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CLO

croient que nos cloches, sur tout les grosses, sont une invention nouvelle. Leur raison est que le nom en est moderne. Il ne paroît pas qu’on ait eu de grosses cloches beaucoup avant le sixième siècle. En 610, Loup Evêque d’Orléans étant à Sens, que l’armée de Clotaire assiégeoit, l’étonna si fort en faisant sonner les cloches de l’Eglise de S. Etienne, que toute l’armée prit la fuite. Peuve que ce n’étoit point une chose encore fort connue, ni fort usitée. Bede, L. VI C. 23. nous apprend que sur la fin du même siècle il y en avoit en Angleterre, & qu’on s’en servoit pour appeler à la prière. Les Religieux de l’Abbaye d’Aumale, se vantent d’avoir les plus anciennes cloches de toute la Normandie. Descript. Geogr. & Hist. de la Haute-Normandie, to. 1, p. 26, C. 3.

Les Grecs n’ont connu les cloches qu’au IXe siècle. C’est un Vénition qui leur en apprit la fabrique. Il n’est pas vrai que dans l’Eglise Orientale l’usage des cloches ait été tout-à-fait inconnu, & qu’on y ait toujours appelé le peuple au service avec des maillets de bois, comme on fait présentement. Léo Allatius dans sa Dissertation touchant les Temples des Grecs, pour le contraire par George Pachymere & par Michel Psellus, qui font mention des cloches qui étoient dans quelques Temples ou Eglises des Grecs. Il prétend qu’après la prise de Constantinople l’usage des cloches fut défendu par les Turcs, de peur que leur son ne fût contraire au repos des ames, qui sont selon eux errantes dans l’air. Il ajoute que l’usage des cloches est encore dans quelques endroits qui sont éloignés de tout commerce des Turcs, & qu’il y en a de très-anciennes au mont Athos. Le P. Jérôme Dandini suppose aussi, dans son voyage du mont Liban, qu’il y avoit de véritables cloches dans les Eglises des Grecs avant qu’ils fussent sous la domination des Turcs, qui en ont fait, dit-il, des pièces d’artillerie. M. Simon, dans ses remarques sur ce voyage, croit que les Turcs n’ont privé de l’usage des cloches les Chrétiens de leur obéissance, que par des raisons de politique, parce que le son des cloches peut servir de signal pour l’exécution des révoltes, & pour donner l’alarme par tout en peu de temps. Voyez Minaret. En 1548 la ville de Bourdeaux fut privée de ses cloches pour cause de rébellion. Elles lui furent rendues peu de temps après par Henri II.

Mathieu Paris dit qu’autrefois, pendant le deuil, l’usage des cloches étoit défendu ; d’où vient qu’on ne les sonne point le Vendredi saint : mais aujourd’hui on en fait une des principales cérémonies des enterremens. Les Egyptiens n’ont que des cloches de bois, à la réserve d’une seule de fonte qui a été apportée par les Francs dans le Monastère de S. Antoine. Ils en attribuent l’invention à Noé, qu’il disent avoir fait la première par le commandement de Dieu. L’on a expliqué les usages d’une cloche en deux vers techniques latins que voici,

Laudo Deum verum, plebem voco, congrego Clerum,
Defunctos ploro, pestem fugo, festa decoro.

C’étoit une ancienne coutume de sonner les cloches pour un moribond, afin d’avertir les Fidèles de prier pour lui ; comme l’a remarqué le Pere Mabillon, Acta SS. Bened. Sæc. III, P. I, Præf. N. 102. C’est de-là que le son que l’on sonne pour un mort, & qui s’appelle ailleurs un Clas, s’appelle à Reims l’Abbé mort, par corruption pour l’Abboi de la mort.

La coutume de sonner les cloches aux approches du tonnerre n’est pas nouvelle, mais ce n’étoit pas seulement pour ébranler l’air qu’on les sonnoit ; c’étoit pour assembler le peuple, qui alloit à l’Eglise prier Dieu de préserver la Paroisse des effets de ce terrible météore. Lobineau, T. I, p. 847.

