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les apparences des couleurs de tous les objets naturels, & distribuer aux objets artificiels la couleur qui leur est la plus avantageuse pour tromper la vue. De Piles.

Couleur & Coloris considérés dans une signification synonyme. La couleur, dit M. l’Abbé Girard, est ce qui distingue les traits, & forme l’image visible des objets par ses variétés. Le coloris est l’effet particulier qui résulte de la qualité & de la force de la couleur, par rapport à l’éclat, indépendamment de la forme & du dessein. La première a ses différences objectives divisées par espèces, & ensuite par nuances. Le second n’a que des différences qualificatives divisées par degrés de beauté & de laideur.

☞ Le bleu, le blanc, le rouge sont différentes espéces de couleur : le pâle, le clair, le foncé sont des nuances : mais rien de tout cela n’est le coloris ; parce qu’il est le tout ensemble pris en général, dans son union, par une sensation abstraite & distinguée de la sensation propre & essentielle des couleurs.

☞ Les tableaux du Titien excellent par la beauté du coloris ; & l’on dit qu’ils en sont redevables à l’art particulier que ce Peintre avoit de préparer & d’employer les couleurs.

☞ Quoique le terme de coloris s’étende sur tous les objets, il a cependant plus de rapport aux carnations qu’à toute autre chose, parce qu’on y remarque mieux les teintes, les demi-teintes, le travail de la peau, la fonte du pinceau, en un mot, tout ce qui le forme.

Un traité du coloris comprend ce qui regarde la nature des couleurs, l’union & l’amitié qu’elles ont entr’elles, la manière de les employer pour produire ces beaux effets de clair & d’obscur, qui aident à faire paroître le relief des figures & les enfoncemens dans les tableaux : ce qui regarde la perspective aérienne, qui n’est autre chose que l’affoiblissement des couleurs par l’interposition de l’air, les accidens lumineux & du diaphane qui se remarquent dans la nature, les différentes lumières, tant des corps illuminans que des corps illuminés, leurs réflexions, leurs ombres, les différentes visions ou aspects, selon la position du regardant, ou des choses regardées, les apparences des corps dans l’eau, ce qui produit cette force, cette fierté, cette douceur, & ce précieux, qui se trouvent dans les tableaux bien coloriés, les diverses manières de coloris, tant aux figures qu’aux paysages. Félib. Voyez M. De Piles, dans son Cours de Peinture, Léonard de Vinci, &c.

☞ On dit, d’un teint frais & vermeil, voilà un beau coloris. Acad. Fr. Vividus color.

Coloris se dit aussi des changemens causés sur le visage par certaines passions. Certains mouvemens du cœur répandent un coloris charmant sur le visage des Dames, & même de celles qui sont le moins partagées en couleur.

☞ On cherche à mettre ce mot à la mode, en parlant des ouvrages d’esprit. L’esprit ne paroît jamais avec plus d’avantage, que lorsqu’il reçoit la loi du cœur. Les pensées les plus ingénieuses prennent alors le coloris du sentiment. Nos Comédies modernes sont remplies de moralités, de portraits hors d’œuvre, de scènes décousues, de petits sentimens, de jolies pensées ; & tout cela est revêtu d’un coloris de jargon précieux & méthaphysique qui exerce la pointe de l’esprit, & qui fait baîller la raison.

Coloris est aussi un terme de Fleuriste. C’est la couleur vive & brillante d’une fleur. Il y a dans les fleurs plusieurs sortes de coloris ; il y a un coloris lustré, un satiné, & un velouté. Le brillant du coloris est charmant dans les fleurs. Plus le coloris des tulipes est lustré & satiné, & plus il est estimé.

Il se dit aussi des fruits, en termes de Jardinier. Ce fruit prend un beau coloris. Voilà une pêche d’un coloris admirable. Ce coloris est un petit rouge qui se fait voir sur les fruits, tant à noyau, qu’à pepin. Liger.

COLORISATION, s. f. est un terme de Pharmacie, qui se dit de divers changemens de couleur qui arrivent aux substances en diverses opérations de la nature ou de l’art, comme par les fermentations, coctions, &c. ☞ soit pour leur donner une couleur plus agréable, soit pour les déguiser & en cacher la composition. Colorum mutatio.

