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CLO

dix livres, sa circonférence de 30 piés, & son diamètre de 8 piés & un tiers. Nankin, ville de la Chine, étoit célèbre autrefois par la grandeur de ses cloches ; mais leur poids énorme ayant emporté le donjon où elles étoient suspendues, tout le bâtiment tomba en ruines ; & les cloches sont depuis demeurées à terre, sans qu’on se soit mis en devoir de les remonter. La hauteur d’une de ces cloches est de onze piés de Roi, & son anse de deux. Son diamètre, pris dans la plus grande largeur, en a sept, si on y comprend l’épaisseur des bords. La circonférence extérieure est de 22 piés ; & quoiqu’elle diminue en montant, ce n’est pourtant pas en même proportion que nos cloches d’Europe, car sa figure est presque cylindrique, à la réserve d’un renflement considérable qui paroît vers le milieu, où le contour est aussi grand que celui de ses bords. Elle est entourées de plusieurs moulures, filets & platebandes. Le limbe inférieur a six pouces & demi d’épaisseur, ce qui diminue toujours jusqu’à la courbure, où commence la conoïde ; de sorte que sous l’anse elle n’est tout au plus épaisse que de deux pouces. Ce qui se peut mesurer assez précisément, parce qu’on y laisse un trou pour augmenter le son, suivant l’opinion des Chinois. Ces cloches ont été fondues sous le premier Empereur de la Dynastie précédente, qui régnoit il y a plus de 300 ans. Elles ont chacune leur nom particulier. La Pédante, Tohoui ; la Mangeante, Ché, la Dormante, Choui ; la Volonté, fi. Il n’y en avoit que trois dans Nankin ; mais la Géographie chinoise en marque une quatrième au-delà du fleuve Kiam. Supposant que le pié cubique de cuivre pese six cens quarante-huit livres, la cloche dont on a pris les mesures peseroit environ quatre-vingt-dix milliers, si sa grosseur & son épaisseur étoient par tout égales. Pour la grosseur il n’y a pas beaucoup de différence ; mais l’épaisseur diminue uniformément jusqu’à l’anse, où elle a deux pouces ; ainsi prenant quatre pouces & un peu plus pour la moyenne proportionnelle, & supposant l’alliage un peu moins pesant que le cuivre, la cloche, avec son anse, pesera environ cinquante milliers, c’est-à-dire, qu’elle sera deux fois plus pesante que celle d’Erfort, que le P. Kirker dit être la plus grande cloche du monde. Mais il y en a à Pékin sept autres fondues sous le règne d’Youlo, il y a près de 300 ans, dont chacune pese six-vingt mille livres. Leur ouverture a douze piés de diamètre ; elle en ont 40 de circuit, & douze de hauteur sans compter l’anse, qui est pour le moins de 3 pieds. Mais autant que les cloches de la Chine surpassent celles d’Europe en grandeur, autant leur sont-elles inférieures par la beauté du son, soit que notre métal soit plus pur, & l’alliage mieux observé, soit que la figure & la fonte des nôtres en soient meilleures. Leur son est extrêmement obscur, parce qu’on ne les frappe pas avec un battant de fer, ou de quelqu’autre métal, mais avec un marteau de bois. Les Chinois ont dans toutes leurs villes de fort grandes cloches destinées à marquer les veilles de la nuit. P. Le Comte. Jean Struys dit dans ses voyages, que les cloches de Moscou pèsent trois cens quatre-vingt-quatorze mille livres.

Il se fait un frémissement de chaque partie de la cloche lorsqu’elle sonne ; & le P. François Maria Grimadie soûtient dans sa Physique, que le moindre coup qu’on frappe sur une cloche fait approcher & éloigner successivement toutes ses parties les unes des autres, & que c’est ce frémissement qui cause le son. Voyez Son. On a observé que les cloches s’entendent de plus loin dans les plaines, que sur les montagnes ; & que celles de vallées se font encore entendre plus loin que celles des plaines. Les Religieux s’assemblent capitulairement au son de la cloche. C’étoit autrefois l’office des Prêtres de sonner les cloches, & sur tout dans les Cathédrales, & on les appeloit Klockmans. Ce nom qui est Allemand, ou de l’ancien Celtique, ou de l’ancien Franc, & qui signifie Homme des cloches, est encore en usage dans l’Eglise d’Amiens. On a appelé cloche banale, la cloche du béfroi, ou la cloche de la Commune. On fait un bruit, un carillon de cloches dans les réjouissances publiques, & dans les Fêtes de l’Eglise.