Durand, dans son Rationale Divinor. Officiorum, L. I, C. 4, distingue six espèces de cloches. La première est celle qui sert dans les Communautés au Réfectoire, & s’appelle squilla. La seconde, qu’il nomme cymbalum, sert au cloître. La troisième, nola, dans le chœur. La quatrième, nolula, est celle de l’horloge ; la cinquième, qui se met dans le clocher, s’appelle campana ; & la sixième, qui est celle des tours, signum.

On fait une cérémonie pour le baptême ou la bénédiction des cloches. Cette cérémonie est très-ancienne, aussi bien que nom de baptême qu’on lui donne ; car on dit baptême d’une cloche, baptiser une cloche ; comme Yves de Chartres rapporte qu’on baptisoit autrefois les Eglises, au lieu de dire qu’on les bénissoit. Quelques Auteurs écrivent que cette coutume de baptiser les cloches fut introduire par le Pape Jean XIIIe en 972 ; mais il est manifeste qu’elle est plus ancienne, puisqu’un Capitulaire de Charlemagne de l’an 789, défend de baptiser les cloches, & qu’au rapport d’Alcuin, cet usage étoit établi long temps avant le VIIIe siècle. Cela doit donc d’entendre d’un reglement que fit Jean XIIIe, d’un ordre qu’il porta de baptiser ou de bénir les cloches qui doivent servir à l’Eglise, parce que cet usage, déja ancien, avoit été interrompu, ou négligé, &c. Le Roi Robert, faisant faire en 1029 la Dédicace de l’Eglise de S. Agnan d’Orleans, y donna entre autres présens cinq cloches, dont l’une, qu’il avoit fait baptiser, & à laquelle il avoit donné son nom, pesoit deux milles six cens. Ce qui montre qu’alors la bénédiction des cloches s’appeloit encore baptême, & que la défense du Capitulaire de Charlemagne n’eut point de lieu, ou dura peu. Le Moine Helgaud, qui rapporte ce qu’on vient de dire, marque qu’on y employoit l’huile & le chrême. Voyez Baptême & Baptiser. Par Arrêt du Parlement de Paris en 1603, l’on a jugé qu’un Fondeur de cloches peut les revendiquer, & les faire dépendre de l’Eglise, quoiqu’elles aient été bénites & consacrée, quand il n’a pas été payé de la valeur.

Cloche s’emploie proverbialement en ces phrases. Il est temps de fondre la cloche ; c’est-à-dire, de terminer une affaire, de prendre la dernière résolution. Etre étonné, être penaut comme un Fondeur de cloches ; c’est-à-dire, être confus & muet, voyant qu’une affaire qui pouvoit être bonne, nous a mal réussi par notre faute.

A ce discours, Godard mille dois plus surpris
Que ne l’est un fondeur de cloche,
Tire son écu de sa poche. Nouv. ch. de vers.

On dit aussi de ceux qui disent tantôt d’une façon, tantôt de l’autre, qu’ils sont comme les cloches, qu’on leur fait dire tout ce qu’on veut. On appelle Gentilshommes de la cloche, ceux qui ne sont nobles que pour avoir passé en de certaines charges de Mairie, ou d’Echevinage, qui se donnent au son de la cloche. On dit qu’on fait sonner la grosse cloche, quand on fait parler le maître, celui qui a l’autorité pour conclure. On dit aussi, qu’un homme n’est pas sujet à un coup de cloche ; pour dire, qu’il n’est pas sujet à se rendre à une certaine heure à son devoir, à dîner, souper, &c.

Clochesse dit, en guerre, du droit que le Grand Maître de l’Artillerie a sur les cloches des Eglises & sur tout le métal d’une place qui a été battue du canon. Les habitans achetent ce métal, & payent une certaine somme pour les cloches.

Cloche des alarmes. On appelle ainsi dans les villes de guerre & les Citadelles, une cloche qui sert à donner l’alarme, pour avertir contre les surprises de l’ennemi ; elle est placée communément dans la maison du Gouverneur.

Cloches se dit aussi de certains vaisseaux aux ustensiles qui ont la figure d’une cloche. Les Jardiniers mettent des cloches de verre sur les melons pour les garantir des injures de l’air. Testa vitrea. On fait