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CON

fait avec le subrogé tuteur, qui est le légitime Contradicteur. Un Arrêt rendu contre le Fermier, n’opère rien contre le Maître, parce qu’il n’est pas un légitime Contradicteur.

☞ On dit, en termes de Palais, qu’un acte est fait sans Contradicteur, quand il est par défaut, ou que les parties intéressées n’y ont pas été appelées.

☞ CONTRADICTION, s. f. opposition. Contradictio. En termes de Philosophie, contradiction, signifie incompatibilité, opposition de deux idées qui ne peuvent pas subsister ensemble, qui affirment & nient la même chose en même temps. Être & ne pas être implique contradiction. Repugnantia. Si le monde s’étoit fait lui-même, il eut été avant que d’être : ce qui renferme une contradiction. Abad.

☞ Il y a contradiction entre deux propositions, quand elles sont tellement opposées l’une à l’autre, qu’il est impossible qu’elles soient vraies toutes deux en même temps ; quand l’une affirme précisément ce que l’autre nie. Voyez Contradiction, Proposition.

Contradiction, en morale. Ce mot pris dans un sens plus étendu, comme on le prend dans l’usage ordinaire, annonce simplement une opposition aux sentimens & aux discours de quelqu’un ; tout jugement opposé à un autre jugement déja porté, pugnantes jententiæ, discrepentia, diversitas optnionum. On appelle esprit de contradiction, un homme qui, pour l’ordinaire, n’est pas de l’avis des autres. Quit, ut plurimum, ab aliis, ou aliorum opinioni dissentit. Ceux qui ont un esprit de contradiction considèrent peu les raisons qui les pourroient persuader, & ne songent qu’à celles qu’ils pourroient opposer ; ils sont toujours en garde contre la vérité, & ils ne pensent qu’aux moyens de la repousser & de l’obscurcir. Port-R. Ce qui rend les Grands si impatiens à la moindre contradiction de leurs inférieurs, c’est qu’ils ne peuvent souffrir que ces gens qu’ils regardent avec mépris, prétendent avoir autant de jugement & de raison qu’eux. Id. La délicatesse de l’esprit humain va jusqu’à ne pouvoir souffrir de contradiction. De Vill.

☞ Dans une signification plus étendue encore, il se dit à peu près dans le même sens de toute objection, de tout obstacle que l’on oppose à quelqu’un. Ce n’est pas à nous d’examiner pourquoi Dieu a exposé les mystères de la Religion aux contradictions de la raison. C’est le sort des bons Livres, de trouver des contradictions. S. Evr. Il ne faut point mettre trop directement la raison & la foi en contradiction. Claud.

CONTRADICTOIRE, adj. ☞ terme du style didactique, d’usage en philosophie & en jurisprudence, signifie en général, qui contredit. Contradicens, contradictorius. Il est impossible que deux propositions contradictoires soient toutes deux vraies. Les propositions contradictoires en général sont celles dont l’une affirme & l’autre nie la même chose du même sujet, considéré sous le même rapport ou la même qualité. Car en général les propositions contradictoires ne sont pas celles qui sont opposées en quantité & en qualité, puisque les propositions contradictoires non universelles, mais particulières, comme, l’Empereur est mort, l’Empereur n’est pas mort, ne sont pas comprises dans cette définition, n’ayant point de quantité.

Pour que deux propositions soient véritablement contradictoires, il faut qu’elles soient opposées en quantité & en qualité ; c’est-à-dire, que l’une soit universelle & l’autre particulière, c’est l’opposition de quantité ; & que l’une soit affirmative & l’autre négative ; c’est l’opposition de qualité, comme celles-ci : Tout usage du vin & de l’argent est mauvais, elle est fausse. Quelque usage du vin & de l’argent n’est pas mauvais, elle est vraie. Il faut de plus que l’une affirme, & que l’autre nie la même chose, du même sujet considéré dans les mêmes circonstances, s’il ne s’agit pas d’un attribut essentiel ; car on n’a point d’égard aux circonstances dans les attributs essentiels, puisque chaque chose a toujours son essence: c’est ce que les Logiciens expriment en ces termes, affirmare & negare idem de eodem, secundum idem. On peut faire aussi des propositions contradictoires sur un sujet particulier, comme un individu : on les appelle propositions singulières contradictoires, comme Pierre est juste, Pierre n’est pas juste. Pour que ces deux propositions soient contradictoires, il faut considérer Pierre dans le même temps, sans quoi elles pourroient être toutes deux vraies, puisqu’il y a eu un temps où Pierre a été juste, & un autre où il a été pecheur.