Les Bollandistes, Febr. T. I, p. 423. T. III, p. 104 E. 105 B. & Ménage dérivent de mot de cloca, ou clocca, cloccum, qui se trouve en ce sens dans la vie de S. Anschaire, dans celle de S. Rambert & de S. Liobe, dans les Capitulaires de Charlemagne, & dans d’autres Auteurs du même siècle. Or clocca, ou cloca, vient de l’Allemand, cloche, ou plutôt gloccke, signifiant la même chose. Et ce qui prouve cette origine allemande, c’est qu’on trouve aussi glocca & glogga dans la basse Latinité. Fauchet croit que c’est un vieux mot françois, parce que l’aller & le revenir d’une cloche représente l’allure d’un boiteux, ce qu’on appeloit clocher. Il y a plus d’apparence qu’il vient de cloch, qui est un mot du langage armorique, ou bas-breton, qui signifie cloche. D’autres le dérivent de clangor, parce que c’étoit au son des cloches qu’on signifioit le jeûne, ou la pénitence ; d’autre du Grec καλεῖν (kalein), qui signifie vocare, d’où les Latins ont fait calata comitia ; d’autres du Grec κλαζεῖν (klazein), qui signifie sonner avec la bouche. Quelques-uns le dérivent de cochlea, à cause de sa figure. Du Cande enfin le dérive du Saxon clugga. Et quelques-uns dérivent tous ces mots du Latin glocire. Jérome Magius, dans les fers chez les Turcs, écrivit deux traités, l’un des Cloches, l’autre du Chevalet, sans autre secours que celui de sa mémoire. Vign. Marv.

On tient que les cloches ont été inventés à Nole, dont saint Paulina a été Evêque, ou que du moins c’est lui qui en a introduit l’usage dans le service divin : ce qui les a fait appeler Nolæ & Campanæ, parce que Nole est dans la Campagne de Rome. On peut néanmoins douter si les cloches n’ont point été appelées Campanæ & Nolæ, non, parce qu’elles ont été inventées à Nole, ou dans la Campagne de Rome ; mais parce qu’on a trouvé dans la Campagne d’Italie la manière de les suspendre & de les balancer comme l’on fait ; ou bien qu’on les a suspendues & balancées ainsi sur le modèle d’une balance inventée ou usitée dans la Campagne d’Italie ; car on trouve en Latin un contrepoids, ou balance appelée Campana statera ; & en Grec Καμπανιξεῖν (Kampanixein), pour ponderare, dans Nicétas Choniates. Quelques-uns font distinction, & appelent les grandes cloches, campanæ, & les petites ou sonnettes nolæ. Ce mot se dit proprement des grelots qu’on met au collier des chiens, aux piés des oiseaux, & au poitrail des chevaux & mulets. On a dit aussi, Nolæ refectorii ; & on a donné le même nom à ces cloches qu’on sonne pendant l’élévation de l’Hostie. Polydore Virgile en attribue l’invention au Pape Sabinien qui succéda à S. Grégoire, & qui le dernier se qualifia Evêque de Rome. Mais il se trompe ; car S. Jérome, contemporain de S. Paulin, a parlé d’une cloche. Dans la vie de S. Loup, qui vivoit au commencement du VIIe siècle, il est parlé d’une cloche qui étoit dans l’Eglise pour appeler le peuple. Le Pape Sabinien n’inventa pas les cloches, mais il ordonna que l’on distingueroit les heures canoniques par le son d’une cloche. Ovide, Tibulle, Martial, Stace, Manilius, & les Auteurs Grecs font mention de cloches ; tintinnabula, & d’airain bruyant, crepitantia, strepitantia æra. Il ne suit pas néanmoins de-là que ce fussent des cloches. Suétone, Dion, Strabon, Polybe, Josephe, & autres, en ont fait aussi mention sous les noms de petasus, tintinnabulum, æramentum, crotalum, signum, &c. En effet Polydore Virgile de Inv. Rer. L. VI, C. 12. ne dit pas, comme on l’a écrit dans la première édition de ce Livre, que le Pape Sabinien, Successeur de S. Grégoire, fût l’inventeur des cloches ; mais seulement que c’est lui qui introduisit l’usage d’appeler le peuple aux saints Offices au son des cloches. Hieronymus Magius, dans le Livre qu’il a fait exprès de tintinnabulis, en fait voir l’antiquité. Quelques Auteurs