Colorisation, en termes de Peinture, se dit pour la manière de colorier, de distribuer, de ménager les couleurs dans un tableau. Voy. Colonne & Coloris.

COLORISTE. s. m. Peintre qui entend bien le coloris, miscendi, inducendi coloris peritus, & qui donne du coloris à ses figures.

Coloriste se dit, dans le figuré, d’un Ecrivain qui représente bien ses caractères, &c. L’Abbé de Saint-Réal essaya de peindre Charles Emmanuel., Duc de Savoie, mais, quoiqu’il fut excellent coloriste, il se défia de son pinceau ; & s’il commença le portrait de ce Prince, il n’osa l’achever. Mémoires de Trévoux. ☞ Un homme d’esprit a dit, en parlant de nos Poëtes modernes : on ne paroît chercher maintenant que les beautés de détail : une pièce n’est souvent qu’un composé de morceaux rapportés. Ils ont de l’éclat ; mais il n’en résulte pas un tout qui seul a droit de charmer. ainsi peut-être, nous avons des Coloristes, mais nous manquons de Dessinateurs.

☞ On a fait aussi un adjectif de ce mot. Les blancs particuliers & artificiels ne sont pas de vrais blancs. Ils portent tous une petite teinte qui se fait sentir à un œil coloriste. Castel.

COLORITE. s. m. Nom de Religieux. Colorita. Les Colorites sont une Congrégation d’Augustins, qui commença par les soins de Bernard de Rogliano, dans la Calabre citérieure, vers l’an 1530. Elle se soûmit, & se réunit à l’Ordre des Hermites de S. Augustin l’an 1600. Elle a pris son nom d’une petite montagne, nommée Colorito, située proche du village de Morano, au diocèse de Cassano, dans la Calabre citérieure, province du royaume de Naples. Il y avoit sur cette montagne une église dédiée à la Sainte Vierge. Bernard, qui étoit un saint Prêtre du village de Rogliano, s’y retira, & bâtit une cabanne proche de cette église ; & s’étant revêtu d’un habit d’Hermite, il donna commencement à la Congrégation des Colorites.

☞ COLORNO. Colurnium. Petite ville d’Italie, dans le Parmesan, près de la rive du Pô.

☞ COLOSSAL, ALE. adj. m. & f. Qui est d’une grandeur démesurée, fort au dessus de la naturelle. Colossoeus ou Colossicus. La figure de S. Christophe de l’Eglise de Paris est colossale. On appelle aussi colonne colossale, une colonne d’une prodigieuse grandeur, en sorte qu’elle ne peut entrer dans une ordonnance d’Architecture ; elle doit être solitaire, comme la colonne de Trajan. On ne les élevoit que pour les Dieux. Néron le premier fit ériger pour lui une statue colossale. On trouve dans le Moréry Colossique, des statues colossiques. On ne sait où l’on a pris ce mot.

COLOSSE. s. m. Statue de grandeur démesurée, de la taille d’un Géant. Colossus. Le colosse de Rhodes étoit une statue d’Apollon, si haute, que les navires passoient à pleines voiles entre ses jambes. Les Rhodiens le firent élever après que Démétrius, qui assiégeoit leur ville, eut fait la paix avec eux, & se fut retiré. C’etoit une des sept Merveilles du Monde. Il avoit soixante-dix coudées de hauteur. Ce fut l’ouvrage de Charès, disciple du fameux Lysippe. Il fut douze ans à le faire. Il y avoir peu de gens qui pussent embrasser son pouce, &c. Les Sarrasins s’étant saisis de l’Île de Rhodes en 653, trouvèrent étendu par terre ce colosse ☞ qu’un tremblement de terre avoit fait tomber. Un Juif, à qui les Sarrasins le vendirent, l’ayant fait mettre en pièces, chargea neuf cens chameaux de l’airain dont il étoit fabriqué. L’an 74 de Jesus-Christ, on dressa à Rome, dans la rue sacrée, un colosse d’airain de cent ou cent dix piés de haut. Il avoit été fait pour Néron ; mais au lieu de sa tête, on y mit une représentation du Soleil, sous la figure de Tite, selon quel-