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CON

préférées lorsqu’il s’agit de les doubler, il n’y a qu’à compter les consonnances par ordre : ainsi, l’octave, la quinte, la quarte, la tierce & la sixte, pour savoir distinguer que l’on doit préférer l’octave à la quinte ; & ainsi de suite, en remarquant que l’octave est déja une réplique, & que dans l’accord consonnant de la sixte, l’octave de la tierce ou de la sixte est aussi bonne que celle de la basse. Id. Voyez Dissonnance.

Consonnance, en terme de Grammaire, se dit aussi des cadences semblables, ☞ de la ressemblance des sons des mots dans la même phrase. Consonantia similiter desinens. Ce qui rend quelquefois une longue Poësie françoise ennuyeuse, ce sont les rimes qui ont trop de consonnances, ou de mêmes chutes. Les consonnances sont vicieuses dans la Prose françoise, quoique les latins en fassent une figure qu’ils appellent ὁμοιοτέλευτον. ☞ Comme la rime entre dans le méchanisme de nos vers françois, nous ne voulons la voir que là, & l’oreille est frappée désagréablement quand deux mots qui ont le même son, se trouvent l’un auprès de l’autre ; comme si je disois, lorsque deux mots qui ont le même son, sont l’un auprès de l’autre. Il faut, disent Vaugelas & Bouhours, éviter en Prose, non-seulement les rimes, mais encore les consonnances des mots ; comme celle qui le trouve entre Soleil & immortel. Les consonnances sont autorisées dans nos proverbes.

CONSONNANT. adj. terme de Musique. On le dit des tons, ou des intervalles. Il y a des intervalles consonnans : il y en a de dissonnans.

CONSONNE. Quelques-uns disent CONSONNANTE. adj. & s. f. Lettre qui ne produit point de son toute seule. Consonnans. La consonne, selon la Grammaire, est une lettre qui ne produit de son qu’avec une autre qui doit être voyelle, ou dipthongue ; & c’est de-là que lui vient son nom de consonne, qui veut dire une lettre qui rend un son quand elle est jointe avec une autre, quæ sonat cum alia. Une consonne, selon la Philosophie, n’est autre chose que la modification du son qui se fait par le moyen des organes de la voix : ainsi les sons marqués par ces caractères, a, e, i, o, u, ai, au, &c. ieu, eau, yeu, &c. sont autrement modifiés quand on dit ab, ou ba, que quand on dit ac, ou ca, ad, ou da, &c. & ces modifications s’appellent consonnes, lettres consonnes.

Les lettres de l’Alphabet sont divisées en voyelles & en consonnes. Il y a des consonnances doubles, comme l’x dans le mot axillaire, le ξ en grec ; d’autres liquides, comme l, r, m, n ; d’autres muettes, comme b, d, &c, qui ne font aucun son sans voyelle.

La division la plus naturelle des consonnes est celle que font les Grammairiens Hébreux, qui ont été imités en cela par les Grammairiens des autres langues Orientales & savantes. Ils divisent les consonnes en cinq classes, par rapport aux cinq organes principaux de la voix, dont chacun contribue avec les quatre autres, mais plus que les quatre autres, à certaines modifications qui font cinq espèces générales de consonnes. Chaque espèce ou chaque classe renferme plusieurs consonnes, qui résultent des différens degrés qu’on distingue dans la même modification, ou dans les mouvemens des mêmes organes : ces organes sont le gosier, le palais, la langue, les dents & les lèvres. Les cinq espèces de consonnes sont, les gutturales, les palatiales, les linguales, les dentales ou les sifflantes, & les labiales.

On compte dix-sept consonnes dans la langue françoise, qui sont b, c, d, f, g, k, l, m, n, p, q, r, s, t, x, z, auxquelles il en faut ajouter trois autres, qui sont l’h aspirée, l’j consonne, & l’v consonne ; ce qui fait en tout vingt consonnes : une gutturale, h aspirée, comme dans les mots héros, hallebarde : cinq palatiales, qui sont c dur, comme on le prononce devant a, o, & u ; j consonne, k, & q. On peut les remarquer dans les mots suivans, caverne, colère, curiosité ; gendre, girandole, garantir, goblet, guerre, kalendes : quatre de la langue, qui sont, d, l, n, t : quatre dentales, dont les trois dernières sont sifflantes, r, s, x, z ; cinq labiales, qui sont, b, f, m, p, v consonne.