☞ On appelle aussi termes contradictoires, des termes directement opposés l’un à l’autre. Oui & non, tout & rien sont des termes contradictoires.

Au Palais, il se dit des jugemens rendus parties ouies à l’Audience, ou sur le vu de leurs productions, ☞ de tout ce qui est fait en présence des parties intéressées. Un inventaire, un procès verbal de visite, sont contradictoires, lorsque toutes les parties y sont présentes, ou que du moins quelqu’un y stipule pour elles. Un jugement par défaut est opposé au jugement contradictoire. On ne peut revenir contre les jugemens contradictoires par opposition: il n’y a que la voie d’appel, en première instance ; ou de la Requête-Civile, en Cour Souveraine ; ou de la cassation, au Conseil privé.

CONTRADICTOIREMENT, adv. d’une manière contradictoire. Contrario ac pugnante sensu. Tout ce qui semble contraire, n’est pas pour cela contradictoirement opposé.

On dit aussi au Palais, un Arrêt rendu contradictoirement, qui a été rendu ☞ après que toutes les parties ont été ouïes, ou après qu’elles ont produit. On le dit par opposition aux jugemens rendus par défaut. Latum, dictâ utrinque causâ, judicium.

CONTRAIGNABLE, adj. m. & f. ☞ terme de Palais. Qui peut être forcé par quelque voie de droit à faire quelque chose. Qui adhibita vi cogi potest. Les femmes en puissance de mari, les septuagénaires, les Prêtres & Diacres, ne sont point contraignables par corps. ☞ Il faut en excepter les marchandes publiques, pour leur négoce ou pour stellionnat procédant de leur fait. Hors delà ce mot n’est point en usage.

☞ CONTRAINDRE. v. a. Je contrains, je contraignis, j’ai contraint, je contraindrai, que je contraigne, que je contraignisse, contraignant. Obliger, forcer, violenter. C’est ainsi qu’on nous présente ces quatre mots, comme pouvant figurer l’un pour l’autre, quoiqu’ils ne se ressemblent que par une idée générale & commune, & qu’ils aient les uns & les autres une idées accessoire & particulière qui les distingue & les caractérise. Ils expriment tous, une action qui donne plus ou moins atteinte à la liberté. Celui de contrainte, dit M. l’Abbé Girard, semble mieux convenir pour marquer une atteinte donnée à la liberté dans le temps de la délibération, par des oppositions génantes, qui font qu’on se détermine contre sa propre inclination, qu’on suivroit si les moyens n’en étoient pas ôtés. Cogere. Voyez les autres mots. Le sexe le plus foible & le plus docile est celui qui aime le moins à être contraint. Dieu n’a pas voulu contraindre notre liberté. C’est toujours un mal de contraindre au mal, & toujours un bien de contraindre au bien. L’erreur n’a pas droit de contraindre ; c’est un privlège réservé à la vérité. Jur. On le contraignit de, ou à faire telle chose. La nécessité contraint la loi, contraint de passer par dessus la loi. Ce mot vient du latin constringere.

Contraindre se dit aussi en termes de Palais ; pour dire, forcer par Justice, par quelque voie de droit à faire quelque chose. Si vous ne me payez pas, je vous ferai contraindre. Il sera contraint par toutes voies dûes & raisonnables, par saisie & exécution de ses biens, par corps.

Contraindre signifie quelquefois simplement obli-