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Sozomène disent qu’un homme qui avoit de l’honneur & de la pudeur n’y pouvoit aller.

☞ Tout conspiroit à faire de ce lieu un séjour délicieux : l’air y étoit le meilleur du monde ; le territoire admirable de sa nature, le devenoit encore plus par l’art, & fournissoit toutes sortes de fruits ; des bois de haute futaie, de petits bosquets, des eaux excellentes, toutes les commodités de la vie y attiroient une infinité de ces gens qui veulent goûter les douceurs d’une vie tranquille & aisée, de-là le proverbe : Daphnicis moribus vivere.

Il y a plusieurs loix ou rescrits des Empereurs, dans le Code, qui défendent de couper ce bois, qui étoit composé principalement de cyprès & de lauriers. On y voyoit une Idole fameuse d’Apollon qui rendoit des oracles, & qui fut rendue muette, comme Sozomene le rapporte, L. V. c. 18. Il y avoit un autre temple consacré à Diane. Les Juifs y avoient aussi une fameuse Synagogue, dont S. Jean Chrysostome parle souvent dans ses Homélies contre les Juifs d’Antioche.

Ce nom fut apparemment donné à ce lieu du mot Grec Δάφνη, laurus, parce qu’il y avoit beaucoup de lauriers. Bochart, dans son Chanaan, L. I. c. 1. prétend que ce mot est Hébreu & Phénicien, & qu’on a dit Daphne pour Taphne, les Grecs ajustant les mots Hébreux, de sorte qu’ils semblent être nés chez eux. Quoi qu’il en soit, ce lieu changea de nom dans la suite, & prit celui de Nero, qui, quoi qu’en dise Hoffman, ne vient pas vraisemblablement du Grec Νηρόν, qui signifie un lieu humide & aquatique, ni du Syriaque נר, qui ne se dit peut-être point, mais de l’Hébreu נהר, nathar, dans la forme Syriaque, נהר, nehar, & נהרא, nehara, qui signifie un ruisseau, une rivière, & figurément, un lieu bien arrosé.

Daphné, est aussi un lieu d’Egypte proche de Péluse, dont parle Etienne de Byzance.

Daphné est encore une montagne de l’Attique, ainsi nommée à cause de la quantité de lauriers-roses qui y croissent. Il y a un Monastère de Caloyers, aussi appelé Daphné, du nom de la montagne. Voyez M. Spon, dans son Voyage de la Grèce, P. II. pag. 275. & Wheler, Voyage d’Athènes, T. II. Liv. III.

Daphné. s. f. Terme de Mythologie. Fille de Tirésias, dont parle Diodore, prophétisa à Delphes, & y acquit le nom de Sibyle. On dit qu’elle n’employoit dans ses réponses que des vers d’Homère.

Daphné. Fille du Fleuve Pénée, laquelle fut métamorphosée en Laurier.

Daphné, autre Nymphe de la montagne de Delphes, qui fut choisie, selon Pausanias, par la Déesse Tellus, pour présider à l’Oracle qu’elle rendoit en ce lieu, avant qu’Apollon en fût en possession.

☞ DAPHNÉEN. Surnom donné à Apollon, à cause du célèbre temple qu’il avoit à Daphné, Fauxbourg d’Antioche.

DAPHNELÆON. s. m. Laurinum, ou huile de baie de laurier. Voyez en la préparation dans le Dict. de James. Ce mot vient de δάφνη, laurier, & ἔλαιον, huile.

DAPHNÉPHORIES. s. f. pl. Terme de Mythologie. Fêtes que l’on célébroit tous les neuf ans dans la Grèce, en l’honneur d’Apollon. Un jeune homme choisi parmi les meilleures familles, bien fait, fort & robuste, portoit en pompe une branche de laurier chargée d’un globe de cuivre, duquel pendoient plusieurs autres petits globes. Le premier désignoit le Soleil ; le second un peu plus petit désignoit la Lune, & les autres les étoiles. Les couronnes qui environnoient ces globes marquoient les jours de l’année. Le jeune homme ministre de cette fête s’appeloit Daphnéphore.

