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Couronne signifie aussi le corps de l’Etat représenté par le Souverain. Regnum. Il y a eu souvent rupture entre ces deux couronnes. Les biens de la couronne sont inaliénables, & avec le temps sont réunis à la couronne. Le Prince est indispensablement obligé de maintenir les droits de la couronne, dont il n’est que le dépositaire. Le Roi d’Espagne a perdu un des plus beaux fleurons de sa couronne, en perdant la Hollande. Le Connétable, le Chancelier, sont des Officiers de la couronne. Les Secrétaires du Roi se disent Secrétaires de la maison & couronne de France, & des finances.

Couronne Royale, Ordre de Chevalerie. Ordo militaris à corona regia nuncupatus. On prétend qu’il fut institué par Charlemagne. Les Chevaliers portoient sur l’estomac une couronne en broderie d’or. L’Abbé Justiniani en parle, T. I, c. 14, & le P. Hélyot, P. I, c. 33, p. 271. Cet ordre s’appelle l’ordre de la couronne, ou les Chevaliers Frisons ou de Frise ; il fut institué l’an 802. Ils portoient une couronne impériale dorée sur un habit blanc. Voyez Frise. Cet ordre n’a existé que dans l’imagination de quelques écrivains modernes. Voyez le premier tome de l’Histoire des Ordres Religieux par le R. P. Hélyot ; mais il y a eu un véritable ordre de la couronne, institué par Enguerrand VII, Sire de Couci, & Comte de Soissons. Voyez Dom Duplessis, Hist. de Couci, p. 88, 89.

Il est fait mention de cet ordre dans des lettres de confirmation que Louis, Duc d’Orléans, accorda aux Pères Célestins de Villeneuve, après qu’il eut acheté la terre de Couci, & le Comté de Soissons. Ces lettres sont insérées dans le Cartulaire de la Chambre des comptes de Blois, de l’an 1393, fol. 34. vo. Il se trouve un sceau de ce Prince à la Chambre des Comptes de Blois où il est représenté, tenant une couronne renversée, attachée au bras droit à une courroie passée dans une boucle. On voit aussi ses armes au château de Blois & à l’Hôtel de Ville, au bas desquelles il y a aussi une couronne renversée. Cette couronne pourroit être la marque de l’ordre de la couronne, institué par Enguerrand de Couci, que le Duc d’Orléans auroit conservé après être devenu Seigneur de Couci & de Soissons. P. Hélyot, T. VIII, C. 39.

Couronne se dit, par extension, de plusieurs ornemens qu’on met sur la tête pour marques d’honneur ou de réjouissance. Corona. Constantin mit, pour ainsi dire, la couronne sur la tête de l’Église. Herman. On donne aux guerriers des couronnes de laurier, aux amans, de myrrhe ; aux buveurs, de lierre. Les bergers portent des couronnes de fleurs dans leurs fêtes. Quand l’Arioste eut reçu la couronne des mains de Charles V, il fut si transporté, qu’il courut toute la ville, plus furieux que son Roland. Henry Lorit ayant été couronné par Maximilien I, recevoit les étrangers qui le venoient voir dans une salle magnifique assis dans un fauteuil qui lui servoit de trône, la couronne sur la tête, sans leur faire l’honneur de leur dire un seul mot.

