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rale, comme ils l’avancent, est fausse, absurde, téméraire, & qu’elle détruit ce Dieu qu’ils prétendent reconnoitre. Car s’ils avouent qu’il y ait un Dieu, ils reconnoissent un être infiniment parfait, infiniment bon, infiniment vrai, qui n’est point un fourbe, & qui, comme il ne peut se tromper lui-même, ne peut aussi tromper personne. Cependant si de tout ce que je crois voir au monde, entendre, sentir, il n’en est tien, si rien de tout cela n’existe, si depuis 20, 50, 40, 50, 60, 80 ans, & plus que je crois voir ces choses, les sentir, les entendre, je ne les vois, ne les entens, ne les sens point, celui qui me les fait voir, sentir, entendre, qui excite en moi ces perceptions, qui à chaque moment de ma vie m’abusent, me trompent, me font illusion, n’est point un Dieu, & il faut ou renoncer à Dieu, ou renoncer à la proposition générale.

Et en effet, quoique dans un cas particulier il puisse se faire que l’être que je crois exister hors de moi, n’existe point ; il ne peut se faire néanmoins que l’état dans lequel le Créateur m’a mis, soit un état perpétuel d’illusion, & que généralement ou presque généralement ce que je crois voir, entendre, sentir hors de moi, n’existe nullement, que dans tous les momens depuis le commencement de ma vie jusqu’à la fin, ou du moins presque toujours, & pour ainsi dire habituellement & par état, toutes ou même presque toutes mes perceptions ne soient que des illusions, des tromperies. Cela, dis-je, ne peut se faire, & j’en fuis aussi sûr que je suis sûr que Dieu est infiniment bon, vrai, sage, qu’il n’est point un fourbe ni un trompeur ; j’en suis donc métaphysiquement sûr. Et à quelle fin raisonnable & sage Dieu pourroit-il en user ainsi ? Et si cette doctrine perverse alloit s’introduire, où en seroit la religion, & que deviendroient ses preuves ?

☞ Le corps naturel & sensible, c’est-à-dire, en tant qu’il est formé par les causes naturelles, & revêtu des qualités sensibles, est l’objet de la Physique. Le corps considéré par rapport aux trois dimensions est l’objet de la Géométrie.

Les corps naturels sont animés ou inanimés. Voyez Ame.

Corps, à l’égard des animaux, se dit de ce qui est opposé au principe de la pensée, à l’ame. C’est cette partie de l’homme & des bêtes qui est composée de chair, d’os, de nerfs, &c. qui est matérielle. On ne peut assez admirer la Providence dans l’arrangement des corps, & dans les différens organes qui composent la machine des animaux. Que d’ordre, que de ressorts, que de liaisons ! Maleb. L’ame n’est point la forme du corps humain ; bien loin que la vie animale soit dépendante de l’ame, parce qu’elle cesse dès que l’ame en est séparée, il arrive au contraire que la demeure de l’ame dans le corps est dépendante de la disposition du corps, & qu’elle ne s’en sépare qu’après que l’ordre du corps est interrompu. Roh. L’ame & le corps sont trop disproportionnés, pour que les pensées de l’ame causent des mouvemens dans le corps : ainsi ces mouvemens réciproques ne pouvant être la cause directe l’un de l’autre, ils en sont l’occasion, ou la cause occasionnelle. Dieu, à l’occasion d’un mouvement du corps, imprime une pensée à l’ame ; & de même à l’occasion d’une pensée de l’ame, il imprime un mouvement au corps. Par conséquent Dieu est comme le médiateur de tout le commerce entre l’ame & le corps. C’est toujours Descartes qui parle selon ses principes, & dont les conséquences sont terribles. L’union entre l’ame & le corps est si étroite, qu’il ne se passe rien dans le corps dont l’ame ne soit aussi-tôt avertie. Val. Les Stoïciens entreprirent de persuader que les intérêts de leur propre corps leur étoient indifférens, & ils se retranchoient dans la partie spirituelle d’eux-mêmes. Son esprit, malgré le poids des années & des affaires, a conservé sa force & sa vigueur dans les ruines mêmes de son corps. Fléch. Dans la machine du corps de l’animal les Auteurs de la trituration comparent le cerveau à l’arbre du pressoir, le cœur au piston, les poumons aux soufflets, la bouche à la meule & aux pilons, l’estomac au pressoir, les boyaux au réservoir, ou à la meule. Nigrisoli, dans ses considerations sur la generation des corps vivans, traite au long des causes de la formation de nos corps, & de leur organisation.

