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Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, II.djvu/828

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CON

☞ Il faut donc éclairer sa conscience, la consulter, & en suivre ses conseils. Eclairer sa conscience, en s’instruisant exactement de la volonté du Législateur & de la disposition des loix, afin d’avoir de justes idées de ce qui est ordonné, défendu ou permis, sans quoi le jugement que nous ferions de nos actions seroit vicieux : connoître parfaitement l’action dont il s’agit, faire attention aux circonstances qui l’accompagnent, & aux conséquences qu’elle peut avoir ; sans quoi l’on pourroit se méprendre dans l’application des loix, dont les dispositions générales souffrent plusieurs modifications, suivant les différentes circonstances qui accompagnent nos actions ; ce qui influe nécessairement sur leur moralité & sur nos devoirs.

☞ Nous devons faire usage de ces connoissances pour diriger notre conduite. Il faut donc, quand il est question d’agir, consulter sa conscience, & en suivre les conseils. C’est là une obligation indispensable ; car la conscience étant, pour ainsi dire, le ministre & l’interprête des volontés du Législateur, les conseils qu’elle nous donne ont toute la force & l’autorité d’une loi, & doivent produire le même effet sur nous.

☞ On s’abuseroit donc grossièrement, si, sous prétexte que la conscience est la règle immédiate de nos aurions, l’on croyoit que chacun peut toujours faire légitimement tout ce qu’il s’imagine que la loi permet ou ordonne. Car la conscience n’a quelque part à la direction des actions humaines, qu’autant qu’elle est instruite de la loi, à qui seule il appartient proprement de diriger nos actions.

☞ Avant que de se déterminer à suivre les mouvemens de sa conscience, il faut examiner si l’on a les lumières & les secours nécessaires pour juger de la chose dont il s’agit ; sans quoi l’on ne peut rien entreprendre sans une témérité inexcusable & très-dangereuse.

☞ Supposé qu’en général on ait ces lumières & ces secours nécessaires, il faut voir ensuite si l’on en a fait actuellement usage, en sorte qu’on puisse, sans un nouvel examen, se porter à ce que la conscience suggère.

☞ Quand on a fait tout cela, on a fait tout ce que l’on pouvoit & ce que l’on devoit faire ; & il est moralement certain que l’on ne peut ni se tromper dans ses jugemens, ni s’égarer dans ses déterminations. Si, malgré toutes ces précautions, il arrivoit encore de se méprendre, ce seroit pour lors une faute de foiblesse, inséparable de l’humanité, & qui porteroit son excuse avec elle aux yeux du Souverain Législateur.

☞ Nous jugeons de nos actions avant que de les faire. C’est la conscience antécédente ; ou après les avoir fait, c’est la conscience subséquente. Un homme sage doit consulter sa conscience avant que d’agir, pour sçavoir si ce qu’il va faire est bien ou mal : & après avoir agi, pour se confirmer dans le bon parti, s’il l’a pris, ou pour redresser son tort, s’il s’est trompé dans son premier jugement, & se précautionner contre de pareilles fautes à l’avenir.

☞ La conscience subséquente est tranquille ou inquiète, suivant que le jugement que nous portons de notre conduite, après cette révision, nous absout ou nous condamne.

☞ La conscience est décisive ou douteuse, suivant le degré de persuasion où l’on est au sujet de la qualité de l’action. L’on doit se porter promptement, volontiers & avec plaisir à ce qu’une conscience décisive ordonne. Se déclarer contre les mouvemens d’une telle conscience, c’est le plus haut degré de dépravation & de malice. A l’égard de la conscience douteuse, lorsque l’esprit demeure comme en suspens par le conflit des raisons qu’il voit de part & d’autre, & qui lui paroissent d’un poids égal, il ne faut rien négliger pour se tirer d’incertitude, & s’abstenir d’agir, tant que l’on ne sçait pas si l’on fera bien ou mal. Sans cela, on témoigneroit un mépris indirect pour la loi, en s’exposant volontairement au hasard de la violer ; mais si l’on se trouve dans des circonstances où l’on soit nécessairement obligé de se déterminer & d’agir, il faut par une nouvelle attention, tâcher de démêler quel est le parti le plus probable, le plus sûr, & dont les conséquences soient les moins dangereuses.

