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on mit dans le mortier de l’eau que l’on rejettoit en penchant & remuant doucement le mortier, ce que l’on fit jusqu’à ce que l’eau eut emporté toute la poussière ; après quoi on trouva au fond du mortier un petit grain d’or, qui fut éprouvé à la pierre de touche, & jugé de l’or excellent, & pour me servir du terme de l’Officier de la Monnoie, de l’or de Ducat. Cependant les Officiers de la Monnoie convinrent que pour en bien juger, il eût fallu en avoir une quantité assez grande pour les mettre au feu & à la coupelle.

Corne de S. Hubert, nom d’une espèce de coquillage de mer. Sancti Huberti cornu.

Corne est aussi un terme de fortification. L’ouvrage à cornes est un dehors fort étendu & avance pour couvrir une courtine, ou un bastion. Opus cornutum, propugnaculum cornutum. Il est fait de deux flancs défendus de la place à la portée du mousquet. Sa tête fortifiée d’une tenaille, ou de deux demi-bastions joints par une courtine. Les côtés sont ordinairement parallèles. Il y en a pourtant qui sont plus serrés vers la place, qu’on appelle à queue d’aronde ; d’autres plus étendus, qu’on appelle à contre-queue d’aronde, selon qu’on veut couvrir un plus grand ou un moindre endroit de la place. Quand les côtés sont trop longs, on y fait quelquefois des épaulemens pour les flanquer.

Corne signifie aussi ce qui est angulaire & pointu. Cornu. Dans le rituel on distingue la corne droite de l’autel, de la fenestre. On dit aussi les cornes du Croissant, quand la nouvelle lune, commence à paroître. ☞ Dans un bonnet carré, tel que le portent les Ecclésiastiques, les Docteurs, les Gens de Justice, on appelle cornes certaines petites crêtes qui s’élevent sur le bonnet. Bonnet carré à trois, à quatre cornes. On prend un bonnet carré par une de ses cornes. La corne d’un échaudé, d’une talmouse, se dit aussi d’un des angles, d’une des pointes, d’un échaudé, d’un pain, d’une patisserie faite à angles.

Corne, en termes de l’écriture, signifie honneur, gloire, exaltation, puissance, force. Cornua. Moïse est souvent peint avec des cornes, qui étoient des rayons de lumière qui parurent sur la tête en descendant de la montagne de Sinaï. On dit presque en ce sens, qu’un homme leve maintenant les cornes, qu’il commence à montrer les cornes, quand il revient en honneur, en crédit, en autorité, après avoir essuyé quelque mauvaise fortune. On a pris en latin cornua dans une signification à peu-près semblable, Addit cornua pauperi, dit Horace ; c’est-à-dire, lui donne du courage, de la force, de la hardiesse, de la confiance.

Corne se dit en un sens tout contraire, quand on montre à quelqu’un les deux doigts écartés en forme de cornes, ou pour marquer une honte, ou quelque infamie. Illudere alicui. Tout le monde le montre au doigt, lui fait les cornes. C’est en ce sens qu’on fait porter les cornes à un homme, quand on le deshonore, en subornant sa femme, en la rendant infidelle. Voilà un hardi maraut, de vouloir planter des cornes à Jupiter. Ablanc. M. Dacier a observé que cette idée infamante attachée aux cornes, étoit inconnue aux Anciens.

Corne en termes de Blason, se dit d’une espèce de bonnet pointu qui est rouge & bordé d’or, que porte le Doge de Venise pour marque de sa dignité. En ce sens il est masculin, & on dit le corne. Pileus cornutus.

Corne se dit proverbialement en ces phrases. On dit d’un homme surpris de quelque nouvelle, de quelque accident extraordinaire, qu’il est ainsi étonné que si les cornes lui venoient à la tête. On dit d’un homme qui a mal entendu, qu’il entend de corne, qu’il a mangé de la vache. On dit d’une viande qui est dure, que c’est de la corne, qu’elle est dure comme de la corne. On dit qu’on prend les hommes par les paroles, & les bêtes par les cornes. On dit aussi d’un goulu qui mange vîte, qu’il n’a pas besoin qu’on lui donne un coup de corne pour lui donner de l’appétit. On dit d’un satyrique qui a donné quelque trait piquant à quelqu’un, qu’il lui a donné un coup de corne.