DAPHNIS. s. m. Nom d’homme. Daphnis. C’est un nom de Berger célèbre par les idylles, les eglogues des Poëtes de toutes les nations. M. d’Urfé a fait le mot de Daphnis du genre féminin dans son Astrée. Le Cavalier Marin a fait la même chose, & ils ont attribué tous deux aux femmes ce nom, que les autres n’ont donné qu’aux hommes. Théocrite & Virgile ont pleuré dans leurs ouvrages bucoliques la mort de Daphnis. Daphnis étoit fils de Mercure, il fut changé en rocher.

DAPHNIS. Fontaine voisine de Réblatha, ville de la Tribu de Nephthali, & des eaux du Méron. La Vulgate seule donne le nom de Daphnis à cette fontaine ; car le texte Hébreu & les Septante ne lui en donnent point.

DAPHNITE. s. f. Pierre figurée qui imite les feuilles du laurier.

DAPHNOMANCIE. s. f. Divination par le laurier consacré à Apollon. On la pratiquoit de deux manières.

☞ La première, en jetant une branche de laurier dans le feu, si elle pétilloit en brûlant, on en tiroit un heureux présage ; si elle ne faisoit point de bruit, c’étoit un mauvais signe.

☞ La seconde, en mâchant des feuilles de laurier, qui inspiroit, disoit-on, le don de prophétie.

☞ DAPHNOMANCIEN, enne. Celui ou celle qui se vante de deviner par le laurier.

DAPIFER. s. m. Nom de dignité & d’Office, Grand-Maître de la maison de l’Empereur. Dapifer. Ce nom est Latin, composé de daps, dapis, qui signifie un mets, une viande qui le sert sur la table, dans un repas,& qui se mange, & de fero, je porte. Aussi il signifie proprement Porte-mets, Porte-viande, un Officier qui porte les mets, qui sert la table. Quoique ce nom soit purement Latin, on ne laisse pas de s’en servir en François, comme a fait M. de Marca, dans son Hist. de Béarn, Liv. VI. c. 2. Ce titre de dapifer est un nom de dignité & d’office dans la Maison Impériale, que l’Empereur de Constantinople donna au Roi de Russie, comme une marque de faveur. Cet office étoit nommé en France anciennement dapiférat & Sénéchaussée, qui comprenoit l’intendance sur tous les offices domestiques de la Maison Royale, ainsi que Hugues de Cleriis, ancien Auteur, a expliqué dans le Commentaire qu’il en fit il y a six cens ans, en faveur de Foulques Comte d’Anjou, à qui le Roi Robert donna en héritage l’investiture du dapiférat de la Maison Royale ou la Sénéchaussée du Royaume, comme parle ce Hugues, que le P. Sirmond a publié en ses notes sur Géoffroy de Vendôme, De Marca. La Maison de Moncade, en Catalogne, a pris indifféremment le surnom de Moncade & celui de dapifer. Le titre de dapifer est même le surnom le plus ordinaire dans les actes publics, & le plus ancien dans cette illustre Maison, qui représente l’ancienne dignité du dapiférat de France, dont le premier de cette race avoit été pourvu sous Charlemagne. Id. C’est de la qualité de dapifer, qui est originaire dans cette maison, qu’elle a pris le sujet du blason de ses armes, qui sont six tourteaux. Id. Voyez encore le Glossaire de Du Cange & Hoffman.

Au reste, le dapifer n’étoit pas seulement un Officier de la maison des Princes, les particuliers avoient aussi des dapifers, comme ils ont aujourd’hui des Intendans & des Maîtres-d’hôtel. Quoiqu’il paroisse par ce qu’on a rapporté de M. de Marca, & par les preuves qu’il en donne à l’endroit cité, & qui sont aussi indiquées par Surita, en ses Annales, Liv. I. c. 2. & par Fra-Francisco Diego, dans son Histoire des Comtes de Barcelone, quoiqu’il paroisse, dis-je, par-là, que le dapiférat étoit établi sous Charlemagne, on n’en trouve aucune mention plutôt, & Hincmar lui-même n’en parle point dans le dénombrement des offices du Palais de ce Prince ; ainsi il paroît que c’est l’époque de l’institution de cet Office. Sous les Ottons le nom & le titre de dapifer devint plus commun. Il est encore resté jusqu’à ce tems-ci en Allemagne, & le Comte Palatin a été dapifer de l’Empire. Limnæus & Hoffman. Depuis 1623.