortunæ. Ce Seigneur avoit une grande chevance, c’est-à-dire, il avoit beaucoup de bien. La Coutume de Senlis ne permet le don mutuel qu’entre les conjoints qui ont égalité d’âge & de chevance.

De haut savoir le Ciel ne m’a doté,
Mais d’Apollon je sai toucher la lyre.4’
Grosse chevance onque ne m’a tenté,
Et peu de bien a de quoi me suffire.

CHEVANTON. s. m. Vieux mot. Tison.

CHEVAUCHABLE. adj. Que l’on peut chevaucher. Vieux mot. Ragotin, depuis son trébuchement, quand la carabine tira entre ses jambes, fit serment de ne monter jamais sur un animal chevauchable, sans prendre toutes ses sûretés. Scarron, Rom. Com. t. 2, c. 2, p. 13.

CHEVAUCHÉE. s. f. Equestris excursio ; cavalcata dans la basse latinité. Visite que sont obligés de faire certains Officiers dans l’étendue de leur ressort, & qu’ils font d’ordinaire à cheval, comme les Elus, pour faire l’assiette de la taille ; les Prévots des Maréchaux, pour nettoyer la campagne de brigands ; les Trésoriers de France, pour voir si les chemins sont en bon état ; les Maîtres des eaux & forêts, pour conserver les forêts du Roi, &c. Et les rapports qu’ils en envoient au Conseil, sont appelés les procès-verbaux de chevauchée.

Devoir chevauché, c’est être obligé de monter à cheval pour défendre son Seigneur féodal dans ses querelles particulières. Le droit de chevauchée, est un ancien droit seigneurial, qui est la même chose que celui que nous appelons arrière-ban ; droit de faire marcher ses sujets ou vassaux à la guerre. Jus clientes suos ad militiam evocandi. Guillaume Artaud, Seigneur d’Aix, prétendoit avoir le droit de chevauchée dans le village du Moustier de Montelar ; le Prieur le nioit, & s’attribuoit même la haute-justice. Amédée, Evêque de Die, qu’ils prirent pour arbitre, fixa ce droit de chevauchée à dix hommes de pié armés, qu’il chargea le Prieur d’envoyer à Guillaume Artaud, dans les occasions où il armeroit pour la conservation de ses tours contre ses ennemis, ou pour leur recouvrement. Chorier, Hist. de Daup. Tom. II, p. 148. On a rapporté cet exemple, parce qu’il montre que ce droit n’obligeroit pas les vassaux à servir à cheval leur Seigneur, comme le nom semble le signifier.