Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, II.djvu/970

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
962
COU

leur, comme d’avoir la préférence sur celui qui demande à jouer dans une autre couleur.

☞ Au Lansquenet, prendre couleur, c’est entrer au jeu & couper. Quand quelqu’un arrive, & que le coup est achevé, on demande, voulez-vous prendre couleur ?

☞ Dans un sens figuré prendre couleur, c’est se décider, se déclarer. Reprendre couleur, rentrer en faveur, rétablir sa fortune.

☞ On dit aussi d’un homme qui, après une longue retraite, reparoît dans le monde, ou revient à la Cour, qu’il a repris couleur. Ces expressions figurées ne sont que du style familier.

Couleur se dit figurément des ornemens, des apparences ou des prétextes dont on couvre, ou dont on déguise les choses. Color, figura. Sénèque a tant de peur qu’une belle pensée n’échappe à ses Lecteurs, qu’il la pare de toutes les couleurs qui la peuvent rendre brillante & agréable. Bouh. Ce sont nos passions qui donnent la couleur & la teinture à tous les objets : ce sont elles qui président à toutes les consultations du cœur. Claud. Ceux qui ont de l’esprit, peuvent donner des couleurs & des apparences à tous les partis qu’ils entreprennent de soûtenir. Mont. Démosthène avoit de grandes expressions, des couleurs vives & éclatantes, & des traits pénétrans. P. Rap. Les passions obscurcissent presque toujours la vérité, & ne la laissent paroître que lorsqu’elle est teinte de ses fausses couleurs. Maleb. Il ne faut point farder la vérité par des couleurs sensibles, qui, en la rendant plus délicate, lui ôtent sa force. Idem. Le peuple ne tient pour l’erreur que sous l’image & sous les couleurs de la vérité. {{|Bail}}. La vraie éloquence ne se pare jamais de couleurs empruntées : c’est par les traits de sa beauté naturelle qu’elle charme, & qu’elle persuade. S. Evr. Représentez avec toutes les couleurs de l’éloquence les supplices que doivent souffrir éternellement les damnés. Bouh. Xav. I, IV.

☞ Dans cette acception, il se prend quelquefois plus étroitement pour une raison apparente dont on se sert pour couvrir & pallier quelque mensonge, ou quelque mauvaise action, afin de persuader ce qu’on desire. On donne à cela une fort mauvaise couleur. Il fait donner une couleur spécieuse à ce qu’il fait de mal. Le mensonge se revêt des couleurs de la vérité.

J’inventai des couleurs, j’aidai la calomnie. Racine.

Couleur, en termes de Blason, est une des principales désignations des pièces de l’écu. Color. On n’en admet que cinq : gueules, c’est le rouge. Miniatus, coccineus, ruber. Azur, le bleu. Cæruleus. Sinople, le vert. Prasinus, viridis. Le sable, le noir. Ater, niger. Le pourpre est mélangé de gueules & d’azur. Purpureus, violaceus. Leurs significations seront expliquées à leur ordre. C’est une maxime, qu’il ne faut point mettre couleur sur couleur, ni métal sur métal. On tient que ce fut un certain Œnomaüs qui inventa la distinction des couleurs pour les diverses Quadrilles des combattans aux Jeux Circenses : le vert pour ceux qui représentoient la terre, & le bleu pour ceux qui représentoient la mer.