Chez les Romains, il y avoit diverses couronnes pour récompenser les exploits militaires. La couronne ovale étoit la première ; elle étoit faite de myrte, & se donnoit aux Généraux qui avoient vaincu des ennemis indignes d’exercer la vaillance romaine, & à qui on décernoit les honneurs du petit triomphe appelé ovation. Ovalis. La seconde étoit la navale ou rostrale, qui étoit un cercle d’or relevé de proues & de poupes de navires qu’on donnoit au Capitaine ou soldat qui, le premier avoit accroché ou sauté dans un vaisseau ennemi. Navalis vel rostrata. La troisième, nommée vallaire ou castrense, étoit aussi un cercle d’or relevé de paux où de pieux, que le Général donnoit au Capitaine ou soldat, qui le premier avoit franchi le camp ennemi, & forcé la palissade. Vallaris, castrensis. La quatrième, murale, étoit un cercle d’or crénelé, qui se donnoit à celui qui, le premier avoit monté sur la muraille d’une ville assiégée, & y avoit arboré l’étendart. Muralis. C’est aussi sur les médailles, l’ornement des Génies & de Déités qui les protègent. C’est pourquoi Cybèle, la Déesse de la terre, & tous les génies particuliers des Provinces & des Villes, portent des couronnes tourelées. La cinquième, civique, étoit faite d’une branche de chêne vert, qui se donnoit à un citoyen qui avoit sauvé la vie à un autre citoyen dans une bataille ou dans un assaut. Civica. Elle étoit fort estimée, & fut même donnée à Auguste, & il en fut fait des monnoies avec cette devise, ob cives servatos. On la donna aussi à Cicéron après qu’il eut découvert la conjuration de Catilina. La sixième étoit la triomphale faite de branches de laurier, qui se donnoit au Général qui avoit gagné quelque bataille, ou conquis quelque province. Triumphalis. On la fit d’or dans la suite. La septième étoit l’obsidionale ou graminée, parce qu’elle se faisoit de gramen, ou des herbes qui se trouvoient sur le terrain. Obsidionalis vel graminea. Elle se donnoit aux Généraux qui avoient délivré une armée romaine assiégée des ennemis, & qui les avoient obligé à décamper. La huitième étoit aussi une couronne de laurier, que les Grecs donnoient aux Lutteurs, & les Romains à ceux qui avoient ménagé ou confirmé la paix avec les ennemis ; c’étoit la moins estimée. Laurea. Les couronnes radiales se donnoient aux Princes, lorsqu’ils étoient mis au rang des Dieux, soit devant, soit après leur mort ; cette sorte de couronne n’étant propre qu’à des Déités, dit Casaubon, je ne prétens pas néanmoins faire de cela une maxime constante ; mais aucun Empereur vivant ne l’a prise avant Néron. Les couronnes Athlétiques étoient destinées à couronner ceux qui remportoient le prix aux jeux publics. On voit la couronne d’ache des jeux istmiens sur une médaille de Néron. Adrien, en faveur d’Antinous, en fit faire une de Lotus à laquelle il donna son nom Αντινοεια, qui se trouve sur des médailles. Il y a des couronnes Sacerdotales ou Pontificales pour les Prêtres. Les Déités ont des couronnes particulières, Bacchus est couronné tantôt de pampre, tantôt de lierre. Hercule en porte une d’un feuillage semblable au lierre. Cérès en porte une d’épics de blé. Flore en porte une de fleurs. P. Jobert. Jupiter est couronné d’un diadème, ou de laurier. Enfin, on se couronnoit de fleurs, de roses, & sur-tout de myrrhe & de lierre dans les festins & dans les parties de divertissemens, tant chez les Grecs que chez les Romains, comme on le voit si souvent dans Anacréon & dans les autres Poëtes. Quoique tous les noms des couronnes dont nous avons parlé soient latins, nos antiquaires & nos médaillistes ne font point de difficulté de s’en servir, ils les emploient tous, & ils sont devenus François. Voy. les Sciences des médailles, par le P. Jobert, Jésuite, p. 269 & suiv. de la dernière édition.

Sur les médailles, les couronnes des Empereurs, depuis Jules César, sont ordinairement de laurier, le droit de les porter lui fut accordé par le Sénat, & depuis continué à les successeurs. Justinien est le premier qui a pris une espèce de couronne fermée, qui tantôt est plus profonde en forme de bonnet, & tantôt plus plate, approchant du mortier de nos Présidens, excepté qu’il est surmonté d’une croix, & souvent bordé de perles à double rang. C’est ce que M. du Cange appelle Camelaucium.

En termes de Théologie, on dit la couronne de gloire, ou la couronne du ciel ; pour dire la béatitude éternelle. Corona gloriæ, corona cælestis. La couronne du Martyre ; pour dire la récompense certaine qui est due aux Martyrs. Laurea Marty-