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CON

sible aux reproches & aux remords. On dit, je mets cela sur votre conscience ; c’est-à-dire, je vous en rens responsable devant Dieu. Cet homme n’a point de conscience ; c’est-à-dire, il n’a ni scrupules ni remords.

Conscience, se dit aussi du secret du cœur. Conscientia, animus. Cet homme a déchargé sa conscience ; c’est-à-dire, tout ce qu’il sçavoit, tout ce qu’il avoit sur le cœur. Il parle contre sa conscience ; c’est-à-dire, contre sa propre connoissance, contre ce qu’il sçait. Jurer contre sa conscience, c’est faire un serment contre ses lumières intérieures, en dissimulant, ou en cachant les secrets sentimens du cœur.

On dit proverbialement d’un homme qui ne se fait point scrupule de choses qui devroient lui en faire, qui décide hardiment & prend le parti le plus lâche ; qu’il a la conscience large comme la manche d’un Cordelier. Cela ne se dit que dans le style familier & en badinant. Qui n’a conscience, n’a rien.

Conscience, (En) adv. de bonne foi, selon les loix de la justice. Sincerè, ingenuè, verè. Je vous dis cela en conscience, en vérité. Ce Marchand vend les choses en conscience, il ne trompe point.

On dit aussi, en conscience, vous avez tort ; pour dire, certainement cela n’est pas vrai. En conscience, êtes vous dans ce sentiment ?

On appelle liberté de conscience, la liberté qu’on accorde en quelques pays aux particuliers de croire ce qu’il leur plaît, de professer la religion qu’ils jugent à propos. Un autre vain fantôme vous trompe encore sous une apparence d’équité naturelle, & avec le nom de liberté de conscience, nom funeste, inconnu à toute l’antiquité chrétienne, que la seule fureur des guerres civiles, les batailles sanglantes, l’autorité légitime foulée aux piés, & les édits arrachés par force de la main du Souverain, ont introduit en nos derniers jours. Péliss.

CONSCIENCIEUSEMENT, adv. en conscience. Sincerè, religiosè, ex animo. Il est rare que dans le commerce du monde, on agisse toujours consciencieusement. Je ne sçais si l’on n’auroit pas moins de dépit de se voir tuer brutalement par des gens emportés, que de se sentir consciencieusement poignarder par des gens dévots.

CONSCIENCIEUX, EUSE. adj. qui a la conscience délicate, qui se conduit suivant les règles du devoir & de la justice. Homo integer, religiosus. Vous pouvez vous fier à cet homme-là, il est fort consciencieux, fort homme de bien. Les hypocrites abandonnent souvent de petites utilités, afin de paroître consciencieux ; mais quand il s’agit de quelque intérêt assez considérable pour hazarder leur réputation, ils ne balancent point à le faire. S. Réal. Les hypocrites couvrent du manteau de la religion, le parti le plus utile, quelque peu consciencieux qu’il puisse être. Id.

CONSCRIPTEUR, s. m. terme en usage dans l’Université de Paris. Conscriptor. On donne ce nom dans les assemblées de la Faculté de Théologie à des Docteurs qui sont chargés d’aller au bureau à la fin des délibérations, pour examiner les avis & les vérifier.

CONSCRIT. s. m. Terme dont on est obligé de se servir dans l’Histoire Romaine, en parlant des Sénateurs qu’on appeloit les Peres conscrits, dont les noms étoient écrits dans le régistre, ou catalogue des Sénateurs. Conscriptus. Plutarque dit qu’on appela conscrits, ceux qui étoient ajoûtés aux anciens, & que l’on créoit nouvellement ; on les prenoit de l’Ordre des Chevaliers Romains. Voyez Tite Live au commencement de son II. Livre. Ce qu’il y a de certain, c’est que dans la suite, tous les Sénateurs, indistinctement, furent appelés Peres conscrits. Patres conscripti.

CONSE. Voyez Consus.