☞ Dans la conscience scrupuleuse, qui est produite par des difficultés légères & frivoles, qui s’élèvent dans l’esprit, quoi que l’on ne voie d’ailleurs aucune bonne raison de douter ; de tels scrupules ne doivent pas nous empêcher d’agir, s’il le faut ; & l’on en sera bientôt délivré, si l’on examine la chose attentivement.

☞ Dans la conscience probable, où le jugement qu’on porte n’est fondé que sur des vraisemblances, sans qu’on en puisse démontrer la certitude par des principes incontestables, quoique l’on soit bien convaincu de sa vérité ; on doit faire tout son possible pour augmenter le degré de vraisemblance de ses opinions ; & il ne faut se contenter de la probabilité, que quand on ne peut pas faire mieux.

☞ La plus grande difficulté est pour la conscience erronée. La conscience décisive est droite ou erronée, suivant qu’elle décide bien ou mal. Celui qui croit devoir s’abstenir de la vengeance proprement dite, quoique la loi naturelle permette une légitime défense à une conscience droite. Celui qui pense que la loi qui veut qu’on soit fidèle à ses engagemens, n’oblige pas envers des hérétiques, & que l’on peut légitimement s’en dispenser à leur égard, a une conscience erronée. On demande ce qu’il faut faire dans une conscience erronée.

☞ Il faut toujours suivre les mouvemens de sa conscience, lors même qu’elle est erronée, & soit que l’erreur soit vincible ou invincible.

☞ Cette règle peut d’abord paroître étrangère, dit Burlamaqui, puisqu’elle semble prescrire le mal ; car on ne sçauroit douter que celui qui agit suivant une conscience erronée, ne prenne un mauvais parti ; mais ce parti est encore moins mauvais, que si l’on se déterminoit à faire une chose que l’on est fermement persuadé être contraire à la disposition des loix ; car cela marqueroit un mépris direct du Législateur & de ses ordres, au lieu que le premier parti, quoique mauvais en foi, est cependant l’effet de la disposition louable d’obéir au Législateur, & de se conformer à sa volonté.

☞ Mais celui qui suit les mouvemens d’une conscience erronée n’est excusable que lorsque l’erreur est invincible ; car si l’erreur est vincible, & que l’on se trompe sur ce qui est ordonné ou défendu, l’on pèche également, soit qu’on agisse suivant sa conscience, ou contre ses discours, ce qui fait voir combien on est intéressé à éclairer sa conscience, puisque dans le cas dont nous parlons, on est dans la triste nécessité de faire mal, quelque parti que l’on prenne.

☞ Si l’on ne se méprend qu’au sujet d’une chose indifférente, & que l’on se soit faussement persuadé qu’elle est ordonnée ou défendue, on ne pèche alors que quand on agit contre les lumières de sa conscience.

En Métaphysique, on entend par la conscience ce que d’autres appellent sens intime, c’est-à-dire le sentiment intérieur qu’on a d’une chose donc on ne peut former d’idée claire & distincte. Dans ce sens, on dit que nous ne connoissons notre ame, & que nous ne sommes assurés de l’existence de nos pensées, que par la conscience ; c’est-à-dire par le sentiment intérieur que nous en avons, & par ce que nous sentons ce qui se passe en nous-mêmes.

Un directeur de conscience est celui qui conduit les ames dans les voies de la vie spirituelle, qui lève les doutes & les scrupules d’une conscience timorée ou trop délicate. On appelle une conscience cautérisée, une conscience endurcie & insen-