☞ Le mot de corps, dans cette acception, peut être considéré sous différens points de vue, & devient susceptible de différentes épithètes.

☞ L’homme est composé de corps & d’ame, du corps & de l’ame. Constat ex mente & corpore simul unitis. Quand l’ame est séparée du corps, le corps s’appelle cadavre.

☞ Le corps considéré par rapport à la taille, à la conformation ou à la figure, est d’une taille petite, moyenne ou grande, d’une conformation bonne ou mauvaise, d’une figure gracieuse ou désagréable.

☞ Le corps considéré par rapport aux exercices dont il est capable, a plus ou moins de facilité à s’acquitter de certaines fonctions ; facilité qui dépend de la disposition des parties organiques, & résulte de la concurrence accidentelle des causes physiques. Le corps est souple, dénoué, agile, &c. ou il a les qualités contraires.

☞ Considéré par rapport à la santé, il est bien ou mal constitué, fort, robuste, rigoureux, foible, fluet, délicat. Corps exténué, cacochime, d’une mauvaise pâte.

☞ Dans la lutte, dans les combats, on se prend, on se saisit corps à corps, on se bat, on lutte corps à corps.

☞ On dit encore gagner quelque chose à la sueur de son corps, c’est-à-dire, en travaillant beaucoup. Traiter durement, délicatement son corps. Faire des folies de son corps, en parlant des personnes du sexe, la même chose que s’abandonner ; style familier. A corps perdu, façon de parler adverbiale, qui signifie sans crainte du danger. Il se jeta à corps perdu dans la mêlée ; à son corps défendant, mieux qu’en son corps défendant. Faire une chose à son corps défendant, contre son gré, pour éviter un plus grand mal.

Mais l’âge dans son ame a mis ce zèle ardent,
Et l’on sait qu’elle est sage à son corps défendant. Mol.

Corps se prend aussi par opposition à l’esprit. On dit, en ce sens, les plaisirs du corps ; pour dire, les plaisirs qui n’affectent que le sens. Si l’homme n’avoit point péché, l’ame & les corps ne seroient point importunés par des désirs déraisonnables. Port-R. Il est beau qu’il se trouve dans le Christianisme des âmes si détachées de la terre & d’elles-mêmes, qu’elles semblent indépendantes du corps auquel elles sont attachées, & qu’elles traitent comme leur esclave. Abad. Le corps tyrannise l’ame. Maleb. La rébellion du corps dont nous sommes les esclaves, vient du péché.

Quoi ! vous ne goûtez pas
Cette union des cœurs où le corps n’entre pas ? Mol.

Ce n’est qu’à l’esprit seul que vont tous les transports ;
Et l’on ne s’apperçoit jamais qu’on ait un corps. Id.

Corps, en termes d’Anatomie, se dit de plusieurs parties du corps de l’animal, que l’on désigne alors par des épithètes particulières. C’est ainsi qu’on dit, le corps calleux, les corps cannelés du cerveau, les corps caverneux de la verge, le corps glanduleux du foie, les corps mamillaires des reins, les corps papillaires de la langue, & ; pour dire, une matière, une substance calleuse, les substances cannelées du cerveau, &c.

Corps se dit aussi de la partie du corps humain qui est entre le cou & les hanches. On dit, en ce sens, un corps bien fait. Avoir le corps de travers. Il a le corps bien fait, mais les jambes trop courtes.

☞ On le dit plus particulièrement du tronc, de la capacité du corps. Pectus, stomachus, thorax, ven-