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Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, II.djvu/60

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BRE

faire un grand coup, par lequel il a de quoi marquer trois trous à la fois.

Gagner une partie grande bredouille c’est marquer 12 trous de suite, tandis que l’autre joueur n’en marque aucun. Le premier qui commence à marquer un ou plusieurs trous, n’exclud pas l’autre du droit de gagner grande bredouille, pourvû que ce dernier fasse douze trous de suite sans interruption. La grande bredouille ne se paye qu’autant qu’on en est convenu au commencement du jeu ; alors celui qui fait douze trous se suite, gagne double en jeu, c’est-à-dire, autant que s’il gagnoit deux parties. Le premier qui commence à marquer, n’a pas besoin de distinguer son fichet ; mais lorsqu’il est interrompu, le second met une marque à son fichet, qu’on appelle cravatte ; c’est un jeton percé, ou un morceau de papier qui sert à connoître la suite non interrompue de ses trous. Cela s’appelle entrer en bredouille. Et quand le premier peut à son tour interrompre le second, il lui ôte sa cravatte, & alors ni l’un ni l’autre n’ont rien à prétendre sur la grande bredouille. Traité du Trictrac. Un tour bredouille, c’est quand on gagne 12 trous, ou partie de suite ; & alors on gagne le double de ce qu’on a mis au jeu, si l’on en est convenu. On appelle aussi bredouille, le jeton d’ivoire qui sert à marquer la bredouille.

Bredouille. Quelquefois & en quelques endroits on se sert du mot bredouille au jeu de piquet, & celui qui fait cent points avant que sa partie en ait cinquante, gagne la partie bredouille, c’est-à-dire, le double de ce qu’on joue.

On dit figurément, qu’un homme est en bredouille, lorsque ses affaires sont en désordre, & que cela lui a altéré l’esprit, ou ôté la liberté de la parole ; qu’il ne sait ce qu’il fait ou ce qu’il dit. On dit qu’une femme est sortie bredouille du bal, quand elle n’a point été prise pour danser.

On dit d’un homme qui est allé à des thèses pour y disputer, qu’il est sorti bredouille d’un acte, d’une dispute ; pour dire, qu’il en est sorti sans avoir pu y disputer.

BREDOUILLEMENT. s. m. Vice de langue qui empêche qu’on ne prononce bien ; ou action de celui qui bredouille & qui prononce mal. Oratio linguæ vitio mutilata, præpedita.

BREDOUILLER. v. n. Parler avec difficulté, ou trop vîte ; articuler mal, ne prononcer pas les mots assez distinctement pour se bien faire entendre. Verba frangere, sermones interscindere. Il ne faut pas s’accoutumer à bredouiller. Ce verbe, qui est neutre ordinairement, est aussi quelquefois actif, dans le discours familier.

En bredouillant maint terme saugrenu,
Il te fagote un compliment cornu. S. Amant.

BREDOUILLEUR, EUSE, adj. & s. Celui qui bredouille, qu’on ne peut entendre, parce qu’il parle mal ou trop vîte. Qui verba frangit.

☞ BREF, Brève, adj. Qui est de peu de durée. Brevis. Bref est relatif à la durée du temps.

☞ Le temps est bref. On prolonge le bref. On allonge le court. On étend le succint. M. l’Abbé Girard. Syn.

Bref, signifie quelquefois, qui est de petite étendue. Ce commentaire est trop bref ; cela le rend obscur. C’est faire un mauvais usage de ce mot.

☞ On a dit autrefois bref pour petit, de petite taille, mais ce mot n’est plus d’usage dans cette signification, qu’en parlant du Roi Péin, qu’on appelle encore Pépin le bref.

☞ Le féminin brève n’est guère usité qu’en parlant d’une syllabe, pour dire qu’on la prononce vîte à la différence de celle qu’on prononce lentement. Par exemple, la première syllabe de race est brève, & la première syllable de grâce est longue. Pour prononcer une brève, il ne faut que la moitié du temps qu’on emploie à prononcer une longue, ce que les Grammairiens expriment en ces termes ; une brève n’a qu’une temps, & une longue en a deux. Le mot brève dans ce sens, s’emploie très-souvent comme substantif. Dans les livres de Prosodie latine, les brèves, ou syllables brèves se marquent par une espèce d’v consonne que l’on met sur la voyelle brève.

