Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, II.djvu/992

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
984
COU

souvent des semaines & des mois entiers à courir la même.

Quand on veut abréger, on n’a qu’à convenir que celui qui gagnera un tour contre chacun des autres avec ou sans interruption, retirera la poule. Alors on peut ordinairement finir dans une séance un peu longue. L. S.

Courir se dit aussi figurément en choses morales. Currere. Quand Dieu a résolu de perdre quelqu’un, il le laisse courir aveuglément au précipice. Sherlock. On court à la raison, & on cherche la vérité par les doutes & par la dispute. Balz. Il ne faut pas s’étonner que tant de gens courent après la fausse gloire ; puisqu’il en est si peu qui connoissent la véritable. Ab. de S. R. Si les Espagnols ne courent point au péril, c’est moins par timidité que par prudence. S. Evr. Il faut sortir de la carrière de la fortune, quand on ne se sent pas propre pour y courir.

Combien de gens voit-on d’une ardeur non commune,
Par le chemin du ciel courir à leur fortune ? Mol.

On dit qu’un homme court une belle fortune ; pour dire, qu’il est en belle passe : qu’il court à l’Evêché, au chapeau de Cardinal, au bâton de Maréchal ; pour dire, qu’il y aspire, & qu’il y a apparence qu’il y peut parvenir ; qu’il court à la gloire ; pour dire, qu’il n’estime que l’honneur, que le prix de la vertu. On dit, qu’il court à l’hôpital, à sa ruine, à sa perte, pour dire, qu’il conduit ses affaires de manière à se perdre, à se ruiner promptement. Ruere in exitium, in ruinam. Courir à l’hôpital est familier. On dit aussi qu’un homme court hasard, court fortune ; pour dire, qu’il lui peut arriver du bien & du mal. Subire periculum, aleam.

Votre honneur avec moi ne court point de hasard,
Et n’a nulle disgrace à craindre de ma part. Mol.

On dit encore, qu’un homme veut bien courir risque de quelque chose, quand il la prend à ses périls & fortunes ; qu’il veut bien que la perte tombe sur lui. On dit encore, qu’un homme a bien couru des fortunes en sa vie ; pour dire, qu’il a bien essuyé des périls, des dangers.

Courir après les honneurs, après les richesses, &c. les regarder avec ardeur. Honores, divitias expetere, concupire. Courir une charge, un bénéfice, &c.

Courir un bénéfice, signifie aussi, envoyer un Courier à Rome ou à celui qui a la nomination du bénéfice pour être le premier à le demander. On dit aussi courre un bénéfice. Voyez Courre.

Courir sur le marché de quelqu’un. Dans le propre, c’est enchérir sur lui pour emporter ce qu’il marchande. Au figuré, c’est vouloir emporter sur lui une chose à laquelle il a prétendu le premier. On dit aussi courir sur les brisées de quelqu’un, expressions familières.

Courir après son argent, continuer à jouer, regagner ce qu’on a perdu. Proverbialement courir après son éteuf, se donner bien de la peine pour recouvrer un bien qu’on a laissé échapper. Je me suis payé par mes mains pour ne pas courir après mon éteuf.

Couru, ue. part. Il a la signification de son verbe en latin comme en françois.

COUR-LAYE. s. f. C’est une Juridiction séculière opposée à la Juridiction Ecclésiastique.