Il faut remarquer sur cette division des consonnes : 1o. Que quoique le g soit modifié de trois manières différentes, selon qu’il est devant l’a & l’o, ou devant 1’e & l’i, ou devant 1’u, il est toujours consonne du palais. 2o. Que le j consonne ne diffère que pour la figure & le caractère, & nullement pour la prononciation du g devant e ou i. 3o. Que le k n’a point d’autre prononciation que celle du c dur. 4o. Que le q a deux prononciations, l’une dure & ferme, par où il ressemble pour le son au k & au c dur, comme dans les mots quand, querelle, quatre, quolibet, &c. & une autre un peu plus douce, qu’il a quand il est suivi d’ue, ou d’ui, qu’on prononce mouillés, comme dans quelle, quille. 5o. Que quoique la prononciation du q paroisse différente dans quand & dans quadrupède, elle est en effet la même ; la différence apparente vient de ce que l’u ne se prononce pas dans quand, & qu’il a le son de l’ou dans quadragésime, quadrupède, &c. mais dans toutes ces occasions le q est toujours une lettre palatiale. 6o. L’s a deux sons ; l’un dur, qui est un sifflement rude, & son propre son, l’autre doux, par lequel elle ressemble au z ; elle prend ce son quand elle est entre deux voyelles, comme dans les mots vase, maison, asine, &c. 7o. L’x renferme deux lettres dans le son qu’elle fait entendre : savoir, un c dur ou un k, & une s ou un autre c, tel qu’on le prononce devant e ou i ; ainsi les mots Alexandre ou Alexis, se prononcent comme s’ils étoient écrits Alecsandre, Aleccis, ou Alecsis. 8o. Le c devant un e, ou un i, n’est point une consonne du palais, mais des dents, parce qu’il perd alors son propre son pour prendre le son sifflant de l’s.

M. l’Abbé de Dangeau trouve assez raisonnable la division des consonnes que les Grammairiens hébreux ont inventée, mais il n’est pas tout-à-fait de leur avis sur le partage qu’ils en ont fait. Pour trouver une division plus naturelle & plus juste des consonnes, il n’a point d’égard à leur figure, ou au caractère qui les représente, il ne considère que leur son, ou la modification qu’elles donnent au son : sur ce principe il trouve cinq consonnes labiales, qui sont b, p, v consonne, f & m : cinq palatiales, qui sont d, t, g, k, n : quatre sifflantes, qui sont s, z, j consonne, ch : deux liquides, l & r : deux mouillées, qui sont gn, ou le son qui commence la seconde syllabe d’ignorant, & deux ll mouillées, ou le son qui commence la dernière syllable de bouillon ; & l’h qui sert à marquer l’aspiration, ce qui fait dix-huit consonnes, & une aspiration. Il remarque ensuite les choses suivantes. 1o. Que l’m & l’n sont deux consonnes nasales, l’m un b passé par le nez, & l’n un d aussi passé par le nez ; en effet, ceux qui sont fort enrhumés prononcent banger pour manger, & je de saurois pour je ne saurois. 2o. qu’entre les consonnes il y en a de foibles & de fortes ; les foibles sont, b, v, d, g, z, j ; les fortes sont, p, f, t, k, s, ch : elles différent en ce que les foibles sont précédées d’une petite émission de voix qui les adoucit. On peut ajouter que quand on dit qu’une personne parle du nez, on doit entendre cela dans un sens tout différent que celui que présentent ces paroles ; car alors le nez concourt moins à la prononciation, que si l’on ne parloit pas du nez ; puisque l’air qui ne peut passer librement par le nez est renvoyé dans la bouche, où il forme un son obtus, qu’on appelle son nasal.

De tout ce qu’on vient de dire, on doit conclure qu’il n’y a plus de consonnes dans une langue que dans une autre, que parce qu’il y a plus de modifications de son reçues par l’usage, & établies dans une langue, que dans une autre ; car tous les hommes ayant les mêmes organes, ils peuvent former les mêmes modifications : ainsi c’est seulement à l’usage, & nullement à la nature, qu’il faut attribuer que les François n’aient point le θ des Grecs, ou le th Anglais, le ch des Allemands tel qu’ils le