Les différentes couleurs, en termes de Rubrique, servent à distinguer les mystères & les fêtes que l’Eglise célèbre : elle ne se sert régulièrement que de cinq couleurs, qui sont le blanc, le rouge, le vert, le violet & le noir : il n’y a pas long-temps que la couleur violette est en usage en France, comme on en peut juger par les ouvrages de Durand. La couleur blanche est employée pour les mystères de Notre-Seigneur, excepté le Vendredi-Saint, pour les Fêtes de la Sainte Vierge, celles des Anges, celles des Confesseurs, celles des Vierges, & des autres Saints & Saintes qui n’ont pas souffert le martyre. La couleur rouge est pour les mystères & les solennités propres du S. Esprit, pour les fêtes des Apôtres, excepté S. Jean, & pour celles des martyrs. La couleur verte est la couleur propre du temps depuis la Pentecôte jusqu’à l’Avent, & depuis l’Epiphanie jusqu’à la Septuagésime. La couleur violette est en usage l’Avent, le Carême, aux Quatre-temps, aux Vigiles, aux Rogations & aux Messes votives qui se disent à l’occasion de la guerre. La couleur noire est pour les Morts & pour les cérémonies qui les regardent. Dans le Diocèse de Paris, la couleur rouge est employée pour la fête du Saint Sacrement, & la couleur verte pour les Confesseurs Pontifes. Dans le Diocèse du Mans, on prend des ornemens de couleur rouge le Vendredi-Saint. Les étoffes d’or & d’argent, & les broderies d’or ou d’argent, quand elles couvrent entièrement le fonds, s’emploient pour toutes les couleurs, dans quelque solennité que ce soit. Saint Louis avoit toujours en Palestine des ornemens précieux de diverses couleurs, selon les fêtes & les solennités, & en prenoit un soin particulier. C’étoit donc alors un usage reçu que le changement des couleurs selon les Fêtes. L’Eglise Grecque a eu aussi l’usage des couleurs différentes pour différens temps & différentes Fêtes. Le rouge étoit dans ce rit la couleur du Carême, & pour les Offices des Morts. Voyez le P. Goar sur Godin, p. 84, Not. 9 & 10.

Couleurs, au plur. se dit aussi des livrées que quelqu’un affecte & choisit pour se distinguer d’un autre, & pour signifier quelque passion. Insignia. En ce sens il vient du Blason & de la coutume des anciens Chevaliers, qui dans les tournois, armés de toutes pièces, n’étoient distingués que par leurs habits, plumes & rubans de diverses couleurs, qui étoient ordinairement celles de leurs Maîtresses, & qui étoient le symbole de quelque qualité de leurs passions. Delà est venu le blason des couleurs, auquel on a attribué diverses significations qu’on trouve dans les livres de la Science Héraldique. Et comme les Chefs de ces tournois faisoient habiller toutes leurs Quadrilles de même parure, cela a fait qu’on a appelé couleurs les habits que les personnes de condition donnoient à leurs gens de livrée. Ainsi on dit que le bleu, c’est la couleur du Roi, le vert, la couleur de la Maison de Lorraine, &c. On appelle proprement Gens de couleurs les Pages, Laquais, Cochers & Suisses. Et quand on dit absolument, qu’un homme a porté les couleurs, on entend qu’il a été Laquais. On dit mieux, & plus ordinairement, porter la livrée.

Tel aujourd’hui triomphe au plus haut de la roue,
Qu’on verroit de couleurs bizarrement orné,
Conduire le carrosse, où l’on le voit traîné. Boil.

Le mot de couleur vient du latin color, qui vient du verbe grec χρόω, coloro, je donne la couleur.

Coulevrée. Voyez Couleuvre.

COULEVRENIER ou COULEVRINIER, s. m. ancien nom d’une milice en usage au XVe siècle en France. Les Coulevreniers hauront le haubergeon à manches, gourgerin, salade & placart devant (se havoir le peuvent) dagues & espées tranchans, à une main. Gollut, Mém. de Bourg. L. X, c. 96. Les gaiges de l’Archier, de Coulevrinier, & du Picquenaire à pié, seront de quatre francs par mois. Id.

COULEVRINE. s. f. pièce d’artillerie fort longue, & qui porte bien loin. Tormentum à culubro dictum. Son calibre est de quatre pouces dix lignes de diamètre. Son boulet est de 16 lignes & demie. Selon Diego Usano, la coulevrine légitime a 32 calibres de long, tire 20 livres de fer avec 12 livres de poudre. La bâtarde, qu’on nomme autrement serpentin, a 17 calibres, tire 24 livres de fer avec 14 livres de poudre. Et l’extraordi-