COURLIS ou COURLIEU. s. m. espèce d’oiseau aquatique qui a un grand bec façonné en faucille, Clorius, parce qu’en volant il prononce corlieu. Voyez Corlieu. Il y a le courlis de plaine qui est plus grand & plus gros que la perdrix, & plus haut monté sur ses jambes. Sa tête est plus grande, plus grosse, & autrement faite, aussi bien que le bec qui est plus long. Il court de grande vîtesse, il se plaît particulièrement dans les plaines & les terres labourées. Cet oiseau ne chante point, mais il fait un cri, ou plutôt une sorte de sifflement, que l’on entend de très-loin. L’on en voit en Espagne & en Sicile, dans les montagnes où croissent le nard & le romarin ; on en voit aussi en France. Ils font leurs nids de même que la perdrix ; leur chair n’a pas moins de bonté ni de délicatesse que celle de cet oiseau. Si l’on en veut nourrir, il faut leur ajuster une petite loge, dans laquelle ils se puissent retirer, & y mettre du gravier & des pierrailles, & quelque touffe d’herbe, parce qu’ils se retirent volontiers entre les pierres. Ils ne sont pas difficiles à nourrir, parce qu’ils mangent toutes sortes de grains.

☞ COUROI. s. m. terme de Marine, synonime à Courée & Couret.

☞ COUROIR. s. m. terme de Marine. Passage étroit pour aller dans les chambres.

COURUNDI. s. m. grand arbre toujours vert, qui croît aux environs de Paracaro, & dans les Indes Orientales. Le suc exprimé de ses feuilles, pris dans du lait chaud, guérit la diarrhée & la dyssenterie. Les amendes de son fruit, préparées de la même manière, produisent le même effet. Ray. Hist. Plant.

COURONNE. s. f. C’est une marque de dignité : ornement que les Rois & les Souverains mettent sur leur tête pour marque de leur pouvoir absolu, & sur tout dans les grandes cérémonies. Corona. L’antiquité la plus reculée ne déféra les couronnes qu’à la Divinité. Bacchus fut un des premiers qui s’en para : après, les Sacrificateurs en mirent sur leurs têtes, & sur celles des victimes. Athénée, L. XV, & Q. Fabius Pictor, L. I, disent que Janus est l’inventeur des couronnes, que c’est lui qui s’en servit le premier dans les sacrifices. Mais Pline, L. XVI, c. 4, dit que c’est Bacchus. Phérécydes, cité par Tertullien, de Coron. c. 7 dit que Saturne est le premier qui se soit couronné ; Diodore, que ce fut Jupiter après sa victoire sur les Titans ; Léon l’Egyptien, qu’Isis se couronna la première d’épics de blé dont elle avoit appris l’usage aux hommes. Il ajoûte que Claudius Saturnius avoit composé un livre des couronnes, où il traitoit de leur origine, de leurs causes, de leurs espèces, & des cérémonies qu’on observoit à cet égard.

Les premières couronnes n’étoient qu’une bandelette dont on se ceignoit la tête, & qui se lioit par derrière, comme on le voit aux têtes de Jupiter qui sont sur les médailles. Voyez-le sur celles des Ptolomées d’Egypte. Les Rois de Syrie sont aussi souvent couronnés de même. Quelquefois on les faisoit de deux bandelettes ; ensuite on prit des rameaux de différens arbres ; puis on y ajouta des fleurs ; & Tertullien, à l’endroit cité, écrit qu’il paroissoit par le Livre de Claudius Saturnius qu’il n’y avoit aucune plante dont on n’eût fait des couronnes. Pline, L. XXI, c. 3, dit que P. Claudius Pulcher fut le premier qui mit aux couronnes une petite lame ou bande de métal. Les Rois Macédoniens de Syrie sont les premiers qui portèrent sur les médailles la couronne rayonnante, radiata. Les couronnes des Dieux étoient différentes. Celle de Jupiter étoit de fleurs ; elle est souvent de laurier sur les médailles ; celle de Junon, de vigne ; celle de Bacchus, de vigne, de raisins, de pampres, de branches de lierre chargées de fleurs & de fruits ; celles de Castor, de Pollux & des Fleuves, de roseaux ; celle d’Apollon de roseaux ou de laurier ; celle de Saturne, de figues nouvelles & fraîches ; celle d’Hercule, de peuplier ; celle de Pan se faisoit de pin ou d’yèble ; celle de Lucine, de dictame ; celle des