CORNÉE. s. f. terme d’anatomie, nom qu’on donne à la partie antérieure de la membrane sclérotide, qui est la première des membranes propres de l’œil. Cornea. Elle a été ainsi appelée, parce qu’elle ressemble à une feuille de corne fort mince, qu’elle se lève par écaille comme la corne, & qu’elle est transparente pour donner passage à la lumière. Le reste de cette membrane est épais & opaque ; il retient le nom de sclérotide, c’est-à-dire, dure.

Cornée, terme d’Artificier, qui signifie une cuillerée de matière combustible qu’on verse dans le cartouche avec une espèce de cuiller cylindrique, de corne, de cuivre, ou de fer blanc, dont la capacité est proportionnée à la grosseur de la fusée, & au diamètre intérieur du cartouche, afin qu’on ne mette à chaque reprise de la charge qu’on doit battre & fouler à coups de maillets, que la quantité convenable pour qu’elle le soit fortement & également.

Cornée, adj. f. lune cornée, terme de Chimie. C’est la précipitation de l’argent en forme de caillé blanc, que l’on a exposé au feu, & qui est formé de quelques gouttes de la dissolution des cristaux de sel de succin, versées dans une dissolution d’argent par l’esprit de nitre. Hist. de l’Acad. des Sc., 1742, p. 50.

CORNEILLAN, petite ville de France dans l’Armagnac.

CORNEILLE. s. m. nom propre d’homme. Cornelius. Ce mot est latin, & s’est formé de Cornelius. On le dit du Centenier, dont le baptême est rapporté aux Actes des Apôtres C. X. Corneille Centenier, homme juste & craignant Dieu, selon le témoignage que lui rend toute la nation juive, &c. Port-R. On le dit aussi des SS. du Nouveau Testament qui ont porté ce nom, comme Corneille, Patriarche d’Antioche au IIe siècle. S. Corneille Pape, qui succéda à Saint Fabien l’an 251. Mais quand on parle des anciens romains : il faut dire Cornelius, & non pas Corneille. Cornelius Fuscus, homme de grande naissance, & dans la vigueur de son âge, fut l’un des principaux flambeaux de cette guerre. D’Ablanc. Cornelius Laco, Chef des Cohortes Prétoriennes, & l’un des Ministres de Galba. Il ne faut donc pas dire Corneille Asina. Il faut cependant excepter Corneille Tacite, qu’on appelle toujours ainsi, & jamais Cornelius. La famille des Cornelius, Gens Cornelia. Voyez Cornelia.

CORNEILLE. s. f. oiseau de la couleur d’un corbeau, mais de moindre grosseur. Cornicula, cornix, du grec κορώνη. Il y a aussi une corneille picotée de blanc, qui est fort goulue, & qui vit de grain, qui dérobe la monnoie : ce qui la fait appeler par les latins monedula. Ceux qui croient que la corneille est la femelle du corbeau se trompent : ce sont des oiseaux d’espèce différente. Ménage. M. Ménage, dans ses Juris Civilis amœnitates, prétend que 'Gracculus' ne signifie point un geai, mais une corneille. Il n’y a point de pays au monde où il y ait tant de corneilles qu’en Angleterre. L’humidité de son terroir engendre quantité de vers, dont ces oiseaux se nourrissent. Rochef. Ce que l’on dit après Hésiode de la longue vie du corbeau & de la corneille, est une fable ; On dit cependant qu’elles vivent jusqu’à cent ans. Voyez Voss. de Idolol. L. III, c. 79, 86, & 96 où il parle des corneilles. Virgile dit que la corneille présage, ou annonce la pluie avec une voix enrouée. Elle est chez les anciens le symbole de la concorde ; les nouveaux mariés avoient coutume de l’invoquer ; selon les uns elle étoit de bon augure, & de mauvais selon les