CONSÉCRATEUR. s. m. synonime de consacrant. Celui qui consacre. Consecrator. Le consécrateur d’un Evêque doit être accompagné de deux autres Evêques pour le moins. Fleury. Le Consécrateur doit Jeûner la veille de la consécration. Id. Quoi de plus grand que d’être le consécrateur du corps & du sang de J. C. Année du chrétien, Sept. p. 275.

CONSÉCRATION, action par laquelle le Prêtre qui célèbre la messe, consacre le pain & le vin. Christi corporis effectio, confectio, consecratio. L’élévation de l’hostie se fait incontinent après la consécration, afin que le peuple l’adore. Si la substance qui demeure après la consécration a les mêmes dimensions & la même superficie que le pain, & si elle fait la même impression sur nos sens, comme le suppose Descartes, il s’ensuit nécessairement que le pain demeure après la consécration. Pere Dan.

Il y a de grandes difficultés entre les Théologiens, touchant les paroles de la consécration. L’opinion la plus commune, & la plus reçue dans l’église latine, est que la consécration du pain & du vin, consiste en ces mots : Ceci est mon corps, ceci est mon sang. Ambroise Catharin, qui a assisté au Concile de Trente, & Chef-Fontaine, Archevêque de Césarée, ont combattu ce sentiment par des écrits publics. Le premier a composé là-dessus deux dissertations, qui ont été imprimées à Rome en 1552, avec ses autres opuscules : dans son Epitre dédicatoire au Pape Jule III, il réfute assez au long les disciples de S. Thomas. De Chef-Fontaine, dans un petit ouvrage qu’il a publié sous ces titres, de necessaria Theologiæ scholasticæ correctione, qui est adressé au Pape Sixte V, prétend qu’il faut corriger sur ce sujet l’opinion commune des Théologiens de l’école, comme étant contraire au Concile de Trente, & même au texte des Evangélistes. Il cite en sa faveur, les Docteurs de Cologne, Lindanus & quelques autres Théologiens. Quoique cette opinion n’ait point été censurée par la Faculté de Théologie de Paris à laquelle le livre de l’Archevêque de Césarée fut déféré, elle n’est point reçue communément dans l’église latine ; mais elle est reçue de toutes les Eglises d’Orient.

Les Grecs d’aujourd’hui attribuent, au moins en partie, le changement du pain & du vin au corps & au sang de notre Seigneur, à une certaine prière qu’ils appelent l’invocation du Saint-Esprit. Dans cette prière ou invocation, le Prêtre demande à Dieu qu’il envoye son Saint-Esprit sur le pain & sur le vin, & que par sa présence, il les sanctifie & les change au corps & au sang de Jesus-Christ. Elle se fait après que le Prêtre a récité ces paroles : Ceci est mon corps, ceci est mon sang ; que les mêmes grecs croient être seulement nécessaires pour la consécration des symboles, parce qu’elles renferment l’histoire de l’institution de ce divin sacrifice. Cette opinion est reçue généralement de toute l’église grecque, qui s’est déclarée la-dessus depuis quelques années dans une confession de foi écrite en Grec vulgaire, sous le titre de Confession orthodoxe de l’église catholique & apostolique d’Orient. L’original de ce livre se trouve en manuscrit avec les souscriptions des Evêques, dans la bibliothèque de M. L’Archevêque de Reims. Il n’y a rien de plus clair ni de plus décisif pour établir la transubstantiation, & en même-temps l’opinion des Grecs touchant la consécration, que des paroles qui se trouvent dans cette confession : Le Prêtre n’a pas plutôt récité la prière qu’on appelle l’invocation du Saint-Esprit, que la transubstantiation se fait, & que le pain se change au véritable corps de Jesus-Curist, & le vin en son véritable sang, ne restant plus que les espèces qui paroissent.

Cette prière, ou invocation du Saint-Esprit, dans laquelle les Grecs font consister en partie les paroles de la consécration, se trouve dans tous les exemplaires de leurs liturgies. Comme la liturgie Grecque est la source de toutes les liturgies des Eglises