☞ On dit proverbialement & figurément qu’un homme sait les longues & les brèves de quelque chose, pour dire qu’il en sait toutes les particularités ; & qu’on lui a fait observer les longues & les brèves ; pour dire, qu’on lui a fait exécuter ponctuellement tout ce qu’on lui avoit prescrit. On dit aussi ; de fou juge, brève sentence, parce qu’un mauvais juge prononce bien vîte & sans être suffisamment instruit. C’est le dire d’Aristote, qui advertit ad pauca, facilè judicat.

Bref adv. Enfin : pour le dire en peu de mots. Breviter. Après quelques propos, on dit bref il n’en sera rien. On dit aussi en bref, pour dans peu de temps. Ce mot est du style familier. On dit aussi familièrement ; parler bref, pour dire avoir une prononciation trop prompte, trop précipitée.

Bref, état de compte, terme de commerce : compte abrégé, qui n’est pas dressé & rendu en forme.

Bref. s. m. est une lettre que le Pape écroit aux Rois, Princes ou Magistrats, sur quelques affaires publiques. Summi Pontificis diploma, epistola, brève. On peut appeler comme d’abus des brefs du Pape, lorsqu’ils sont contre les libertés de l’Eglise Galicane. Il y a à Rome des Officiers qui sont les Secrétaires des brefs. On définit un bref Apostolique, un rescript émané du Pape, ou du grand Pénitencier, sur des affaires brièves, légères & succinctes, expédié ordinairement en papier, sans préface, & sans préambule. Le Pape ne le souscrit point. Les brefs qui s’expédient par la Daterie & Secrétairerie sont aussi quelquefois sur du parchemin, & scellés de cire rouge du sceau du Pêcheur, qui est un cachet sur une bague où S. Pierre est représenté dans une barque en état de Pêcheur : il ne s’applique qu’en la présence du Pape. Il y a cette différence entre le bref & la Bulle, c’est que la Bulle est plus ample, qu’elle s’expédie toujours en parchemin, & qu’elle est scellée de plomb, ou de cire verte. Le bref est souscrit du nom du Secrétaire, & non pas du nom du Pape ; son adresse est sur l’envers. Il contient en tête le nom du Pape, séparé, & après Dilecto filio salutem & apostolicam benedictionem, &c. A notre cher fils salut & bénédiction apostolique ; & ensuite sans préambule, il explique simplement ce que le Pape dit, ou accorde. Voy Bulle.

Le Pape Alexandre VI, a beaucoup amplifié la matière des brefs, & c’est lui qui a institué le Collége des Secrétaires. Autrefois les brefs ne regardoient que les affaires de Justice ; aujourd’hui on les accorde pour des grâces, pour des dispenses. Voyez M. Auboux dans la Véritable Pratique Civile & Criminelle pour les Cours Ecclésiastiques, &c.

Ce mot vient de brevis, ou brève, qui se trouve dans les Anciens pour signifier écrit, ou lettre, comme on le peut voir dans les Acta SS. April. T. I, p. 413. Nos ancêtres disoient brief ; & en allemand on appelle encore à présent brief une lettre missive. De-là est aussi venu le mot de brevet. Ménage.

Bref, en plusieurs coutumes, se dit des lettres de Chancellerie qu’on obtient pour intenter action contre quelqu’un ; ou pour être maintenu, ou pour rentrer en possession d’un héritage, ou pour quelqu’autre raison. On se servoit autrefois du mot bref, pour toutes les actions qu’on intentoit en Justice. Cet usage s’est conservé en Angleterre.

Bref, est aussi un petit Calendrier ecclésiastique, qui contient l’ordre de réciter l’Office divin chaque jour de l’année, & selon le Rit de chaque Diocèse ou ordre Monastique. Ordo recitandi Officii divini. Le bref de Rome. Le bref de Paris. Le bref des Bénédictins. ☞ Dans plusieurs endroits on